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13/08/2014

Irak: Appel à la solidarité et à l'intervention politique de la France et de l'ONU

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Les événements actuels en Irak et notamment dans le Kurdistan Irakien provoquent l’horreur et l’inquiétude en France et dans le monde.

L’offensive conduite dans la région par l’EIIL suscite un déchainement de terreur où se conjugue sauvagerie et inhumanité. Des milliers de civils, en raison de leur origine confessionnelle ou ethnique fuient la barbarie. Les massacres frappent indistinctement les hommes, les enfants et les vieillards tandis que nombre de femmes subissent des violences et sont vendues comme esclaves.

Tout doit être mis en œuvre pour que cesse cette catastrophe humanitaire. De toute urgence, la solidarité internationale doit se déployer.

Au-delà des interventions militaires qui se dessinent, il faudra, en temps voulu, tirer le bilan des logiques guerrières qui tonnent comme un terrible échec pour les Etats Unis et leurs alliés. Le recours à la force n’a jamais permis de lutter contre le terrorisme mais il contribue au triomphe de la haine dans les esprits et met sur le pied de guerre des sociétés entières.

Il faut soutenir les forces kurdes qui depuis des années, souvent seules, agissent en Syrie (Rojava) et en Irak pour bâtir des sociétés démocratiques, solidaires et plus justes. Aujourd’hui, elles protègent les minorités persécutées et combattent les armes à la main l’EIIL.

Les peshmergas du PYD de Syrie et du PKK de Turquie sont aux côtés de leurs frères d’Irak pour défendre la liberté et les droits humains. Le Conseil national du Kurdistan, représentant les organisations kurdes, ont interpellé la communauté internationale et particulièrement le Conseil de sécurité de l'ONU. Il appelle à la protection en urgence des populations menacées. Il exige des sanctions immédiates contre les Etats qui soutiennent l’EIIL (Qatar…) ou qui font preuve de complaisances à son égard (Turquie…). Enfin, il réclame un soutien aux forces qui résistent.

L’ONU doit immédiatement agir pour des solutions humanitaires et politiques en engageant avec le nouveau gouvernement irakien un dialogue incluant toutes les parties concernées du pays. C’est sous son autorité que toutes les mesures d’urgence et de construction d’une paix durable doivent être envisagées.

Les autorités françaises et le ministre des affaires étrangères doivent s’exprimer et agir dans ce sens. Le soutien aux kurdes est une priorité. Tout ce qui peut y contribuer, comme le retrait du PKK de la liste des organisations terroristes, doit être favorisé. La France pourrait, comme membre du Conseil de Sécurité prendre l’initiative d’une conférence régionale pour aider à la réconciliation, à reconstruire l’Etat irakien et préserver l’unité du Moyen-Orient. Il est encore temps afin d’endiguer la déflagration.

Le PCF exprime tout son soutien et sa solidarité aux démocrates irakiens et aux forces kurdes engagées contre l'EIIL. Dans cette terrible épreuve, les communistes ne ménageront pas leurs efforts pour que s’imposent la paix et la démocratie.

12/08/2014

Le troisième assassinat de Jaurès

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jauresfils1.jpgLouis Jaurès, fils de Jean Jaurès est né le 27 août 1898. L’adolescent s’engage par anticipation, fin 1915, parce que « quand on a l’honneur d’être le fils de Jaurès, on doit donner l’exemple. L’internationalisme philosophique n’est point incompatible avec la défense de la patrie quand la vie de celle-ci est en jeu. »

C’est presque mot pout mot cette pensée du père : « Un peu d’internationalisme éloigne de la patrie ; beaucoup d’internationalisme y ramène ».

Le 3 juin 1918, aspirant au 10e bataillon de chasseurs à pied, il est gravement blessé à Chaudun, dans l’Aisne et il meurt quelques heures plus tard à Pernant.

En 4 ans, la guerre aura enlevé à Louise Jaurès, son mari et son fils.

Poursuivant en bloc les Jaurès jusque dans la tombe, le maire de la commune de Pernant refuse que le corps du jeune homme soit inhumé là où il est mort et qu’une stèle à sa mémoire soit érigée après-guerre. Car ce patriote mort au combat portait le nom de Jaurès. Jaurès, un socialiste authentique, un partageux, un ami des gueux.

Il faudra attendre le 15 novembre 1936 pour que le président du conseil, le socialiste Léon Blum puisse inaugurer une stèle à sa mémoire à Chaudun (Aisne), pas à Pernant.

100 ans après la mort de son père et le début de la première guerre mondiale, une poignée de militants sont venus lui rendre hommage. L'hommage rendu par un président socialiste en 1936, n'a pas été renouvelé par un autre président socialiste aujourd'hui en exercice qui n'a pas eu cette délicatesse, dommage et symbolique !

08/08/2014

Censure du pacte de responsabilité : "Une politique qui oublie ses valeurs de gauche est une impasse"

manif151.jpgEn retoquant  l'article premier du budget rectificatif de la sécurité sociale, qui proposait un allègement des cotisations salariales, le Conseil constitutionnel vient de réduire en cendre le pacte de responsabilité.

Pour mieux faire passer la pilule des 41 milliards d'euros versés, sans la moindre contre-partie, aux entreprises, le gouvernement avait proposé un dangereux "volet social" sous la forme d'un allègement des cotisations sociales. Derrière le rideau de fumée d'un coup de pouce au pouvoir d'achat des salariés les plus modestes, il était surtout question d'une nouvelle attaque visant le financement de la sécurité sociale. Pour les retraites, la protection sociale et l'assurance maladie, cette décision était particulièrement régressive.

Pour sauver la face, le gouvernement vient d'annoncer, pour la rentrée, " des mesures alternatives de même ampleur".  Le pacte de responsabilité n'a pas été proposé aux Français lors de la dernière campagne présidentielle. Il conduit le pays à la catastrophe. Emploi, croissance, dette publique, les objectifs fixés par Hollande et Valls ne sont pas atteints.

D'un coté, toujours plus d'efforts pour le monde du travail sans que rien de positif n'apparaisse à l'horizon, de l'autre toujours plus de cadeaux à un patronat qui en demande toujours davantage. Tout cela plonge le pays dans une crise économique et sociale d'un niveau inégalé. Alors que l'exécutif prépare l'opinion publique à une nouvelle cure d'austérité, et alors que Berlin vient de réaffirmer à la France sa volonté de ne rien lâcher, la solution passe par un changement de politique permettant le redressement du pays.  Une politique qui oublie ses valeurs de gauche est une impasse. Notre pays n’est pas condamné à l’austérité à perpétuité. Une nouvelle espérance peut naitre des défis à relever.

 

Olivier Dartigolles, porte parole du PCF

05/08/2014

André Chassaigne : « Nous pouvons construire des ponts avec les frondeurs du PS »

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"L’objectif des députés du Front de gauche n’est pas le « tout ou rien », mais de se retrouver sur des analyses critiques, de construire des propositions alternatives pour faire grandir"
 
Dans L'Humanité Dimanche. À l’issue de la session parlementaire, le député PCF du Puy-de-Dôme et président du groupe démocrate et républicain, André Chassaigne, dresse un bilan contrasté, entre difficulté de s’opposer à cette politique et nouvelles convergences à gauche. Entretien.

Humanité Dimanche. Alors que la session parlementaire comprenait l’examen de plusieurs textes très importants, et notamment des budgets rectificatifs, quel bilan en tirez-vous, en tant que président du groupe démocrate et républicain (GDR) ?

