06/05/2014
PIERRE LAURENT : "Nous sommes pour la transformation de la zone euro plutôt que pour son explosion"
ARTICLE PUBLIE PAR LE NOUVEL ECONOMISTE
En prenant comme candidat à la présidence de la Commission le leader grec Alexis Tsipras, les forces de la Gauche européenne mettent en avant un symbole de la résistance aux politiques d’austérité mais aussi de la capacité à faire émerger des politiques nouvelles.
C’est la double ambition qu’explique Pierre Laurent.
Réuni avec le Parti de gauche au sein du Front de gauche, le “patron” du PCF est l’antithèse du tonitruant Jean-Luc Mélenchon : il critique les institutions de Bruxelles en s’en prenant aux dogmes derrière les traités tout en se défendant de tout dogmatisme. La preuve : il prône une réorientation radicale de la zone euro mais sans jeter l’euro.
Les listes que nous soutenons, pour les élections du 25 mai, rassemblent en France toutes les forces du Front de gauche, et dans l’Union s’inscrivent dans la démarche du Parti de la gauche européenne. Notre candidat commun à la présidence de la Commission sera Alexis Tsipras, le leader de la gauche grecque Syriza. Ces forces sont rassemblées au Parlement européen au sein du Groupe de la Gauche unitaire européenne, Gauche verte nordique, qui, depuis des années déjà, regroupe des forces de la gauche qui sont diverses politiquement, mais qui se reconnaissent dans une critique de l’Europe libérale telle qu’elle a été construite à travers les différents traités.
En France, ces forces se reconnaissent dans le combat qui a été mené en 2005 contre le traité constitutionnel européen et dans une Europe construite sur des objectifs sociaux nouveaux. Notre projet est celui d’une Europe solidaire, de progrès social, d’harmonisation sociale progressive vers le haut. C’est une Europe de coopération, pas une Europe de mise en concurrence systématique – comme c’est le cas aujourd’hui.
Un nouveau chemin
La candidature d’Alexis Tsipras est pour nous très symbolique. C’est le symbole d’une résistance, qui a été celle du peuple grec, à tous les mémorandums d’austérité de la troïka (Commission-BCE-FMI), mais à travers la Grèce c’est aussi le symbole de toutes les résistances sociales contre les politiques d’austérité actuelles dans les pays du Sud, mais également dans d’autres pays comme l’Irlande ou la France.
C’est surtout le symbole d’une Gauche européenne qui aspire à gouverner et à ouvrir un autre chemin à gauche que celui des forces social-démocrates européennes. En Grèce, Syriza domine maintenant le paysage à gauche et prétend à gouverner face à la droite d’Antonis Samaras.
Notre objectif en Europe est précisément de faire émerger une Gauche européenne nouvelle qui brise le consensus qui s’est construit toutes ces dernières années entre les forces conservatrices européennes regroupées dans le PPE et les forces social-démocrates regroupées dans le PSE. Parce que ce consensus libéral qui les amène à soutenir les mêmes traités constitue à nos yeux un des verrous politiques de l’Europe actuelle, dans laquelle les forces sociales, citoyennes, populaires, se reconnaissent de moins en moins. Si n’apparaît pas cette force de gauche européenne, eh bien, ce sera, face à cela, la montée des populismes et des extrémismes de droite qui l’emportera.
Nous, nous voulons ouvrir un nouveau chemin à gauche.
Le combat politique
La question démocratique est devenue centrale dans l’Union européenne actuelle. Depuis la crise de 2008, on est entré dans une phase de crise existentielle de l’Union et de la zone euro. Le choix des dirigeants européens a été de sauver la zone euro en organisant le sauvetage des banques, mais cela s’est fait au prix d’une envolée des dettes publiques par transfert de la dette privée sur les Etats. Et maintenant, on organise un chantage permanent au remboursement de cette dette, en poussant les Etats à des politiques de régression sociale, de déréglementation sociale, d’austérité extrêmement violente.
Non seulement ces politiques ne provoquent pas l’adhésion populaire, mais elles sont rejetées. Elles sont imposées aux parlements nationaux, ce qui provoque un approfondissement très inquiétant de la crise politique, du chaos même, dans tous les pays européens.
Si j’avais à définir ma conception de l’Union européenne, je dirais que nous sommes favorables à une union de peuples souverains, libres et associés. Nous pensons qu’il n’y a pas d’avenir dans une fuite en avant fédérale qui priverait les peuples et les Etats européens du recours régulier à l’expression de leur souveraineté. Les deux doivent marcher de pair. Des Etats qui avanceraient dans le dos de leurs peuples seraient condamnés à la même crise politique. On ne peut pas avancer vers des mises en commun nécessaires, de plus en plus importantes au plan européen, sans le consentement populaire.
Il faut prendre le temps de construire des coopérations qui soient des coopérations partagées et cesser d’imposer l’avancée à marche forcée vers un marché unique dans lequel les seules forces qui se retrouvent sont les forces financières, les forces capitalistes dominantes, les forces économiques dominantes – qui laissent à l’écart une part grandissante des populations européennes. L’Europe est devenue une zone d’inégalité absolument invraisemblable.
Dans ce combat politique nous travaillons évidemment à des renversements de majorité dans les institutions actuelles. Je crois au progrès des forces de Gauche, singulièrement dans le Parlement européen. Je pense qu’il est possible, des exemples le montrent, de construire des majorités de gauche dans ce Parlement. Nous avons sauvé le programme d’aide alimentaire aux plus démunis avec la majorité actuelle de ce Parlement. Ce combat, nous n’y renonçons pas, mais il faudra des transformations de la construction démocratique de l’Union européenne.
Un modèle ultra-concurrentiel
L’Europe a construit un modèle ultra-concurrentiel dont la principale variable d’ajustement depuis maintenant 15 ans, et de manière encore aggravée depuis la crise financière, est le coût du travail. Résultat, au lieu de miser sur la créativité du travail, sur des investissements innovants, sur un investissement massif dans la recherche et l’innovation, eh bien, on cherche à concurrencer les pays émergents. Ce sont parfois même les pays européens qui concurrencent leur propre marché intérieur avec des productions délocalisées, en tirant vers le bas le coût du travail.
