Dans le courrier qu'il vient d'adresser aux parlementaires daté du 26 juillet, Nicolas Sarkozy plaide avec enthousiasme en faveur des récentes décisions du Sommet de Bruxelles concernant la crise grecque et d'une gouvernance économique européenne renforcée.
Il appelle les députés et sénateurs français à s'unir « comme un seul homme » sur ces bases en vertu des intérêts supérieurs de la nation de « maîtrise » des dépenses publiques.
Tout le monde a parfaitement saisi son appel à adopter sans discussion la « règle d'or » qui permettrait d'inscrire dans la Constitution la politique d'austérité et d'injustice sociale que son gouvernement mène au bénéfice des marchés financiers depuis son élection à la présidence et que les gouvernements européens renforcent dans toute l'Europe sous le contrôle de la BCE, du FMI et de l'Union européenne.
Pour le Parti communiste français, les choses sont claires : il est hors de question de prêter la main à l'adoption de ce projet injuste, inefficace, contraire à l'intérêt général et à la souveraineté de notre pays.
Nos parlementaires ne voteront pas ce projet que nous combattons avec détermination avec toutes les forces du Front de gauche et leur candidat commun à l'élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon.
Face à la crise très grave des dettes publiques en zone euro, le sommet extraordinaire de l'euro-groupe du 22 juillet dernier a, en réalité, décidé de sauvegarder les intérêts financiers des grands créanciers au détriment de celui des peuples, des salariés. Cette réunion n' a surtout rien changé ni à l'orientation de la politique monétaire de la Banque centrale européenne, ni à la sélectivité du crédit bancaire. Nicolas Sarkozy et ses homologues européens ont fait le choix de ne pas frapper les spéculateurs qui sont pourtant à l'origine de la crise financière.
Ainsi, le principe d'une taxation bancaire a-t-elle été rejetée. Certes, les taux d'intérêts des prêts consentis vont être abaissés et leur durée rallongée pour maintenir la tête du débiteur grec hors de l'eau sans le sauver de la noyade. Mais la possibilité d'un « défaut de paiement sélectif » de la Grèce est maintenue, avec le risque de nouveaux acharnements spéculatifs des marchés financiers contre elle, mais également contre d'autres pays considérés comme « fragiles », parmi lesquels l'Espagne, mais aussi l'Italie et ses 1 900 milliards d'euros de dette publique.
Le Fonds européen de stabilité financière (FESF), doté de 440 milliards d'euros en mai 2010 pour re-prêter aux États en difficulté de l'argent qu'il emprunte sur les marchés financiers avec la garantie de chaque pays membre de l'euro, voit son rôle très accru.
Avec le nouveau plan de 160 milliards d'euros décidé pour la Grèce, le FESF tend à devenir, à côté de la toujours très monétariste BCE, le pivot d'un projet de fuite en avant vers l'endettement public massif sur les marchés financiers de toute la zone euro prise comme un tout.
Or un premier épisode, ouvert au printemps 2010, de cette fuite en avant au service de la domination des marchés financiers vient, pourtant, de se conclure en débouchant sur un fiasco.
Le premier plan dit de « sauvetage » de la Grèce, auquel les députés communistes et du Parti de gauche ont été les seuls à s'opposer au Parlement, a brisé la croissance de ce pays, provoqué l'explosion du chômage et l'écrasement des salaires réels (-8,9% entre 2008 et 2011), aggravant le déficit budgétaire (+6% de 2008 à 2011) et accentuant, en pratique, l'accumulation des dettes, malgré les énormes sacrifices imposés au peuple et le bradage des atouts nationaux avec les privatisations, la casse des retraites...
La dette publique de la Grèce qui était de 105% de son PIB en 2008 approche, désormais, 150% ! Et voilà dans quelle voie on propose de nous enfoncer.
Ces décisions soumettent tous les peuples de l'Union européenne à ce chantage alors que cinq jours à peine après le sommet, les agences de notation annoncent déjà la forte probabilité de baisser les notes de l'Italie et de la France.
N'est-il pas grand temps de changer radicalement de logique et de cesser le sacrifice des économies nationales au profit des spéculateurs ?
L'adoption de la règle d'or qui soumettrait constitutionnellement tous nos budgets aux exigences des marchés financiers serait une folie. Le remboursement des marchés serait garanti tandis que cette règle obligerait à sacrifier nos salaires, nos retraites, notre protection sociale, nos systèmes publics d'éducation et de santé. Ce serait l'austérité à perpétuité et l'incapacité pour notre économie de se relever.
C'est cette voie que notre peuple a refusée par référendum en 2005. Si les partisans de la règle d'or sont convaincus que les Français ont changé d'avis depuis, qu'ils osent la soumettre au suffrage universel !
Si le président de la République par peur du suffrage universel décide d'obtenir ce changement constitutionnel en convoquant tous les parlementaires en congrès, pas une voix ne doit manquer à gauche pour empêcher l'adoption de ce projet !
Les communistes appellent toutes les femmes et tous les hommes de progrès à se mobiliser pour mettre en échec cette récession programmée et ce déni de démocratie.
Ce rejet doit être l'occasion pour toutes les forces de gauche de s'engager fermement à renoncer à cette politique d'austérité suicidaire et à promouvoir des choix nouveaux de développement social et écologique en France et en Europe.
La France ne doit pas seulement se battre pour une solution juste et solidaire au défi de la dette en Europe mais elle doit agir pour émanciper l'Union européenne de la dépendance des marchés financiers en retrouvant à tous les niveaux, national et européen, la maîtrise publique de la finance et du crédit, en taxant les banques et les profits financiers, en changeant le rôle et les missions de la BCE, en relevant les salaires et en développant les services publics. La France pourrait agir pour remplacer le Fonds européen de stabilité financière, qui soutient les marchés, par un Fonds européen de soutien au développement social et solidaire des pays européens.
Le Front de gauche avec le Parti communiste et ses partenaires est déjà pleinement mobilisé pour mener cette bataille. Nicolas Sarkozy lance un défi à toute la gauche en cherchant à faire la démonstration qu'il n'y a pas d'alternative à sa politique. Relevons ce défi. Une autre politique est possible !
Pierre Laurent
Secrétaire national du PCF