André Chassaigne. Le bilan de la session parlementaire est pour nous très inquiétant car s’est poursuivie la politique de renoncement du gouvernement. Ce n’est pas faute d’avoir, dès le début de cette législature, alerté sur la nécessité d’un changement de cap. Au contraire, le cap à droite s’est accentué. Nous avons espéré que les messages envoyés par les électeurs aux élections municipales et européennes seraient entendus, mais cet espoir est resté vain. Le changement de gouvernement n’a fait que confirmer la volonté de François Hollande de poursuivre sa politique au service des dogmes européens, imposant une politique d’austérité qui, jour après jour, fait la preuve de son inefficacité et de son injustice.

HD. Dans ce contexte, quels ont été la place et le rôle des élus du Front de gauche ?

André Chassaigne. Notre action et notre mobilisation au sein du Parlement avaient pour objectifs d’atténuer les effets néfastes de cette politique. Souvent en vain mais sans jamais nous décourager : l’histoire retiendra que les parlementaires du Front de gauche n’ont pas voulu s’associer à cette dérive. Mais il existe une situation qu’on peut qualifier de nouvelle. D’une part, parce que les élections ont montré que la politique du gouvernement non seulement échoue mais qu’elle est massivement rejetée. Cela a conduit à la sortie des Verts et au rétrécissement de la majorité. D’autre part, car des convergences ont été créées avec les députés socialistes qu’on appelle les « frondeurs », sur les grandes questions de justice sociale, à propos des budgets rectificatifs de l’État (PLFR) et de la Sécurité sociale (PLFRSS). L’objectif des députés du Front de gauche n’est pas le « tout ou rien », mais de se retrouver sur des analyses critiques, de construire des propositions alternatives pour faire grandir, à l’Assemblée et dans la population, une politique différente. Construire des ponts, pour résumer.

HD. Quels exemples pouvez-vous donner de ces ponts, de ces convergences et de leurs débouchés ?

André Chassaigne. Je pense notamment au recul du gouvernement sur le gel des allocations logement, sur le gel des pensions de retraite en dessous de 1 200 euros. C’est modeste, mais audelà des seules mesures purement législatives, il y a eu des débats forts sur les textes budgétaires rectificatifs. Jacqueline Fraysse, pour le PLFRSS, Nicolas Sansu et Gaby Charroux, pour le PLFR, ont amené des débats très vifs : ces affrontements ont permis des convergences avec des députés issus de toute la gauche.

HD. Cela augure-t-il une situation nouvelle, qui permettrait l’émergence d’une réelle politique de gauche ?

André Chassaigne. Quelque chose de nouveau est en train de se passer. Cela conforte notre positionnement : d’une parole isolée, on passe à une parole partagée. Cela doit « transpirer » dans la population, et créer un espoir. Mais nous n’en sommes qu’aux fondations.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR BENJAMIN KÔNIG , l'humanité dimanche

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02/08/2014

EVRY, TROISIEME RASSEMBLEMENT POUR LA PAIX EN PALESTINE / PARIS 15000 MANIFESTANTS

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Pour la troisième fois en quinze jours, plus de cent personnes se sont rassemblés dans le calme, à l'appel d'Evry Palestine et d'une dizaine d'organisations et de partis.

ep3.jpgLes élus communistes une nouvelle fois étaient très présents à ce rassemblement avec les élus communistes d'Evry Elise Yagmur et Diego Diaz ainsi que Bruno Piriou, conseiller général de Corbeil. Des élus Verts, du PG et du MODEM avaient tenus aussi à participer à ce rassemblement.

Plusieurs orateurs ont rappelé à partir de témoignages précis les atrocités commises par l'Etat d'Israël sur Gaza à moitié détruite où déjà plus de 700 personnes ont été assassinées et plus de 7000 grièvement blessées le plus souvent avec des bombes à fragmentations, totalement interdites par les conventions internationales et entrainant un handicap horrible, à vie, pour les personnes blessées, acte de barbarie dénoncé par tous.

Diego Diaz est intervenu rappelant l'attitude honteuse du gouvernement français et des pays européens qui par leurs silences approuvent ces massacres. Il a rappelé que la Bolivie a décrété Israël, pays terroriste.

ep8.jpgElise Yagmur a appelé à développer la solidarité pour la Palestine meurtri.

Bertrand Heilbronn, le Président de l'association Evry Palestine a cité longuement Dominique Villepin qui résume bien l'ensemble des interventions prononcées, l'ancien premier ministre Gaulliste qui a déclaré particulièrement :

« Ayons le courage de dire une première vérité: il n'y a pas en droit international de droit à la sécurité qui implique en retour un droit à l'occupation et encore moins un droit au massacre.

Il y a un droit à la paix qui est le même pour tous les peuples. La sécurité telle que la recherche aujourd'hui Israël se fait contre la paix et contre le peuple palestinien.

En lieu et place de la recherche de la paix, il n'y a plus que l'engrenage de la force qui conduit à la guerre perpétuelle à plus ou moins basse intensité.

L'État israélien se condamne à des opérations régulières à Gaza ou en Cisjordanie, cette stratégie terrifiante parce qu'elle condamne les Palestiniens au sous-développement et à la souffrance, terrifiante parce qu'elle condamne Israël peu à peu à devenir un État ségrégationniste, militariste et autoritaire.

C'est la spirale de l'Afrique du Sud de l'apartheid avant Frederik De Klerk et Nelson Mandela, faite de répression violente, d'iniquité et de bantoustans humiliants. C'est la spirale de l'Algérie française entre putsch des généraux et OAS face au camp de la paix incarné par de Gaulle. »

"Par mauvaise conscience, par intérêt mal compris, par soumission à la voix du plus fort, la voix de la France s'est tue, celle qui faisait parler le général de Gaulle au lendemain de la guerre des Six-Jours, celle qui faisait parler Jacques Chirac après la deuxième intifada.

Comment comprendre aujourd'hui que la France appelle à la «retenue» quand on tue des enfants en connaissance de cause?

Comment comprendre que la France s'abstienne lorsqu'il s'agit d'une enquête internationale sur les crimes de guerre commis des deux côtés?

Comment comprendre que la première réaction de la France, par la voix de son président, soit celle du soutien sans réserve à la politique de sécurité d'Israël? Quelle impasse pour la France que cet esprit d'alignement et de soutien au recours à la force."

Texte et photos exclusifs E-Mosaïque

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A PARIS PLUS DE 15000 MANIFESTANTS - REPORTAGE VIDEO - ENTRETIEN AVEC PATRICK LE HYARIC, DEPUTE COMMUNISTE, DIRECTEUR DE L'HUMANITE

31/07/2014

Discours de Patrick Le Hyaric, directeur de l'Humanité, pour le centenaire de l’assassinat de Jean Jaurès

croissant7.jpgDès cette minute, dans ce quartier qui fut celui de la presse puis dans tout Paris monte ce cri : « Ils ont tué Jaurès », comme si, imperceptiblement, le peuple de Paris mesurait que venait de se produire un événement considérable, un moment de bascule comme l’Histoire en réserve peu, ici-même, au café du Croissant.

Au-delà de l’homme de paix, c’est une conscience de la gauche et du mouvement ouvrier, un remarquable journaliste, un professeur normalien agrégé de philosophie,  un député fidèle aux mineurs de Carmaux qu’il représentait, un Historien de talent, le fondateur de l’Humanité, un orateur redouté qui aura mis sa vie et sa voix au service des plus faibles, qui disparaissait et laissait orpheline toute une génération de militants politiques et syndicaux qui se fracassera dans le tumulte de la guerre.

croissant5.jpgOui, ici est mort il y a cent ans Jean Jaurès. Mais son immense œuvre, ses actions, ses réflexions sont vivantes et résonnent au cœur du feu de l’actualité.Jaurès c’est la clairvoyance sur l’engrenage des guerres locales et mondiales.