Ce projet politique est une folie pour l’Europe. Comment est-ce qu’on peut penser faire de l’Union européenne un projet politique si l’horizon qui est proposé aux peuples c’est la dégradation continue du niveau social ? C’est la voie dans laquelle nous sommes engagés. Si nous allons au bout des logiques actuelles en Europe, nous allons vivre encore de longues années de régression sociale et d’harmonisation par le bas des conditions sociales en Europe. Je le redis, c’est une folie politique pour un projet européen qui prétendait être un projet de progrès social partagé.
Vous me demandez si cette “logique” est due au système institutionnel de l’Union européenne ou au monde global tel que l’on connaît. Je réponds qu’elle est due à la combinaison des deux. C’est le type de construction qu’on a gravé dans les traités européens qui conduit à la mise en concurrence systématique et à l’insertion dans des modes de relations internationales capitalistes qui renforce encore la mise en concurrence. Au lieu d’avoir la coopération et la mise en commun des moyens pour des objectifs partagés, on a une guerre économique ravageuse.
Les dogmes économiques
Il y a dans les traités actuels l’institution de dogmes économiques qui devraient être, à nos yeux, remis en cause. Même si le traité constitutionnel a été rejeté en France, il a de fait été réintroduit dans les traités, et au nom de ces dogmes on impose aux peuples européens des politiques sans leur laisser la possibilité de choisir la voie économique qui leur paraît la plus appropriée. C’est une des raisons de la crise actuelle.
Je précise que je ne crois pas aux dogmes, qu’ils soient libéraux ou marxistes. Mais je pense qu’il faut faire le constat de la faillite des politiques actuelles. Nous appliquons depuis cinq ans en Europe les principes économiques édictés par la Banque centrale européenne, par la Commission de Bruxelles, et par la troïka avec le FMI, et nous voyons bien que la situation ne cesse de se dégrader. Il va falloir inverser l’ordre des facteurs. Si on poursuit ces politiques, l’austérité va continuer à produire de la dégradation économique et des inégalités grandissantes, il faut donc faire bouger plusieurs fondamentaux des politiques économiques actuelles.
Nous ne pouvons pas vivre dans une situation de dépression économique avec une Banque centrale européenne qui ne peut pas refinancer les Etats, monétiser une partie de la dette ou faire jouer la création monétaire au service du développement économique. D’ailleurs, la BCE elle-même a desserré par moment la politique monétaire. Elle s’est un peu écartée de ce qu’autorisait le traité pour éviter la banqueroute généralisée. C’est bien la preuve que l’on ne peut pas rester durablement dans les rails actuels. Il y a d’ailleurs une exception européenne mondiale, puisque nous sommes la seule zone économique mondiale qui interdit à sa banque centrale le refinancement des Etats. Or nous savons très bien que les Etats les plus endettés ne rembourseront pas la dette, résultat ils s’enfoncent dans des situations insolubles.
Nos solutions
Il ne s’agit pas de monétiser toutes les dettes, mais il faudrait – au point où nous en sommes – qu’il y ait une obligation de remettre à plat la dette, de l’auditer, et probablement d’en annuler une partie, dont on voit bien qu’elle ne sera pas remboursée par certains pays, et d’en restructurer l’autre partie. Il faudrait aussi “critériser” l’utilisation du crédit. Nous, nous proposons, par exemple, avec la Gauche européenne, la création d’une institution publique nouvelle adossée à la BCE qui pourrait financer à taux quasiment nuls les investissements publics nécessaires à la relance de l’activité ou nécessaires pour de grands travaux. La Confédération européenne des syndicats propose un plan massif d’investissement à l’échelle européenne équivalent à 2 % du produit intérieur brut. Elle propose de financer cet effort par le recours à des euros-obligations.
Nous pensons qu’on peut aller plus loin pour le financement et que nous pouvons, à travers la BCE et à travers le système bancaire européen, utiliser différemment le crédit avec des taux très bas, voire à taux zéro, pour adosser durablement un financement pérenne à ce besoin de relance. Sinon il n’y aura pas de sortie du chômage pour la zone euro.
Nos propositions consistent à déconnecter une partie des circuits de financement de l’économie des marchés financiers. Il faut dégager une partie des circuits du crédit de la tutelle et des exigences des marchés financiers actuels.
Par ailleurs, c’est vrai, il y a d’autres problèmes structurels. L’affaiblissement industriel d’une grande partie de la zone euro est typiquement un problème structurel à toute la zone. La France est particulièrement touchée : nous avons perdu plus de 800 000 emplois industriels en un peu plus de dix ans. Et nous avons aujourd’hui une Europe qui a des échanges intracommunautaires totalement inégaux – avec des excédents commerciaux allemands qui dominent l’intégralité de la zone. Cette situation est extrêmement malsaine : il faut retrouver en Europe des échanges plus équilibrés, il faut développer les investissements industriels dans toute la zone euro avec des nouveaux programmes de coopération en lieu et place de la concurrence systématique que se livrent les groupes européens entre eux.
L’euro
Faut-il sortir de l’euro ? Un pays qui sortirait de la zone euro serait confronté à la même logique d’hyper concurrence. Il faut plutôt transformer l’euro et utiliser le potentiel extrêmement important de coopération qui existe dans cette zone pour la mettre au service de projets de développement partagés.
Nous sommes pour la transformation de la zone euro et de ses objectifs plutôt que son explosion ou sa dissolution progressive – ce qui d’ailleurs est un des risques que fait courir la politique actuelle. Parce que les politiques d’hyper concurrence mises en œuvre aujourd’hui vont, un jour ou l’autre, faire exploser la zone.
