Par André Chassaigne, député communiste du Puy de Dôme
En ce début de janvier 2010, je n'ai pas encore écrit les traditionnels vœux de la nouvelle année. Dans l'attente, je propose ce "petit abécédaire" inspiré par ma participation au Sommet de Copenhague, écrit durant la "trêve des confiseurs" .
comme ACCORD. On dit que l’Accord de Copenhague est « politique ». En fait c’est un texte sans ambition de 3 pages, simple déclaration d’intention pour ne pas revenir la besace vide après des années de préparation, les 2 semaines de négociations du Sommet, les 48 heures du round final… et la nuit blanche des chefs d’Etats.
comme Borloo. Je ne lui ferai pas un procès d’intention en lui reprochant de ne pas avoir mis le paquet ! Certes, il accroche sa charrue à une étoile, mais le soc reste coincé par le roc d’intérêts égoïstes. Dommage qu’il reste muet sur les véritables raisons de l’échec. « Couvrez ce capitalisme que je ne saurais voir ! »
comme COMPETITION. La compétition pour les ressources et de plus grandes parts de marché, ainsi que les traités et les accords de libre échange, ont abouti à la privatisation et à la marchandisation des ressources naturelles, intensifiant leur pillage, notamment dans les pays sous-développés. L’utilisation de ces ressources s’est faite sur la base d’un système économique non durable, construit sur un accès sans limite aux ressources dans sa recherche du profit, avec les désastres écologiques qui en découlent.
Principales victimes, les pays en développement sont aussi les plus vulnérables et les moins armés pour faire face à la situation. Aussi, réclament-ils un soutien financier de la part des pays riches pour mettre en œuvre un nouveau mode de développement économique en émission de carbone et pour s’adapter aux conséquences du changement climatique.
comme Délégation française. Nous étions une douzaine de députés et sénateurs représentant les groupes politiques et commissions, au côté de grands noms de la cause environnementale (Brice Lalonde, Nicolas Hulot, Yann Artuss-Bertrand…) de scientifiques de renom (notamment le climatologue Jean Jouzel) et bien évidemment les représentants du ministère de l’écologie et de l’environnement (MEEDATT) avec les Secrétaires d’Etat Chantal Jouanno et Valérie Létard.
comme Espoir. L’espoir que la catastrophe puisse être un jour conjurée, que des centaines de millions d’humains ne pouvant plus se nourrir ne soient plus dans le couloir de la mort, que la tragédie collective des habitants des terres menacées ne soit plus qu’un mauvais rêve. Cet espoir exige un accord mondial non seulement sur les émissions des gaz à effet de serre de tous le pays mais aussi une garantie d’accès de tous au développement.
comme Fiasco. Le fiasco de Copenhague a certes été habillé d’un semblant d’accord que le Président Sarkozy s’est efforcé de présenter au mieux aux journalistes et à la délégation française. Engagements, chiffres, objectifs… qui ne se retrouvent pas dans le texte final dont la vacuité n’a même pas permis d’obtenir le soutien de l’ensemble des Etats représentés. « C’est pas beau de mentir, Monsieur le Président ! »
comme G 77. C’est le regroupement des pays du Sud qui demandent un accord contraignant pour les pays riches. Le G 77 réclamait que l’objectif pour 2050 ne soit pas de limiter seulement le réchauffement planétaire à 2°c, mais au seuil critique de 1,5°c. Un réchauffement de 2°c se traduirait en effet, dans les pays africains, par un réchauffement de l’ordre de plus de 3°. Quant aux Etats insulaires, certains seraient totalement submergés ! Le G 77 demandait notamment aux pays industrialisés la diminution de moitié des gaz à effet de serre d’ici à 2020 et le financement, à hauteur de 1 % de leur PIB, de la lutte contre le réchauffement climatique.
comme HUGO CHAVEZ. Un simple extrait du discours prononcé par le Président de la République Bolivarienne du Venezuela le 16 décembre : « On pouvait me dire, monsieur le président, un fantôme parcourt le Copenhague, en paraphrasant Karl Marx, le grand Karl Marx. Un fantôme parcourt les rues de Copenhague, et je crois que ce fantôme marche en silence dans cette salle, il passe entre nous, il passe par les couloirs, sort par dessous, monte. Ce fantôme est un fantôme épouvantable, presque personne ne veut le nommer. Le capitalisme est le fantôme ! (Applaudissements). Presque personne ne veut le nommer, c’est le capitalisme ».
comme Industrialisation. L’industrialisation des économies occidentales est la cause première du changement climatique. L’émission sans précédent de gaz à effet de serre dans l’atmosphère a pour origine l’accroissement de la combustion de carburants fossiles dans l’industrie, mais aussi le commerce mondial libéralisé, les choix de transport, le développement de l’activité militaire, pour ne nommer que quelques secteurs significatifs .