C’est le combat contre la violence des guerres coloniales et une intuition géniale sur les grands enjeux de l’immigration.C’est son anticipation de grandes réformes sociales progressistes, la défense de la propriété sociale et des services publics, la démocratisation de l’économie, son combat, dans les pas de Robespierre, Condorcet et Hugo contre la peine de mort.

C’est l’action pour l’acquittement du capitaine Dreyfus, victime d’un antisémitisme couvert par les plus hautes autorités militaires. A l’adresse de ses camarades, il lance : « quel que soit l’être de chair et de sang qui vient à la vie, s’il a figure d’homme, il porte en lui le droit humain».Jaurès, c’est la raison, et la sagesse dans le débat sur la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat veillant au respect des consciences, épargnant à la France le poison des guerres de religions.

C’est une combinaison d’ouverture d’esprit et de fermeté dans les débats à gauche, c’est la passion de l’unité du prolétariat et le travail patient d’unification du courant socialiste.

croissant8.jpgC’est aussi les combats pour l’accès à l’éducation et à la culture, c’est sa foi dans la jeunesse.Jaurès, c’est enfin un théoricien d’envergure qui déploie de puissantes réflexions sur les processus de transformations sociales et les processus révolutionnaires vers le socialisme et le communisme, autour du fructueux concept d'«évolution révolutionnaire» qu’il emprunte à Marx et à Engels.

Certes, il ne manque pas aujourd’hui de responsables politiques pour se réclamer de Jean Jaurès, en flétrissant son œuvre et sa mémoire, en le caricaturant, en organisant, finalement, sa deuxième mort.Or, l’œuvre de Jaurès ne se mesure que dans ses actions, dans ses interventions, dans ses textes, pas dans la petite propagande brouilleuse d’esprits et de repères, impulsée par les tenants médiatiques du raccourci, de la petite phrase et de la paresse intellectuelle.

Nous appelons à un peu de sérieux, un peu d’efforts et d’honnêteté.Certes Jaurès n’est pas pour nous un modèle, si tant est que nous devions en avoir un.Mais, comme d’autres, de Marx à Gramsci, de Mandela à Allende, c’est un éclaireur, un ouvreur de pistes sur des terrains de plus en plus minés par une féroce guerre idéologique.

Avec un courage qui force toujours l’admiration, Jaurès aura lutté jusqu’à son dernier souffle pour éviter le terrible engrenage qui s’annonçait et qu’il percevait avec clairvoyance.

Après s’être rendu auprès du ministre de la guerre Abel Ferry, quelques heures avant cet assassinat, pour inciter encore aux efforts de paix, il apprend que dans les chancelleries, la guerre est lancée.

Il s’attable ici avec l’équipe de l’Humanité pour un dîner à la suite duquel il a l’intention de rédiger l’« article décisif », l’ultime appel pour pointer les responsables, « ces ministres à la tête légère » comme il les appelle, pour que les armes se taisent et que la raison l’emporte. La balle de son assassin l’en empêchera.

Jusqu’à son dernier souffle, il évoquait avec éloquence et passion l’ultime chance de la paix : L’union du prolétariat européen.

Lors de son discours le 25 juillet, six jours avant son assassinat, dans le quartier de Vaise à Lyon, il déclare : « Quoi qu’il en soit citoyens et je dis ces choses avec une sorte de désespoir, il n’y a plus, au moment où nous sommes menacés de meurtre et de sauvagerie qu’une chance pour le maintien de la paix et le salut de la civilisation, c’est que le prolétariat rassemble toutes ses forces qui comptent un grand nombre de frères, Français, Anglais, Allemands, Italiens, Russes et que nous demandions à ces milliers d’hommes de s’unir pour que le battement unanime de leurs cœurs écarte l’horrible cauchemar. »

Son message n’a pas été  entendu à l’époque. Mais son message demeure.

Il garde, un siècle plus tard, une valeur qui mérite que l’on s’y arrête et nous devons avoir à cœur de préserver son héritage qui fut mis à mal dès le lendemain de la guerre.

Que n’a-t-on fait de son assassin, Raoul Villain,  qui était un homme, fanatisé par les campagnes nationalistes, un innocent que les circonstances excusent ?

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Rapidement, dès la guerre finie, la thèse officielle fut mise en place : Raoul Villain croyait assassiner un homme de paix et il aurait assassiné un homme qui n’aurait pas manqué, aux dires des tenants de l’Union Sacrée, de se rallier à la cause de la guerre.

Au lendemain de la guerre, tout était bon pour que l’Union Sacrée de la guerre se transforme en Union Sacrée de la victoire, quitte à souiller la mémoire de Jaurès.

Certes, personne ne peut faire parler les morts.

 Mais comment penser que Jaurès se serait aligné sur un Clémenceau, « père la victoire » qui voulait une victoire totale sur l’Allemagne et asseoir la domination de la France en Europe et dans le monde. Qui voulait la rive gauche du Rhin et la confirmation de la présence française au Maroc. Qui, enfin, créa les conditions d’une paix temporaire et d’une revanche des peuples humiliés.

 Il convient cependant de balayer une idée simpliste et fausse. Non,  Jaurès, n’était pas un pacifiste béat qui aurait renoncé à la sécurité de la nation, de son pays.

 Dans son livre « L’Armée nouvelle », il développe d’ailleurs des idées importantes, inspirées de l’élan révolutionnaire et patriotique de Valmy, sur ce que devrait être une défense nationale du peuple et pour le peuple.

 Mais de cette guerre là, motivée par l’appât des gains financiers et territoriaux, il n’en voulait pas.

Au cœur du carnage, ses plus fidèles héritiers furent ces mutins qui, de Craonne à la Mer Noire, refusèrent de sacrifier leur jeunesse pour des intérêts qui n’étaient pas les leurs et qui, comme Jaurès, payèrent chèrement leur audace.

Cela ne rend que plus saugrenue encore le projet décidée au sommet de l’Etat d’honorer en un seul jour tous les morts pour la France. On ne peut en effet commémorer dans le même élan la boucherie sanglante de 1914 où toute une jeunesse fut envoyée par les gouvernements européens se faire abattre pour d’obscures raisons, et le conflit où les démocrates durent, à la fin des années 30 affronter la « bête immonde » du nazisme.

A tout confondre, on brouille les repères, on perd notre pays et on égare nos concitoyens. Jaurès nous parle encore quand à Vaise, il lance ce vibrant appel : « Si la tempête éclatait, tous, nous socialistes nous aurons le souci de nous sauver le plus tôt possible du crime que les dirigeants auront commis et, en attendant, s’il nous reste quelque chose, s’il nous reste des heures, nous redoublerons d’efforts pour prévenir la catastrophe ».

Que les dirigeants actuels lisent, relisent et méditent le sens de cet appel, cent ans après, dans notre monde,  où bruissent un peu partout sourdement les  menaces de guerres où s’amoncellent de sanglants conflits, où des intérêts contradictoires poussent des peuples entiers sur le chemin sans retour de la guerre, où la guerre économique, menée par de toutes petites armées de puissants actionnaires baptisées « main invisible du marché » et leurs commissaires politiques conseillés par de petits comptables, fait rage.