Dans la Gauche européenne c’est l’opinion qui domine, c’est celle qui est portée par Alexis Tsipras. Mais il est certain que notre famille politique a été traversée de débats sur cette question depuis la crise financière de 2008. Devant la violence des programmes d’ajustement et de régression qui ont été imposés à certains pays, la question s’est posée de savoir si les conditions imposées à certains peuples pour rester dans l’euro étaient encore supportables. Notre discussion a débouché sur l’idée que personne n’avait intérêt à une sortie solitaire qui le jetterait seul dans la jungle du marché mondial. Donc nous privilégions la bataille de la transformation de la zone euro. Ce qui est certain, c’est qu’il faut changer la politique monétaire européenne.
Dans le cas de la Grèce, il ne faut pas perdre de vue qu’une sortie de crise profitable au peuple grec nécessiterait de très forts investissements publics, parce qu’il y a une industrie à reconstruire, parce qu’il y a aussi des services publics de santé, d’éducation, de formation à redévelopper dans ce pays. L’ambition des Forces de Gauche, comme les nôtres, n’est pas de faire de la Grèce le paradis touristique des Européens. Nous avons une ambition de développement social partagée pour tous les peuples européens. Il faut faire différemment. Nous pouvons avoir des objectifs partagés en matière de transition énergétique à l’échelle de l’Europe en utilisant les potentiels, d’ailleurs assez diversifiés, de l’ensemble de la zone. De cette façon il serait possible de trouver là des marges de manœuvre pour un nouveau type de développement – qui soit plus harmonieux pour l’Europe entière.
Dans les “traitements” imposés par la troïka où il s’agit toujours de retrouver de la compétitivité ou de diminuer le nombre de fonctionnaires, à chaque fois on oublie systématiquement une facette du problème. A savoir que la Grèce a connu un pillage systématique de ses ressources, par des élites grecques qui se sont considérablement enrichies dans la période où les financements européens arrivaient, par des élites en partie largement corrompues qui ne payaient pas d’impôts, par des gouvernants qui n’ont même pas construit une fiscalité correspondant à la richesse du pays, par des groupes européens et des banques européennes, françaises et allemandes, qui soutenaient ce système complètement déséquilibré et fragile.
Il y a effectivement dans plusieurs pays européens, en Grèce notamment, des causes internes à la crise qui a explosé. Elles sont liées à des types de développements dominés par les oligarchies nationales. Pour une action efficace, il faut aussi mettre en cause ces privilèges.
La règle des 3 %
Quelle est mon analyse sur la règle du retour à 3 % de déficits publics en 2015 ? Je pense que se fixer comme objectif l’assainissement des finances publiques, tout le monde ne peut être que d’accord ! Est-ce que l’assainissement des finances publiques signifie obligatoirement la disparition de tout déficit, c’est beaucoup plus discutable. Parce que des nations qui connaissent du développement peuvent vivre avec des taux d’endettement raisonnables. Par contre, ce qui me paraît totalement irréaliste et même totalement contre-productif, c’est le délai dans lequel on prétend faire revenir nos économies à des taux de déficit de 3 %, et la méthode qu’on emploie pour y parvenir.
Le délai paraît beaucoup trop brutal. D’autant plus que toute l’addition, à écouter les experts de la Commission européenne mais aussi nos experts en France, devrait être payé en vérité par le monde salarié. Le résultat de ces politiques, on le voit dans plusieurs pays, entre autres en Grèce ! Quand on applique ces “recettes” de manière aussi brutale que le demandent les autorités européennes, cela débouche sur un affaiblissement de la richesse nationale, voire un recul.
On l’a vu dans certains pays : le recul du PIB a débouché sur une aggravation de la dette publique, et non sur sa maîtrise. Le problème n’est pas de renoncer à l’objectif d’assainissement des finances publiques, le problème c’est que le chemin choisi est insupportable socialement et contre-productif économiquement.
Dans ce contexte, la relation franco-allemande est stratégique alors qu’elle est aujourd’hui dramatiquement déséquilibrée – et ce n’est pas vrai que pour la relation franco-allemande. Toutes les négociations se font aux rythmes et sous conditions de l’Allemagne. Le dernier épisode en date étant l’aller-retour express de Manuel Valls à Berlin pour tenter de négocier un délai sur les 3 % ! L’Allemagne décide et les autres pays européens sont censés appliquer.
Ce déséquilibre actuel est une des causes de la crise, économique bien sûr mais aussi de la crise politique et démocratique de l’Europe. Il ne peut pas y avoir la construction durable d’une zone euro qui se fasse aux seules conditions des grandes puissances industrielles et bancaires allemandes. Il faut retrouver une Europe politique qui soit une Europe réellement de partage dans les décisions, et que probablement le rôle du Parlement européen soit revalorisé dans l’équilibre des forces institutionnelles européennes.
Réfléchi
Journaliste économique à l’origine, Pierre Laurent est depuis 2010 secrétaire national du Parti communiste français. Il a été directeur de l’Humanité et a fait ses classes, tout jeune, auprès de son père Paul Laurent, un leader du parti dans les années 80.
Il est également président du Parti de la gauche européenne et sénateur. Il est l’auteur du livre Le Nouveau Parti communiste, la preuve que c’est de façon réfléchie qu’il rejoue Place du colonel Fabien la pièce “rénovation du PCF”.
Propos recueillis par Jean-Michel Lamy
15:05 Publié dans ACTUALITES, Elections Européennes, ELUS COMMUNISTES, PARTI COMMUNISTE FRANCAIS, Parti de la Gauche Européenne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pierre laurent, monnaie, tsipras, élections européenne | | Imprimer | del.icio.us | | Digg | Facebook | |
05/05/2014
UKRAINE : FACE A LA MONTEE DES PERILS !
C’est en Europe : Un régime non élu envoie les chars et les hélicoptères de combat contre une partie de sa population avec le soutien des chancelleries de l’UE et des Etats-Unis.
Ces dernières ont choisi d’alimenter depuis des semaines une stratégie de la tension dans une zone ultra-sensible, à l’articulation entre la Russie et l’OTAN, en poussant ...un clan d’oligarques corrompus contre un autre d’affairistes tout aussi douteux, en lâchant la bride à des milices néo-nazies. Le pire est en marche après que trente et une personnes aient été brûlées vives dans le siège des syndicats d’Odessa, incendié à coups de cocktails molotov par les partisans de Kiev.
C’est en Europe et le péril est grand. Il est désormais urgent de rétablir un dialogue sans surrenchères irréalistes. Ainsi, quel crédit aurait dans ce contexte les référendums séparatistes du 11 mai et l’élection présidentielle du 25 mai fabriquée pour légitimer le nouveau pouvoir ?
L’Ukraine ne peut devenir la tête de pont d’une organisation militaire dirigée contre Moscou. La relation particulière de la population de l’Est du pays avec la Russie et avec la langue russe doit être reconnue, tout comme son refus de reconnaître les nouveaux gouvernants qui se sont imposés place Maïdan. L’hypothèse fédéraliste est sans doute le moindre des maux quand se dessinent des déchirements à la yougoslave. La tension sert au contraire les ambitions de Poutine qui agite la défense des russophones comme une légitimation d’expansionnisme.
C’est en Europe et la gouvernance de l’Union est en cause quand ses dirigeants ont privilégié l’aventurisme, fermé les yeux sur l’extrême-droite au cœur du pouvoir à Kiev, poussé à l’épreuve de force. La diplomatie française après l’affaire Snowden et la violation des règles internationales du président Morales ou ses errements bellicistes dans la guerre syrienne, ne sort pas grandie de cette nouvelle épreuve. François Hollande, si empressé à Carmaux de manipuler la parole de Jaurès pour en faire une sorte de bréviaire du renoncement et du libéralisme, ferait mieux de le relire : « Le courage, ce n’est pas de laisser aux mains de la force la solution des conflits que la raison peut résoudre ».
09:57 Publié dans ACTUALITES, International, PARTI COMMUNISTE FRANCAIS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : patrick appel muller, l'humanité, l'ukraine | | Imprimer | del.icio.us | | Digg | Facebook | |
04/05/2014
Travail dominical : une guerre contre les salariés
Par la voix du ministre des Affaires étrangères, le débat sur le travail dominical est revenu sur le devant de la scène. Le Conseil de Paris va se pencher sur cette question au cours des mois à venir, et les élus PCF-Front de Gauche entendent faire appliquer les droits des salariés en refusant toute extension du travail le dimanche.
C'est un débat qui semble revenir encore et toujours. Les plus dogmatiques des libéraux n'arrivent pas à comprendre pourquoi les Français refusent l'extension du travail dominical. Serions-nous, comme certains le laissent entendre, un peuple fainéant et arriéré, qui se complaît dans l'oisiveté quand nos voisins (et concurrents) européens en profitent pour engranger les bénéfices? C'est une drôle de vision de la construction européenne, mais surtout, c'est une bien étrange façon d'envisager le monde du travail.
Le dimanche serait une journée improductive. Un manque à gagner considérable. Et pourtant, chaque fois que le débat est relancé, on s'aperçoit hébétés qu'il existe dans la population d'autres valeurs que la concurrence, le marché et le profit.
Certains de nos concitoyens auraient même l'incroyable prétention de vouloir passer du temps avec leur famille, avec leurs amis, et faire autre chose que travailler ou consommer de façon compulsive.
Il faudrait remonter à la base de la construction économique de notre société pour bien comprendre les enjeux. Et sans entrer dans le détail, il est facile de comprendre que le jour de repos commun est très loin d'être improductif. C'est une journée sans laquelle les salariés ne parviendraient sans doute pas à tenir le reste de la semaine.
Et c'est pourtant à cela que la droite entend s'attaquer. Après avoir fait reculer l'âge de départ en retraite, après avoir fait augmenter le temps de travail hebdomadaire, on se demande par quel miracle les salariés ont toujours droit à une pause déjeuner. En vérité, le travail dominical n'est rien d'autre qu'une offensive de guerre contre les salariés.
Malheureusement, la droite a avancé sur ce terrain, et le gouvernement semble la rejoindre. Il ne devrait pourtant pas oublier qui l'a élu. En rejoignant l'UMP sur la proposition d'extension du travail dominical, Laurent Fabius s'en prend directement à ceux qui ont porté son parti au gouvernement. Comme Nicolas Sarkozy avant lui, il entend privilégier les bénéfices des entreprises avant les droits des salariés. Ce n'est pas ça, la gauche.
Et qu'on ne se méprenne pas. Il ne s'agit surtout pas d'un réflexe primaire ou dogmatique qui serait contre les entreprises. Au contraire, il s'agit bien de choix politiques et économiques tout à fait pragmatiques. A Paris, chaque dimanche, entre 12.000 et 15.000 commerces ouvrent leurs portes. Cela profite-t-il à l'emploi? Pas vraiment. Cela favorise-t-il un commerce de proximité? C'est tout le contraire. Ce sont les grands groupes commerciaux côtés en bourse qui profitent le plus des ouvertures dominicales. Les petits commerces ne s'en sortent pas. Ce sont pourtant ceux-là qui font vivre la vitalité économique, l'emploi et la convivialité dans nos villes.
Enfin, il faut mettre fin à un leurre qui revient toujours dans ce débat. La notion de volontariat des salariés est une chimère.
Entre le salarié et son employeur, la relation est inégale, c'est d'ailleurs pour cette raison qu'on l'encadre par un contrat de travail et qu'on la pacifie par le droit. Étant donnée la crise économique et l'anémie du marché de l'emploi, les salariés sont d'autant plus fragiles: ils ne peuvent pas se passer d'un salaire.
On note d'ailleurs qu'aujourd'hui, les salariés qui travaillent le dimanche sont en très grande majorité des femmes qui vivent loin de leur lieu de travail, ont de très bas salaires et des contrats souvent précaires. Le travail le dimanche est une façon de ne plus parler des salaires des lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi.