Qu’ils le relisent et s’en inspirent car, il y a cent ans, peu nombreux furent ceux qui, à l’instar de Jaurès, sentaient venir le terrible drame et tentèrent d’en prémunir la France et l’Europe.

 L’humeur était alors de partir « la fleur au fusil » pour une guerre que les dirigeants politiques de l’époque et la presse bourgeoise annonçaient courte. Pourquoi les élites n’ont pas su ou pas voulu voir venir l’horreur qui s’annonçait ?

Et en seraient-elles capables aujourd’hui ? Rien n’est moins sûr. Nous sommes à une autre époque mais l’appât du gain, gains de territoire, gains financier, ce que Jaurès appelait « les guerres des proies » ne sont pas moins menaçantes.

- Les dépenses militaires mondiales ont doublé depuis l’année 1990 pour dépasser 1600 milliards de dollars. La politique extérieure menée par la France depuis plusieurs années provoque chez tous les progressistes de fortes inquiétudes. L’inféodation de la politique extérieure française et européenne à l’OTAN, les guerres menées au nom d’objectifs flous sur le continent africain sans débat parlementaire ou les récentes déclarations présidentielles sur ce que l’on appelle vulgairement « le conflit israélo-palestinien » sont de lourds motifs d’inquiétude.

 La voix de la France, jusqu’ici attendue par de nombreux peuples pour peser sur le règlement politique, diplomatique et pacifique des conflits, semble aujourd’hui s’éteindre doucement au fur et à mesure que la guerre économique accroît son emprise, laissant insidieusement place aux logiques de guerre.

Pourtant, quelle nécessité est plus impérieuse aujourd’hui, dans le monde tel qu’il est, que de défendre la paix ?

Aux portes de l’Europe, en Ukraine, où s’affrontent de grandes puissances impérialistes sur fond de guerre économique pour le contrôle des ressources gazières et pétrolières et de montée d’un nationalisme agressif et autoritaire, hérité des heures sombres du siècle dernier.

En Palestine où un peuple entier est privé du plus élémentaire de ses droits de disposer de ses terres et de son Etat, au mépris du droit international.

A Gaza, où pleuvent les bombes sur un peuple prisonnier et emmuré. La France et l’Europe doivent prendre des initiatives à la hauteur de la gravité de la situation.

Il faut que les armes se taisent, avec un cessez-le-feu effectif et une protection internationale du peuple palestinien.

Il faut que cessent l’implantation de colonies, le blocus inhumain de Gaza. La France et d’autres Etats européens, l’Union européenne, devraient être à l’initiative de la convocation d’une conférence internationale pour relancer un véritable processus de paix. Son objectif, clairement proclamé à la face du monde, serait la reconnaissance des deux Etats dont celui pour le peuple palestinien dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale avec toutes les garanties de sécurité pour Israël et sa population. Les faucons israéliens doivent sentir que, cette fois, il n’y aura pas d’échappatoire et qu’ils devront assumer aux yeux de l’opinion publique internationale leur bellicisme.

Aujourd’hui, et dans ce conflit décisif pour l’avenir de l’humanité, la responsabilité des Etats européens et de l’Union européenne est engagée devant l’histoire.

Dans la lointaine Asie également où les cicatrices du vingtième siècle menacent de se rouvrir et où se reconstituent de puissantes armées pour le contrôle des eaux territoriales.

Dans ce Moyen-Orient ravagé par des guerres confessionnelles et où le jeu trouble de la puissance nord-américaine a semé et continue de semer le chaos et la désolation, en Irak comme en Afghanistan.

Où fuient et meurent par milliers ces chrétiens d’Orient dont la culture enracinée sur les rives de l’Euphrate menace de disparaitre à tout jamais.

En Lybie, où le chef de guerre Sarkozy et ses alliés occidentaux ont laissé un pays entier, saccagé, aux mains de milices qui s’entretuent et cultivent la terreur tout autour d’eux pour le contrôle de quelques puits de pétrole.

En Afrique, ce continent si riche dont les formidables ressources sont convoitées, pillées, par les grands groupes capitalistes et qui n’en finit pas de vivre au rythme des guerres inter-ethniques et où, là comme dans certains pays arabes, sur le terreau propice de la misère et de la pauvreté se développe le terrorisme.

Partout enfin, car aucun pays, aucune nation, aucun peuple ne sera épargné si la course aux armements, je pense particulièrement aux arsenaux nucléaires, ne parvient à être freinée.

Dans ce monde de tension, le Traité de non prolifération des armes nucléaires et les missions de l’Agence internationale de l’énergie atomique doivent être scrupuleusement respectés. L’idée d’un Proche et Moyen-Orient totalement dénucléarisé devrait être porté avec force.

 Le monde, aujourd’hui, vacille.

Le développement brutal d’un capitalisme de plus en plus financiarisé continue de porter cette nuée qui, pour reprendre les mots de Jaurès, menace de se transformer en un terrible orage.

Le règne de la finance sur la marche des économies génère de nouvelles inégalités et obstrue l’horizon des sociétés bloquées sur la rentabilité à court terme, en panne d’investissements sociaux, humains, environnementaux si utiles, porteurs d’avenir, de progrès et d’émancipation pour chacune et chacun.

Le capitalisme, entré dans une crise profonde, cherche un nouveau carburant, de nouveaux débouchés extérieurs au cœur de ses propres et multiples crises puisque l’austérité réduit les demandes.

Ce sont ces traités de libéralisation et de libre échange, dont les derniers avatars sont des textes négociés dans le secret le plus total par les puissants comme le Traité transatlantique, le Traité transpacifique excluant la Chine et le projet de traité sur les services répondant du nom de code TISA que l’Humanité a révélé il y a quelques semaines.

Tous ces textes visent à faire sauter définitivement les verrous régulateurs des économies nationales au profit des multinationales de l’industrie alimentaire, du textile, de la culture ou de la finance pour faire de chaque travailleur, de chaque consommateur, un fantassin de la mortifère guerre économique qui fait chaque jour des centaines et des centaines de vies brisées et de morts.

Cette guerre économique qui ravage les économies, les sociétés et l’environnement, qui pousse chacun des acteurs à tirer son épingle du jeu au détriment de son voisin, sème méfiance et rivalité.

Elle a pour conséquence non moins grave d’organiser le pillage des ressources énergétiques, du pétrole, du gaz et de l’eau, qui créé des tensions géopolitiques nouvelles et qui provoque des dégâts irrémédiables sur les écosystèmes.

Les migrations liées au réchauffement climatique et aux pénuries d’eau se multiplient, brisant les équilibres démographiques et sociaux de nombreux pays déjà fragilisés par leur grande pauvreté.

Nous ne pouvons avoir une lecture juste des conflits armés déclarés ou en gestation sans prendre en compte ces données.

Le monde change, certes, mais cela doit-il conduire à des attitudes que l’on qualifie de « pragmatiques » mais qui ne sont en définitive, qu’une manière de céder à des puissances dominantes, fussent-elles financières ?

« Il n’y a qu’un moyen d’abolir la guerre entre les peuples, disait Jaurès, c’est d’abolir la guerre économique, le désordre de la société présente, c’est de substituer à la lutte universelle pour la vie, qui aboutit à la lutte sur les champs de bataille, un régime de concorde et d’unité ».

Pourtant, un monde de coopération, d’entente mutuelle, peut éclore du phénomène de mondialisation qui rapproche les peuples autant qu’il les éloigne.

 Il est de notre rôle, de notre devoir, d’engager urgemment l’humanité sur cette voie de concorde.

Mais pas seulement : dans la voie d’un monde commun dans la paix, un monde de partage : partage des avoirs, partage des savoirs, partage des pouvoirs.

Dans une telle situation, les opinions publiques favorables à la justice et  à la paix doivent pouvoir se frayer un chemin, se faire entendre et peser sur le cours des choses.

Cette question s’est souvent posée au cours de notre histoire.

Elle se pose à nouveau. Partout favorisons les prises de parole citoyenne ! La paix a besoin de l’intervention des opinions publiques.

Permettez-moi de souligner à ce propos l’importance de la prochaine fête de l’Humanité. La situation internationale nous commande d’en faire un grand forum pour la paix avec une véritable prise de parole citoyenne sur cette question. Puisse la Fête du journal de Jaurès contribuer à ce que le rassemblement de tous les hommes et les femmes soucieux de défendre ce précieux bien commun qu’est la paix se renforcer.

 croissant4.jpgChers amis, chers camarades,

Le combat pour la paix  mené par Jaurès, s’il devint central à la fin de sa vie, reste indissociable de tous les autres.

Jaurès, c’est une immense culture, une grande sensibilité à la cause humaine, cette bonté qui donne à la politique ses lettres de noblesse.

Pour lui, la politique est une affaire qui touche à l’universel.

Comment concevoir un monde de paix quand l’injustice partout fait rage, comment concevoir la paix si les causes des guerres ne sont pas éradiquées : la pauvreté, les inégalités, l’intolérance. C’est la grande leçon que retiendront, trente ans plus tard les rédacteurs du programme du Conseil National de la Résistance qui, au plus noir de la nuit, avaient à cœur d’ouvrir des « jours heureux » en créant une sécurité sociale, un droit du travail, en élargissant les droits sociaux de tous les travailleurs.

Ainsi, Jaurès fut l’homme de tous les combats.

A aucun moment il n’a cherché, au cours de sa vie,  à échapper aux débats qui agitaient son époque. Il pénétrait au contraire avec abnégation et courage dans l’arène, celle de la chambre comme député, celle des usines et des mines comme responsable socialiste, pour défendre ses idées et apporter aux problèmes de son temps un éclairage émancipateur conforme aux intérêts du plus grand nombre, aux intérêts du prolétariat dans le cadre, je le cite « d’une évolution révolutionnaire qui vous conduira au communisme ».

De sa terre natale et rurale du Languedoc à la rencontre avec les mineurs de Carmaux, il aura puisé ses analyses dans la réalité de la condition ouvrière et paysanne.

La rencontre avec les idées de Marx et des fondateurs du socialisme français, la relecture de la Révolution française au prisme du socialisme naissant, le conduisent à élaborer une pensée politique originale et féconde.

A l’attention des récupérateurs de toutes sortes qui ne résistent pas au plaisir de faire des petits parallèles entre ce que disait Jaurès et les enjeux qui nous occupent encore, voici ce qu’il disait s’agissant de la contribution de chacun au bien commun par l’impôt : « Par l’impôt général et progressif sur le revenu, le capital et la plus-value des grands capitaux, nous imposerons aux classes riches le fardeau auquel leur égoïsme cherche trop à les dérober. »

Voilà des mots dont feraient bien de s’inspirer ceux-là même qui, se réclamant de Jaurès, n’osent rétablir ne serait-ce qu’un peu de progressivité dans l’impôt et épargnent les revenus du capital du devoir de solidarité.

Prenons la question de l’immigration sur laquelle sa pensée évolue dans un remarquable mouvement. Lors d’un voyage en Argentine, cette terre d’immigration, cette jeune nation, où Jaurès est appelé pour donner des conférences sur le socialisme, il imagine une mutualisation des protections sociales de pays à pays, voire des traités internationaux pour « une protection commune » des travailleurs immigrés. « Ainsi, dit-il à Buenos Aires, restant unis par la pensée et par le cœur à sa patrie d’origine, au lieu de se sentir en dehors de son propre pays comme étranger, comme une personne disséminée et sans soutien, il se sentira protégé par la communauté universelle du droit social et toutes les nations apprendront à respecter chez l’étranger, l’homme, le frère ».

Quelle leçon d’humanisme et de fraternité ! Comment ne pas penser, en lisant ces lignes, à la misérable directive des travailleurs détachés qui ne vise qu’à mettre en concurrence les travailleurs ? Comment ne pas penser au projet politique répugnant du Front national, à la course à l’échalote qu’il se livre avec l’UMP sur les questions liées à l’immigration. Et les mêmes osent aujourd’hui se réclamer de Jaurès.  Qu’ils le lisent ou qu’ils se taisent!

Jaurès avait également beaucoup travaillé, comme Marx, sur les tentatives insurrectionnelles françaises de 1830, 1848, et 1871 visant une transformation révolutionnaire de la société. A partir de ses travaux, de ses lectures, il nous indique la voie du changement : « Ces grands changements sociaux qu’on nomme des révolutions, écrit-il, ne peuvent pas ou ne peuvent plus être l’œuvre d’une minorité. Une minorité révolutionnaire, si intelligente, si énergique qu’elle soit, ne suffit pas, au moins dans les sociétés modernes, à accomplir la révolution. Il y faut le concours, l’adhésion de la majorité, de l’immense majorité. ».

De même, au moment où le mot réforme est tant galvaudé, Jaurès expliquait en 1902: « Les réformes ne sont pas seulement, à mes yeux, des adoucissants : elles sont, elles doivent être des préparations. ». « Je n’ai jamais négligé l’œuvre de réforme, ajoute-t-il, et toujours je m’efforçais de donner à nos projets de réforme une orientation socialiste. Je n’y voyais pas seulement des palliatifs aux misères présentes, mais un commencement d’organisation socialiste, des germes de communisme semés en terre capitaliste. »


Jacques Brel - Jaurès [1977] par tonio000001

 Chers amis,

Vous le voyez, les leçons de courage, d’optimisme de la volonté pour reprendre les mots d’Antonio Gramsci, sont nombreuses dans l’œuvre et la vie de Jaurès et font écho à la situation présente.

Dans sa grande œuvre, chaque jour reste vivant le journal qu’il a fondé en 1904, l’Humanité. Ce journal qui fut le creuset des espoirs portés par le mouvement ouvrier, ce vaste peuple de travailleuses et de travailleurs qui aspirait à émerger sur la scène de l’Histoire.

A notre charge aujourd’hui de faire vivre ce legs au-delà des tentatives répétées de vitrifier, de muséifier Jaurès, ce qui semble être la mode du moment.

 Faire vivre sa pensée, ses idées, s’inspirer de l’élan progressiste de ses combats, porter les espoirs, les craintes et les luttes des sans-voix, de toutes celles et ceux qui subissent la domination, l’oppression et l’exploitation du capital, telle est notre tâche, tel est le combat porté par son journal, aujourd’hui, 110 ans après.  En faisant vivre cette espérance au quotidien, nous restons fidèles aux dernières lignes de son dernier éditorial, paru le jour de sa mort : « Ce qui importe avant tout, c’est la continuité de l’action, c’est le perpétuel éveil de la pensée et de la conscience ouvrières. Là est la vraie sauvegarde. Là est la garantie de l’avenir. »

Photos, vidéo exclusives E-Mosaïque

Partout en France a été célébré cet anniversaire par le PCF comme ici au Havre :


Discours de Nathalie Nail (PCF) en hommage à... par fede76

29/07/2014

Jean Jaurès au Pré Saint-Gervais

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Discours du Pré-Saint-Gervais en 1913
 
Dans notre France moderne, qu’est-ce donc que la République ? C’est un grand acte de confiance.
 