Si le débat sur le travail dominical revient si souvent, c'est sans doute parce qu'il touche finalement à ce qui fait l'un des ciments de notre civilisation.
D'un côté, certains refusent d'imaginer une journée qui ne soit pas dévolue à la consommation, de l'autre celles et ceux qui considèrent l'humain avant les tableurs Excel.
Emanuelle Becker, conseillère de Paris, article publié dans Huffingtonpost
17:28 Publié dans ACTUALITES, ELUS COMMUNISTES, PARTI COMMUNISTE FRANCAIS, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, commerce extérieur, laurent fabius, ouverture magasins dimanche, tourisme, travail, travail dominical, travail le dimanche, actualités, emanuelle becker | | Imprimer | del.icio.us | | Digg | Facebook | |
02/05/2014
EVRY, ELUS COMMUNISTES : OUI AU VOTE DU BUDGET DE LA VILLE, NON A L'AUSTERITE !
EXPLICATION DE VOTE DU GROUPE DES ELUS COMMUNISTES ET REPUBLICAINS D'EVRY, CONSEIL MUNICIPAL DU 30 AVRIL 2014
Le budget de la ville présenté à ce conseil municipal à une date exceptionnellement tardive pour respecter le vote des électeurs se situe dans la continuité du travail de l’équipe municipale renouvelée.
Nous profitons de cette introduction pour rendre hommage aux élus du précédent mandat, de la majorité et de l’opposition qui ne sont plus présents ici et saluer l’apport qu’ils ont eu pour le bien de notre ville et des habitants pendant 6 ans.
Nous rappelons ici le double cadre dans lequel est présenté ce budget.
Celui d’Evry, une ville populaire, jeune, diverse, solidaire. Une ville dont les besoins de services publics, d’investissements, d’équipements se situent au-dessus de la moyenne nationale et qui demande une attention particulière avec une population par exemple dont le revenu médian est de 1223 €, contre 1909 € pour l’Essonne, 1602 € pour l’Ile de France .
Evry est également une ville nouvelle qui en 40 ans a dû se construire à un rythme 3 fois supérieur à la plupart des autres villes ayant une population identique. Le taux de scolarité est aussi 2 fois supérieur à la moyenne des villes de 50 000 habitants de notre pays avec une population qui est composée majoritairement de jeunes et très jeunes Evryens.
Nous rappellons ces chiffres pour préciser que comparaison n’est pas toujours raison, et prétendre que la municipalité investit trop et dispose de trop de personnel sans rappeler ces éléments n’est pas juste.
Evry a en effet beaucoup besoin de solidarité, de liens sociaux, de vie et le budget présenté ici prend en compte toutes ces exigences.
Ce budget est aussi présenté dans un cadre imposé par le gouvernement et que nous n’approuvons pas.
Nous précisons d’ailleurs pour être juste, que le plan de rigueur gouvernemental d’économie de 50 milliards d’€ proposé subit une surenchère de la part de la droite qui propose pour l’UDI 80 milliards d’économie dans son programme, et l’UMP, 130 milliards d’€.
La droite au pouvoir, ce serait plus fort et plus violent dans les domaines de l’austérité et de la dégradation de la vie quotidienne des Français.Dans le cadre de ces économies que veut imposer le gouvernement, les collectivités locales devraient en payer le prix fort avec 1,5 milliards d’€ de dotations supprimées dès cette année, plus de 10 milliards d’ici 2017.
Nous le disons très nettement les conséquences seront désastreuses pour les collectivités, pour les habitants, pour l’emploi et les élus communistes et bien d’autres dans tous les autres partis politiques s’y opposent et s’y opposeront.
Le président socialiste des maires des grandes villes de France, Michel Destot le dit à juste raison par exemple : « Amputer la capacité d’investissement des collectivités a pour conséquence une baisse de l’activité économique et un recul de l’emploi.
Les 10 milliards d’euros (d’économies)sur les collectivités de façon générale ne sont pas pertinents en tant que tels » a affirmé pour sa part Anne Hidalgo Maire de Paris.
En 1950 la part des collectivités locales dans l’investissement public était de 44,3 %, il est aujourd’hui de 71 % et explique en très grande partie pourquoi la France est aujourd’hui une des puissances économiques les plus fortes de notre planète.
Ces investissements ce sont des lycées, des collèges, des crèches, des routes, des gymnases, des rénovations, et bien d'autres équipements, y toucher ce sera la certitude d’avoir une dégradation du service public, du cadre de vie, et des emplois privés des entreprises qui travaillent pour le compte des collectivités.
Ce ne sont pas des baisses de charges et cotisations que les entreprises veulent, mais des marchés. Certains invoquent la compétition mondiale pour justifier cette austérité sans fin en oubliant que 90 % de l’activité économique de notre pays n’est pas concernée par cette compétition et que les mesures que prend le gouvernement n’auront aucun effet sur l’emploi.
Le fonctionnement des collectivités subira aussi des conséquences négatives avec moins de services publics, des subventions diminuées ou supprimées pour les associations qui nombreuses emploient des salariés et qui sont déjà en grandes difficultés, la suppression massive d’emplois publics.
Mesure- t-on bien à l’échelle du pouvoir les conséquences en cascade que cette politique austéritaire va avoir. Les exemples de l’Espagne, du Portugal, de la Grèce, de la Grande Bretagne ne sont-ils pas assez probants ?
Certains en rajoutent dans ce domaine et en plus de dépenses diminuées veulent aussi des recettes diminuées en exigeant une baisse des impôts locaux.
Nous le disons nettement, les impôts quels qu’ils soient ne sont pas des « ennemis » mais bien l’expression de solidarité qui permet à notre République d’exister.
Toucher au principe, c’est aussi toucher à la solidarité qui nous lie tous.
Ce n’est pas de trop d’impôts dont les français souffrent, mais de l’injustice de ces impôts : trop forts pour les plus faibles, trop faibles pour les plus forts.