Instituer la République, c’est proclamer que des millions d’hommes sauront tracer eux-mêmes la règle commune de leur action ; qu’ils sauront concilier la liberté et la loi, le mouvement et l’ordre ; qu’ils sauront se combattre sans se déchirer ; que leurs divisions n’iront pas jusqu’à une fureur chronique de guerre civile, et qu’ils ne chercheront jamais dans une dictature même passagère une trêve funeste et un lâche repos.
 
Instituer la République, c’est proclamer que les citoyens des grandes nations modernes, obligés de suffire par un travail constant aux nécessités de la vie privée et domestique, auront cependant assez de temps et de liberté d’esprit pour s’occuper de la chose commune. Et si cette République surgit dans un monde monarchique encore, c’est assurer qu’elle s’adaptera aux conditions compliquées de la vie internationale sans rien entreprendre sur l’évolution plus lente des peuples, mais sans rien abandonner de sa fierté juste et sans atténuer l’éclat de son principe.
 
Oui, la République est un grand acte de confiance et un grand acte d’audace. L’intervention en était si audacieuse, si paradoxale, que même les hommes hardis qui il y a cent dix ans, ont révolutionné le monde, en écartèrent d’abord l’idée. Les Constituants de 1789 et de 1791, même les Législateurs de 1972 croyaient que la monarchie traditionnelle était l’enveloppe nécessaire de la société nouvelle.
 
Ils ne renoncèrent à cet abri que sous les coups répétés de la trahison royale. Et quand enfin ils eurent déraciné la royauté, la République leur apparut moins comme un système prédestiné que comme le seul moyen de combler le vide laissé par la monarchie.
 
Bientôt cependant, et après quelques heures d’étonnement et presque d’inquiétude, ils l’adoptèrent de toute leur pensée et de tout leur cœur. Ils résumèrent, ils confondirent en elle toute la Révolution. Et ils ne cherchèrent point à se donner le change. Ils ne cherchèrent point à se rassurer par l’exemple des républiques antiques ou des républiques helvétiques et italiennes. Ils virent bien qu’ils créaient une œuvre nouvelle, audacieuse et sans précédent.
 
Ce n’était point l’oligarchique liberté des républiques de la Grèce, morcelées, minuscules et appuyées sur le travail servile. Ce n’était point le privilège superbe de la république romaine, haute citadelle d’où une aristocratie conquérante dominait le monde, communiquant avec lui par une hiérarchie de droits incomplets et décroissants qui descendait jusqu’au néant du droit, par un escalier aux marches toujours plus dégradées et plus sombres, qui se perdait enfin dans l’abjection de l’esclavage, limite obscure de la vie touchant à la nuit souterraine.
 
Ce n’était pas le patriciat marchand de Venise et de Gênes. Non, c’était la République d’un grand peuple où il n’y avait que des citoyens et où tous les citoyens étaient égaux. C’était la République de la démocratie et du suffrage universel. C’était une nouveauté magnifique et émouvante.
 
Les hommes de la Révolution en avaient conscience. Et lorsque dans la fête du 10 août 1793, ils célébrèrent cette Constitution, qui pour la première fois depuis l’origine de l’histoire organisait dans la souveraineté nationale la souveraineté de tous, lorsque artisans et ouvriers, forgerons, menuisiers, travailleurs des champs défilèrent dans le cortège, mêlés aux magistrats du peuple et ayant pour enseignes leurs outils, le président de la Convention put dire que c’était un jour qui ne ressemblait à aucun autre jour, le plus beau jour depuis que le soleil était suspendu dans l’immensité de l’espace ! Toutes les volontés se haussaient, pour être à la mesure de cette nouveauté héroïque. C’est pour elle que ces hommes combattirent et moururent.
 
C’est en son nom qu’ils refoulèrent les rois de l’Europe. C’est en son nom qu’ils se décimèrent. Et ils concentrèrent en elle une vie si ardente et si terrible, ils produisirent par elle tant d’actes et tant de pensées qu’on put croire que cette République toute neuve, sans modèles comme sans traditions, avait acquis en quelques années la force et la substance des siècles.
 
Et pourtant que de vicissitudes et d’épreuves avant que cette République que les hommes de la Révolution avaient crue impérissable soit fondée enfin sur notre sol ! Non seulement après quelques années d’orage elle est vaincue, mais il semble qu’elle s’efface à jamais de l’histoire et de la mémoire même des hommes. Elle est bafouée, outragée ; plus que cela, elle est oubliée.
 
Pendant un demi-siècle, sauf quelques cœurs profonds qui garderaient le souvenir et l’espérance, les hommes la renient ou même l’ignorent. Les tenants de l’Ancien régime ne parlent d’elle que pour en faire honte à la Révolution : “ Voilà où a conduit le délire révolutionnaire ! ” Et parmi ceux qui font profession de défendre le monde moderne, de continuer la tradition de la Révolution, la plupart désavouent la République et la démocratie. On dirait qu’ils ne se souviennent même plus. Guizot s’écrie : “ Le suffrage universel n’aura jamais son jour ”. Comme s’il n’avait pas eu déjà ses grands jours d’histoire, comme si la Convention n’était pas sortie de lui.
 
Thiers, quand il raconte la Révolution du10 août, néglige de dire qu’elle proclama le suffrage universel, comme si c’était là un accident sans importance et une bizarrerie d’un jour. République, suffrage universel, démocratie, ce fut, à en croire les sages, le songe fiévreux des hommes de la Révolution. Leur œuvre est restée, mais leur fièvre est éteinte et le monde moderne qu’ils ont fondé, s’il est tenu de continuer leur œuvre, n’est pas tenu de continuer leur délire. Et la brusque résurrection de la République, reparaissant en 1848 pour s’évanouir en 1851, semblait en effet la brève rechute dans un cauchemar bientôt dissipé.
 
Et voici maintenant que cette République, qui dépassait de si haut l’expérience séculaire des hommes et le niveau commun de la pensée que, quand elle tomba, ses ruines mêmes périrent et son souvenir s’effrita, voici que cette République de démocratie, de suffrage universel et d’universelle dignité humaine, qui n’avait pas eu de modèle et qui semblait destinée à n’avoir pas de lendemain, est devenue la loi durable de la nation, la forme définitive de la vie française, le type vers lequel évoluent lentement toutes les démocraties du monde.
 
Or, et c’est là surtout ce que je signale à vos esprits, l’audace même de la tentative a contribué au succès. L’idée d’un grand peuple se gouvernant lui-même était si noble qu’aux heures de difficulté et de crise elle s’offrait à la conscience de la nation.
 
Une première fois en 1793 le peuple de France avait gravi cette cime, et il y avait goûté un si haut orgueil, que toujours sous l’apparent oubli et l’apparente indifférence, le besoin subsistait de retrouver cette émotion extraordinaire. Ce qui faisait la force invincible de la République, c’est qu’elle n’apparaissait pas seulement de période en période, dans le désastre ou le désarroi des autres régimes, comme l’expédient nécessaire et la solution forcée. Elle était une consolation et une fierté. Elle seule avait assez de noblesse morale pour donner à la nation la force d’oublier les mécomptes et de dominer les désastres. C’est pourquoi elle devait avoir le dernier mot.
 
Nombreux sont les glissements et nombreuses les chutes sur les escarpements qui mènent aux cimes ; mais les sommets ont une force attirante. La République a vaincu parce qu’elle est dans la direction des hauteurs, et que l’homme ne peut s’élever sans monter vers elle. La loi de la pesanteur n’agit pas souverainement sur les sociétés humaines, et ce n’est pas dans les lieux bas qu’elles trouvent leur équilibre. Ceux qui, depuis un siècle, ont mis très haut leur idéal ont été justifiés par l’histoire.
 
Et ceux-là aussi seront justifiés qui le placent plus haut encore. Car le prolétariat dans son ensemble commence à affirmer que ce n’est pas seulement dans les relations politiques des hommes, c’est aussi dans leurs relations économiques et sociales qu’il faut faire entrer la liberté vraie, l’égalité, la justice. Ce n’est pas seulement la cité, c’est l’atelier, c’est le travail, c’est la production, c’est la propriété qu’il veut organiser selon le type républicain. À un système qui divise et qui opprime, il entend substituer une vaste coopération sociale où tous les travailleurs de tout ordre, travailleurs de la main et travailleurs du cerveau, sous la direction de chefs librement élus par eux, administreront la production enfin organisée.
 
Messieurs, je n’oublie pas que j’ai seul la parole ici et que ce privilège m’impose beaucoup de réserve. Je n’en abuserai point pour dresser dans cette fête une idée autour de laquelle se livrent et se livreront encore d’âpres combats. Mais comment m’était-il possible de parler devant cette jeunesse qui est l’avenir, sans laisser échapper ma pensée d’avenir ? Je vous aurais offensés par trop de prudence ; car quel que soit votre sentiment sur le fond des choses, vous êtes tous des esprits trop libres pour me faire grief d’avoir affirmé ici cette haute espérance socialiste qui est la lumière de ma vie.
 
Je veux seulement dire deux choses, parce quelles touchent non au fond du problème, mais à la méthode de l’esprit et à la conduite de la pensée. D’abord, envers une idée audacieuse qui doit ébranler tant d’intérêts et tant d’habitudes et qui prétend renouveler le fond même de la vie, vous avez le droit d’être exigeants.
 
Vous avez le droit de lui demander de faire ses preuves, c’est-à-dire d’établir avec précision comment elle se rattache à toute l’évolution politique et sociale, et comment elle peut s’y insérer. Vous avez le droit de lui demander par quelle série de formes juridiques et économiques elle assurera le passage de l’ordre existant à l’ordre nouveau.
 
Vous avez le droit d’exiger d’elle que les premières applications qui en peuvent être faites ajoutent à la vitalité économique et morale de la nation. Et il faut qu’elle prouve, en se montrant capable de défendre ce qu’il y a déjà de noble et de bon dans le patrimoine humain, qu’elle ne vient pas le gaspiller, mais l’agrandir. Elle aurait bien peu de foi en elle-même si elle n’acceptait pas ces conditions.
 
En revanche, vous, vous lui devez de l’étudier d’un esprit libre, qui ne se laisse troubler par aucun intérêt de classe. Vous lui devez de ne pas lui opposer ces railleries frivoles, ces affolements aveugles ou prémédités et ce parti pris de négation ironique ou brutale que si souvent, depuis un siècle même, les sages opposèrent à la République, maintenant acceptée de tous, au moins en sa forme. Et si vous êtes tentés de dire encore qu’il ne faut pas s’attarder à examiner ou à discuter des songes, regardez en un de vos faubourgs ?
 
Que de railleries, que de prophéties sinistres sur l’œuvre qui est là ! Que de lugubres pronostics opposés aux ouvriers qui prétendaient se diriger eux-mêmes, essayer dans une grande industrie la forme de la propriété collective et la vertu de la libre discipline ! L’œuvre a duré pourtant ; elle a grandi : elle permet d’entrevoir ce que peut donner la coopération collectiviste. Humble bourgeon à coup sûr, mais qui atteste le travail de la sève, la lente montée des idées nouvelles, la puissance de transformation de la vie. Rien n’est plus menteur que le vieil adage pessimiste et réactionnaire de l’Ecclésiaste désabusé : “ Il n’y rien de nouveau sous le soleil ”. Le soleil lui-même a été jadis une nouveauté, et la terre fut une nouveauté, et l’homme fut une nouveauté. L’histoire humaine n’est qu’un effort incessant d’invention, et la perpétuelle évolution est une perpétuelle création.
 
C’est donc d’un esprit libre aussi que vous accueillerez cette autre grande nouveauté qui s’annonce par des symptômes multipliés : la paix durable entre les nations, la paix définitive. Il ne s’agit point de déshonorer la guerre dans le passé. Elle a été une partie de la grande action humaine, et l’homme l’a ennoblie par la pensée et le courage, par l’héroïsme exalté, par le magnanime mépris de la mort.
 
Elle a été sans doute et longtemps, dans le chaos de l’humanité désordonnée et saturée d’instincts brutaux, le seul moyen de résoudre les conflits ; elle a été aussi la dure force qui, en mettant aux prises les tribus, les peuples, les races, a mêlé les élément humains et préparé les groupements vastes. Mais un jour vient, et tout nous signifie qu’il est proche, où l’humanité est assez organisée, assez maîtresse d’elle-même pour pouvoir résoudre, par la raison, la négociation et le droit, les conflits de ses groupements et de ses forces. Et la guerre, détestable et grande tant qu’elle est nécessaire, est atroce et scélérate quand elle commence à paraître inutile.
 
Je ne vous propose pas un rêve idyllique et vain. Trop longtemps les idées de paix et d’unité humaines n’ont été qu’une haute clarté illusoire qui éclairait ironiquement les tueries continuées. Vous souvenez-vous de l’admirable tableau que vous a laissé Virgile de la chute de Troie ? C’est la nuit : la cité surprise est envahie par le fer et le feu, par le meurtre, l’incendie et le désespoir.
 
Le palais de Priam est forcé et les portes abattues laissent apparaître la longue suite des appartements et des galeries. De chambre en chambre, les torches et les glaives poursuivent les vaincus ; enfants, femmes, vieillards se réfugient en vain auprès de l’autel domestique que le laurier sacré ne protège pas contre la mort et contre l’outrage ; le sang coule à flots, et toutes les bouches crient de terreur, de douleur, d’insulte et de haine. Mais par dessus la demeure bouleversée et hurlante, les cours intérieures, les toits effondrés laissent apercevoir le grand ciel serein et paisible et toute la clameur humaine de violence et d’agonie monte vers les étoiles d’or : Ferit aurea sidera clamor2.
 
De même, depuis vingt siècles et de période en période, toutes les fois qu’une étoile d’unité et de paix s’est levée sur les hommes, la terre déchirée et sombre a répondu par des clameurs de guerre.
 
C’était d’abord l’astre impérieux de la Rome conquérante qui croyait avoir absorbé tous les conflits dans le rayonnement universel de sa force. L’empire s’effondre sous le choc des barbares, et un effroyable tumulte répond à la prétention superbe de la paix romaine. Puis ce fut l’étoile chrétienne qui enveloppa la terre d’une lueur de tendresse et d’une promesse de paix. Mais atténuée et douce aux horizons galiléens, elle se leva dominatrice et âpre sur l’Europe féodale.
 
La prétention de la papauté à apaiser le monde sous sa loi et au nom de l’unité catholique ne fit qu’ajouter aux troubles et aux conflits de l’humanité misérable. Les convulsions et les meurtres du Moyen Âge, les chocs sanglants des nations modernes, furent la dérisoire réplique à la grande promesse de paix chrétienne.
 
La Révolution à son tour lève un haut signal de paix universelle par l’universelle liberté. Et voilà que de la lutte même de la Révolution contre les forces du vieux monde, se développent des guerres formidables.
 