Pour les collectivités locales la taxe d’habitation et la taxe foncière nous concernent directement. Elles sont calculées injustement sur une base datant de 1970.
Le précédent Maire d’Evry le disait régulièrement ici même. Elles ne tiennent pas compte des réalités de nos villes et des habitants.
Il citait régulièrement aussi cet exemple. Un habitant du cinquième arrondissement de Paris paie en proportion beaucoup moins d’impôts locaux qu’un habitant des Pyramides d’Evry et ceci n’est pas dû à une décision des collectivités concernées mais à une base de calcul injuste.
Une révision de la fiscalité locale est indispensable.
Elle devrait prendre en compte les revenus des populations et la réalité de l’habitat. C’est ce que nous communistes et nos parlementaires proposons.
En tenant compte de toutes les contraintes économiques dont la collectivité locale n’est pas responsable politiquement, le budget présenté (dépenses et recettes) est celui qui correspond le mieux à l’intérêt des habitants.
Nous rappelons aussi qu’Evry, comme l’ensemble des collectivités locales, contrairement à l’Etat, est dans l’obligation légale de proposer un budget équilibré.
Pour toutes ces raisons et avec les remarques citées, nous voterons pour l’ensemble de ce budget.
Le Groupe des élus communistes d'Evry
11:29 Publié dans ACTUALITES, ELUS COMMUNISTES, PARTI COMMUNISTE FRANCAIS, Tribune du groupe des élus PCF d'Evry | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : budget, ville, evry, pcf | | Imprimer | del.icio.us | | Digg | Facebook | |
01/05/2014
1er mai sous le signe de la colère
La CGT a recensé, ce 1er mai, quelques 210 .000 manifestants dans toute la France, avec des cortèges marquants à Toulouse (6.000), à Bordeaux (10.000) ou à Lille (1.200). A Marseille, les manifestants étaient 20 .000 selon les organisateurs à dire « leur colère « face à la politique d’austérité du gouvernement Valls après le vote – minoritaire, il faut le rappeler – de son programme de « stabilité ».
La banderole de tête du défilé qui réunissait la CGT, SUD Solidaires et la FSU proclamait « Licenciements, bas salaires, précarité austérité : les Bouches-du-Rhône en ont assez ». « Après le temps de la désillusion, la colère monte », a déclaré le secrétaire général de l’UD-CGT à l’origine de six autres défilés dans le département. A Marseille comme à Paris et dans les autres manifestation en régions, les fonctionnaires étaient très mobilisés donnant un avant-goût de l’ampleur que leur mouvement peut avoir le 15 mai prochain.
Dans les rues de la capitale, la tonalité du cortège plus fourni que les dernières années, était elle aussi combative, mettant sur la sellette les abandons de François Hollande et un Pacte de Responsabilité qui prend aux pauvres pour donner aux ultra-riches.
Si Thierry Lepaon pour la CGT et Bernadette Groison de la FSU étaient en tête du défilé, Laurent Berger n’en était pas, qui avait choisi une célébration a minima de la fête des travailleurs en réunissant un peu moins de deux cents personnes dans une salle parisienne pour un débat sur l’Europe. Le secrétaire général de la CFDT a concédé que le bilan Hollande se résumait à « deux années difficiles pour les Français » et feint de croire, au contraire de Jean-Claude Mailly qui s’exprimait devant une centaine de militants FO à Lyon, qu’en échange des aides qu’il va recevoir, le patronat va « s’engager concrètement » sur l’emploi et les conditions de travail. Le secrétaire général de la CFDT sera cependant le 15 mai « dans la rue » contre le gel jusqu’en 2017 du point d’indice des fonctionnaires.
Jeudi matin, le secrétaire général de la CGT avait ironisé : « je vous rappelle que la première conférence sociale, le gouvernement l’avait baptisé « Grande conférence sociale ». La deuxième, il l’avait baptisée « conférence sociale ». Là (début juillet – NDLR)), j’ai peur que nous allions vers une petite conférence sociale qui soit en gros concentrée sur les 50 milliards d’économies et pas sur le travail et pas sur les salaires ». La secrétaire générale de la FSU a jugé qu’il fallait « arrêter de prendre l’argent dans le public pour aider les entreprises ». « On sent bien que ce n’est pas la politique d’austérité qui va nous sortir de la crise », a-t-elle ajouté tandis qu’Annick Coupé pour Solidaires jugeait que les 50 milliards de coupes dans les dépenses publiques vont « alimenter une spirale récessive ».
On relevait dans la manifestation la présence de Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, de Jean-Luc Mélenchon, co-président du PG et tête de liste du Front de gauche aux européennes dans le Sud-Ouest, ainsi que de Patrick Le Hyaric, directeur de l’Humanité et tête de liste en Ile-de-France.
Aucune illusion donc parmi les 65.000 manifestants parisiens sur les projets de Manuel Valls. Après avoir échoué à réunir une majorité à l’Assemblée nationale, le Premier ministre aura bien du mal à présenter son plan d’austérité comme le fruit d’un dialogue social.
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30/04/2014
Pacte de stabilité : intervention du député communiste Nicolas Sansu contre les orientations du gouvernement
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, chers collègues, la trajectoire des finances publiques, qui reprend le pacte improprement dénommé de responsabilité, soumise à la représentation nationale marque une accélération dans ce qu’il faut bien appeler le virage social-libéral du Gouvernement.
Les députés du Front de gauche ne l’accueillent pas de gaîté de cœur. La question n’est pas d’ergoter sur plus ou moins 0,1 % de croissance en 2015 ou 2016, comme le fait la droite pour justifier le rejet d’orientations qu’elle approuve sur le fond, mais porte sur la stratégie adoptée. Soutenir exclusivement l’offre et opérer des coupes drastiques dans les finances publiques, comme vous le proposez, ou bien soutenir la demande et actionner le levier de l’investissement public pour soutenir la croissance, tels sont les termes du débat alors que nous vivons une crise économique et financière destructrice.
Vous avez choisi. Votre programme, c’est l’austérité, cette austérité qui a fait tant de mal en Europe avec son cortège d’inégalités. L’échec des politiques conduites depuis des années, la lourde sanction électorale infligée à l’ensemble des forces de gauche, à commencer par la formation politique à laquelle vous appartenez, monsieur le Premier ministre, auraient dû entraîner un changement de cap.
Des voix s’élèvent chez nos concitoyens, chez les représentants syndicaux, chez les élus de la gauche, parmi les économistes, pour vous enjoindre de ne pas vous enferrer dans une rigueur irréaliste et désastreuse pour la vie de millions de Françaises et de Français.
Il faut être concret, monsieur le Premier ministre : je veux vous parler de Marie-Claude, employée de coiffure à la retraite, qui survit avec ses 750 euros par mois et qui, à soixante-trois ans, est obligée de reprendre une activité auprès de personnes âgées car elle ne s’en sort pas ; je veux vous parler de Christian, chef d’une entreprise de travaux publics de 80 salariés qui voit les commandes des collectivités territoriales fondre comme neige au soleil, qui plus est dans des territoires fragiles et qui s’alarme de la baisse de 11 milliards de dotations aux collectivités car c’est autant d’investissement public en moins, autant d’emplois menacés, autant d’équipements utiles à la population qui seront abandonnés ; je veux vous parler de Marwane, jeune homme de vingt-huit ans qui, de stage en contrats d’intérim, n’a connu que la précarité dans sa vie active, Marwane condamné à vivre chez ses parents, sans pouvoir gagner l’autonomie à laquelle tout jeune aspire. Voilà la réalité des couches modestes.
Certes, tous nos concitoyens ne vivent pas de telles difficultés, de telles angoisses, mais force est de constater que les politiques conduites depuis trop d’années, dans un cadre européen coercitif, ont eu pour conséquence désindustrialisation, accroissement de la pauvreté, explosion des rendements du capital au détriment du travail.
Nous, députés du Front de gauche, estimons que vous faites fausse route. L’accueil favorable d’une partie de la droite – nous venons de le voir avec le discours de M. Vigier – devrait d’ailleurs vous alerter. Comme disait un célèbre combattant de la liberté : « Quand ton adversaire te félicite, demande-toi quelle erreur tu as faite. »
Il y a à notre sens urgence à construire une politique véritablement alternative, une politique novatrice, qui sorte du carcan européen actuel. Le Traité européen dit de stabilité, de coordination et de gouvernance est le péché originel de ce quinquennat. Il a été ratifié en 2012 sans qu’une ligne en soit modifiée. Les mesures du pacte de croissance, pourtant promises, n’ont pas vu le jour et notre pays se trouve désormais entraîné, comme ses voisins, dans une spirale de la déflation, de stagnation et de chômage.
L’Europe est devenue, pour la plupart des peuples qui y vivent, synonyme de dégradation des conditions de vie et de travail, d’aggravation des inégalités, de démantèlement des services publics, de casse des acquis sociaux, de déchaînement de la concurrence. L’Europe sociale, l’Europe de la coopération et de la solidarité si chère à la gauche ne verra pas le jour sans une autre politique monétaire, sans recours à l’investissement public, sans harmonisation par le haut des normes fiscales, sociales et environnementales.
En prenant fait et cause pour la poursuite de la rigueur, vous prenez le chemin opposé. Ce n’est pas un chemin de courage et de sérieux mais un chemin de capitulation devant les exigences d’un capitalisme financier qui continue d’engranger des profits colossaux. Le discours du Bourget est bel et bien enterré. La spéculation bat son plein, les encours des produits dérivés au niveau mondial sont à présent aussi élevés qu’avant la crise financière de 2008.
Pendant que l’instauration d’une taxe sur les transactions financières s’enlise, l’accord de libre-échange entre l’Europe et les États-Unis se prépare dans le plus grand secret avec des conséquences sur les conditions faites aux salariés et sur l’environnement. Ce projet ardemment soutenu par les multinationales leur permettra d’attaquer en justice tout État qui ne se plierait pas aux normes du libéralisme. Ces normes libérales, ce sont celles qui causent des drames tels que celui de Rana Plaza, au Bangladesh, il y a un peu plus d’un an, avec des multinationales qui piétinent les règles sociales et environnementales et méprisent la vie humaine.
Mettre en concurrence les êtres humains, mettre en concurrence les territoires, en France, en Europe ou dans le monde, c’est le credo des puissants pour dégager toujours plus de profits financiers. Rappelez-vous ce formidable mot de Warren Buffet, une des premières fortunes mondiales, qui disait il y a peu : « La guerre des classes existe, c’est un fait, mais c’est la mienne, la classe des riches, qui mène cette guerre et nous sommes en train de l’emporter. »
Face à cette situation, notre pays a une grande responsabilité. La France est un grand pays qui peut jouer un rôle majeur dans la réorientation de l’Europe, pour peu qu’elle en ait le courage et la volonté. C’est ce courage et cette volonté qui manquent aujourd’hui. Le renoncement à engager un bras de fer avec nos partenaires européens conduit à prévoir l’an prochain, par le biais de ce pacte de stabilité, des mesures douloureuses, politiquement et socialement indéfendables, dont les classes moyennes et populaires vont une nouvelle fois faire les frais.
Monsieur le Premier ministre, vous êtes, comme trop de gouvernants avant vous, victime ou complice du « syndrome TINA » – There Is No Alternative –, selon la célèbre formule de Mme Thatcher. Or il y a une alternative ! Redresser les comptes publics, chacun s’accorde à en reconnaître la nécessité ; mais alors, pourquoi n’avoir dans le viseur que la dépense publique et sociale ? Pourquoi ne pas s’attaquer réellement à la fraude, à l’évasion fiscale, à la fraude à la TVA, à l’optimisation fiscale ?