Quoi donc ? La paix nous fuira-t-elle toujours ? Et la clameur des hommes, toujours forcenés et toujours déçus, continuera-t-elle à monter vers les étoiles d’or, des capitales modernes incendiées par les obus, comme de l’antique palais de Priam incendié par les torches ?
 
Non ! Non ! Et malgré les conseils de prudence que nous donnent ces grandioses déceptions, j’ose dire, avec des millions d’hommes, que maintenant la grande paix humaine est possible, et si nous le voulons, elle est prochaine. Des forces neuves y travaillent : la démocratie, la science méthodique, l’universel prolétariat solidaire. La guerre devient plus difficile, parce qu’avec les gouvernements libres des démocraties modernes, elle devient à la fois le péril de tous par le service universel, le crime de tous par le suffrage universel.
 
La guerre devient plus difficile, parce qu’avec les gouvernements libres des démocraties modernes, elle devient à la fois le péril de tous par le service universel, le crime de tous par le suffrage universel. La guerre devient plus difficile parce que la science enveloppe tous les peuples dans un réseau multiplié, dans un tissu plus serré tous les jours de relations, d’échanges, de conventions ; et si le premier effet des découvertes qui abolissent les distances est parfois d’aggraver les froissements, elles créent à la longue une solidarité, une familiarité humaine qui font de la guerre un attentat monstrueux et une sorte de suicide collectif.
 
Enfin, le commun idéal qui exalte et unit les prolétaires de tous les pays les rend plus réfractaires tous les jours à l’ivresse guerrière, aux haines et aux rivalités de nations et de races.
 
Oui, comme l’histoire a donné le dernier mot à la République si souvent bafouée et piétinée, elle donnera le dernier mot à la paix, si souvent raillée par les hommes et les choses, si souvent piétinée par la fureur des événements et des passions. Je ne vous dis pas : c’est une certitude toute faite.
 
Il n’y a pas de certitude toute faite en histoire. Je sais combien sont nombreux encore aux jointures des nations les points malades d’où peut naître soudain une passagère inflammation générale. Mais je sais aussi qu’il y a vers la paix des tendances si fortes, si profondes, si essentielles, qu’il dépend de vous, par une volonté consciente, délibérée, infatigable, de systématiser ces tendances et de réaliser enfin le paradoxe de la grande paix humaine, comme vos pères ont réalisé le paradoxe de la grande liberté républicaine.
 
Œuvre difficile, mais non plus œuvre impossible. Apaisement des préjugés et des haines, alliances et fédérations toujours plus vastes, conventions internationales d’ordre économique et social, arbitrage international et désarmement simultané, union des hommes dans le travail et dans la lumière : ce sera, jeunes gens, le plus haut effort et la plus haute gloire de la génération qui se lève.
 
Non, je ne vous propose pas un rêve décevant ; je ne vous propose pas non plus un rêve affaiblissant. Que nul de vous ne croit que dans la période encore difficile et incertaine qui précédera l’accord définitif des nations, nous voulons remettre au hasard de nos espérances la moindre parcelle de la sécurité, de la dignité, de la fierté de la France. Contre toute menace et toute humiliation, il faudrait la défendre : elle est deux fois sacrée pour nous, parce qu’elle est la France, et parce qu’elle est humaine
 
Même l’accord des nations dans la paix définitive n’effacera pas les patries, qui garderont leur profonde originalité historique, leur fonction propre dans l’œuvre commune de l’humanité réconciliée. Et si nous ne voulons pas attendre, pour fermer le livre de la guerre, que la force ait redressé toutes les iniquités commises par la force, si nous ne concevons pas les réparations comme des revanches, nous savons bien que l’Europe, pénétrée enfin de la vertu de la démocratie et de l’esprit de paix, saura trouver les formules de conciliation qui libéreront tous les vaincus des servitudes et des douleurs qui s’attachent à la conquête.
 
Mais d’abord, mais avant tout, il faut rompre le cercle de fatalité, le cercle de fer, le cercle de haine où les revendications même justes provoquent des représailles qui se flattent de l’être, où la guerre tourne après la guerre en un mouvement sans issue et sans fin, où le droit et la violence, sous la même livrée sanglante, ne se discernent presque plus l’un de l’autre, et où l’humanité déchirée pleure de la victoire de la justice presque autant que de sa défaite.
 
Surtout, qu’on ne nous accuse point d’abaisser et d’énerver les courages. L’humanité est maudite, si pour faire preuve de courage elle est condamnée à tuer éternellement. Le courage, aujourd’hui, ce n’est pas de maintenir sur le monde la sombre nuée de la Guerre, nuée terrible, mais dormante, dont on peut toujours se flatter qu’elle éclatera sur d’autres. Le courage, ce n’est pas de laisser aux mains de la force la solution des conflits que la raison peut résoudre ; car le courage est l’exaltation de l’homme, et ceci en est l’abdication.
 
Le courage pour vous tous, courage de toutes les heures, c’est de supporter sans fléchir les épreuves de tout ordre, physiques et morales, que prodigue la vie. Le courage, c’est de ne pas livrer sa volonté au hasard des impressions et des forces ; c’est de garder dans les lassitudes inévitables l’habitude du travail et de l’action.
 
Le courage dans le désordre infini de la vie qui nous sollicite de toutes parts, c’est de choisir un métier et de le bien faire, quel qu’il soit ; c’est de ne pas se rebuter du détail minutieux ou monotone ; c’est de devenir, autant que l’on peut, un technicien accompli ; c’est d’accepter et de comprendre cette loi de la spécialisation du travail qui est la condition de l’action utile, et cependant de ménager à son regard, à son esprit, quelques échappées vers le vaste monde et des perspectives plus étendues.
 
Le courage, c’est d’être tout ensemble, et quel que soit le métier, un praticien et un philosophe.
 
Le courage, c’est de comprendre sa propre vie, de la préciser, de l’approfondir, de l’établir et de la coordonner cependant à la vie générale.
 
Le courage, c’est de surveiller exactement sa machine à filer ou à tisser, pour qu’aucun fil ne se casse, et de préparer cependant un ordre social plus vaste et plus fraternel où la machine sera la servante commune des travailleurs libérés.
 
Le courage, c’est d’accepter les conditions nouvelles que la vie fait à la science et à l’art, d’accueillir, d’explorer la complexité presque infinie des faits et des détails, et cependant d’éclairer cette réalité énorme et confuse par des idées générales, de l’organiser et de la soulever par la beauté sacrée des formes et des rythmes.
 
Le courage, c’est de dominer ses propres fautes, d’en souffrir mais de n’en pas être accablé et de continuer son chemin. Le courage, c’est d’aimer la vie et de regarder la mort d’un regard tranquille ; c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel ; c’est d’agir et de se donner aux grandes causes sans savoir quelle récompense réserve à notre effort l’univers profond, ni s’il lui réserve une récompense. Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques.
 
Ah ! vraiment, comme notre conception de la vie est pauvre, comme notre science de vivre est courte, si nous croyons que, la guerre abolie, les occasions manqueront aux hommes d’exercer et d’éprouver leur courage, et qu’il faut prolonger les roulements de tambour qui dans les lycées du premier Empire faisaient sauter les cœurs ! Ils sonnaient alors un son héroïque ; dans notre vingtième siècle, ils sonneraient creux. Et vous, jeunes gens, vous voulez que votre vie soit vivante, sincère et pleine. C’est pourquoi je vous ai dit, comme à des hommes, quelques-unes des choses que je portais en moi.