Pourquoi ne pas revenir sur les niches fiscales et sociales, aussi injustes qu’inefficaces, qui ne font que gonfler le patrimoine des plus fortunés ? Elles atteignent des niveaux inégalés !
Deuxième grande erreur, à notre sens, dans ce plan d’austérité de 50 milliards, c’est la correspondance que vous établissez entre compétitivité et baisse du coût du travail : 41 milliards d’euros seraient octroyés aux entreprises, sans contrepartie ni discernement ! Si l’on peut comprendre que des TPE, des PME, des ETI de l’industrie ou des services, puissent avoir besoin de soutien, le débat que nous avons eu lors de l’adoption du CICE, le crédit d’impôt compétitivité emploi, reste pleinement d’actualité. Comment accepter que les grands groupes bancaires et assurantiels ou les groupes de la grande distribution bénéficient de ces milliards de suppression de cotisations sociales et de la quasi-extinction de l’impôt sur les sociétés, lequel passera de 52 milliards d’euros en 2013 à moins de 30 milliards d’euros en 2015 ? Ce sont bien les ménages, et d’abord les couches moyennes et modestes, qui seront appelés à payer la note par la hausse de la TVA, par l’augmentation des cotisations des mutuelles, par le gel des prestations sociales !
Si nous vous alertons sur ce non-sens de votre obsession du coût du travail, c’est que vous n’évoquez jamais – jamais ! – le coût du capital. La rémunération excessive du capital fait pourtant mal à nos entreprises, mal aux salariés, mal au pays ! Car si c’est « ceinture » pour les retraités, les fonctionnaires, les salariés du privé, c’est happy hour pour les actionnaires :
5 milliards d’euros de dividendes distribués chez Vivendi, des dividendes jamais aussi élevés depuis trente ans, selon un article des Échos du 14 avril dernier !
Dans ce cadre, les 500 millions d’euros prévus pour les petites retraites ou pour le plan pauvreté ne sont pas des avancées, monsieur le Premier ministre : ce ne sont que des non-reculs ! Et ces 500 millions d’euros représentent 1 % du total des 50 milliards de coupes dans les dépenses publiques et sociales !
Pour stimuler l’investissement et l’emploi, il est possible d’emprunter d’autres chemins : doter notre pays d’une véritable banque publique d’investissement, quand celle mise en place fin 2012 reste sous-dotée ; moduler l’imposition des entreprises pour favoriser celles qui investissent et créent de l’emploi et sanctionner celles qui ne se préoccupent que de rendements financiers et de taux de rentabilité à deux chiffres ; relancer le pouvoir d’achat par la hausse des salaires et des pensions pour soutenir la demande intérieure ; favoriser de nouveaux modes de consommation et la transition énergétique.
J’ajoute la nécessité de soutenir l’investissement public des collectivités territoriales et les services publics locaux, véritables amortisseurs des difficultés quotidiennes de nos concitoyens.
La crise économique et sociale que nous traversons depuis cinq ans a signé la faillite du prétendu modèle économique libéral. Souvenez-vous que ce modèle néolibéral n’a pu être sauvé qu’en prenant en otage les peuples, en leur imposant de payer la facture de dettes privées prises en charge par l’endettement public !
Quand la misère grandit, que les inégalités explosent, que soixante-sept personnes possèdent autant que 3,5 milliards d’êtres humains, un tel système est à bout de souffle. Sans la volonté farouche de combattre le capitalisme financier et son cortège de désastres économiques, sociaux et environnementaux, le risque est de voir triompher les pires forces réactionnaires, comme nous risquons de le constater dans moins de quatre semaines lors du scrutin européen.
La responsabilité historique de la gauche est d’ouvrir une nouvelle voie, une voie qui combatte l’impuissance publique. C’est la raison pour laquelle les députés du Front de gauche ne peuvent que s’opposer à la feuille de route que vous avez tracée. Notre vote contre est aussi une main tendue à toutes celles et tous ceux qui se reconnaissent dans une gauche qui tout à la fois rassemble et ne renonce pas. Où est le souffle de 1936, de 1945, de 1981, voire de 1997 ? Notre pays n’est jamais si grand ou si fort que quand il ouvre de nouvelles perspectives progressistes, des perspectives de rassemblement, des perspectives qui lient progrès social, efficacité économique et transition écologique.
Monsieur le Premier ministre, face à une extrême droite qui se tient en embuscade et voudrait passer pour la seule alternative à ce modèle social-libéral ou néolibéral à l’œuvre en France, en Allemagne, en Italie, écoutez la voix de celles et ceux qui refusent la division et portent les valeurs d’égalité, de fraternité, de liberté, les valeurs d’efficacité économique par la justice sociale !
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Manuel Valls est passé sur l'autre rive en assumant une politique de droite
A la tribune de l'Assemblée nationale, le Premier ministre a répondu à la fronde de députés socialistes par quelques aménagements cosmétiques mais l'affront à notre pays, aux familles, aux fonctionnaires et aux retraités est assumé crânement.
Pour la première fois sous la V° République, un chef de gouvernement issu d'une majorité parlementaire de gauche défend une politique dont la droite et le patronat avaient rêvé sans jamais espérer aller aussi loin, aussi brutalement.
Un âge d'or pour les entreprises, sans contre-partie, payé sur le dos du monde du travail et des plus fragiles. Une hémorragie de 50 milliards d'euros dans la dépense publique et sociale pour moins de service public, de solidarité et d'égalité de traitement, le dynamitage en règle de la protection sociale et de la démocratie locale.
Il n'y aura pas « d'apaisement » avec une telle orientation comme y invite M.Valls mais une aggravation rapide et dangereuse de la crise politique, sociale et économique. « Ce qui empêche d'installer la confiance », c'est une politique de droite alors que le changement, en 2012, avait été annoncé à gauche. Le premier ministre lui est passé sur l'autre rive en assumant une politique de droite : celle d'une austérité à perpétuité.
Olivier Dartigolles, porte parole du PCF
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