Les conséquences de la croissance industrielle ont été aggravées par le système libéral qui se livre à une production excessive, guidée par le seul profit, pendant qu’une très large proportion de l’humanité est enlisée dans la pauvreté, avec une consommation ne permettant pas de répondre aux simples droits humains.
comme JUSTICE SOCIALE. Au-delà du problème bien réel du changement climatique, un discours vise à instaurer une sorte de « terreur climatique » pour faire passer des mesures antisociales : bel exemple que la contribution climat-énergie, sauce taxe carbone à la française ! De plus, en ne mettant pas en cause le mode de production capitaliste, fondé sur le libre-échange et le productivisme, on occulte cette question fondamentale de la justice sociale, dans les pays dits riches comme dans ceux en développement.
comme Kyoto. Le protocole de Kyoto est seulement entré en vigueur en 2005, ratifié par 175 pays à l’issue de 7 années de négociations. Il engage les signataires à réduire leur émission de gaz à effet de serre d’au moins 5 % d’ici 2012 par rapport à leur niveau de 1990. Mais cette contrainte de réduction disparaît de fait avec l’accord de Copenhague : chaque pays fera désormais ce qu’il voudra, avec une simple information tous les 2 ans, sans sanctions ni vérification internationale.
Très défendu par les pays africains pour être le seul instrument légalement contraignant, ce protocole n’est pas forcément enterré définitivement. Fort heureusement !
comme Libéralisme. Le modèle économique libéral se délecte de la création attendue d’un nouveau marché mondial, celui du carbone, à l’image du marché européen ETS (European Trading Scheme). Les experts adoubés du libéralisme chantent depuis des années les vertus des Mécanismes de Développement Propres (MDP), c’est-à-dire l’achat par les grands groupes industriels et sociétés financières de crédits d’émissions dégagés par les économies de pollution au Sud. Cette bourse du carbone ne serait pas seulement un aliment de plus pour répondre à la boulimie de tout marchand, elle permettrait aussi un magnifique tour de passe-passe : les pays industrialisés externaliseraient ainsi leur vertu en instaurant à leur profit un marché mondial d’indulgence en achetant des droits de polluer.
Le marché à saisir est énorme : les seuls crédits de carbone forestiers seraient évalués à 1,5 Mds. Le cours reste à fixer au grè de l’offre, avec une demande pressante, et à la clef une bulle spéculative toujours susceptible d’exploser.
comme Mobilisation. L’année 2010 s’annonce comme celle d’une bataille décisive où les peuples du monde entier devront contraindre leurs dirigeants à changer de cap, sous peine de compromettre profondément et de manière irréversible l’avenir de l’Humanité. « Aux citoyens d’exiger une attitude plus responsable de leur gouvernement » est une phrase très entendue depuis l’échec du Sommet.
comme Négociations. Le processus de négociations, engagé deux ans avant Copenhague devait aboutir à un nouveau traité mondial visant à corriger les causes et la conséquence des émissions de gaz à effet de serre. Il a été remis en cause durant le Sommet : discussions parallèles, manque de transparence, domination des pays riches ont réduit à néant le travail réalisé. Non seulement les 200 pages de négociations n’ont pu être finalisées mais aucun consensus n’a pu se dégager.
comme ONG. Grâce au contre-pouvoir des grandes organisations environnementales, soutenues par les mouvements sociaux et de nombreux scientifiques, Copenhague restera tout de même dans l’Histoire comme l’échéance qui a permis l’articulation d’une nouvelle force internationale. Le Klimaforum09, sommet alternatif de Copenhague, a en effet débouché sur une Déclaration des Peuples (« System Change- not climate change ») signée par plus de 300 ONG et mouvements sociaux des 5 continents. Elle servira de base commune à leurs prochains combats.
comme « Puits de carbone ». Des massifs forestiers comme l’Amazonie ou le bassin du Congo ont un rôle primordial pour lutter contre l’effet de serre en captant le CO2 présent dans l’atmosphère. Les préserver est un des meilleurs atouts de la planète. Mais les « crédits carbone » accordés comme contre-partie pour service rendu à la communauté mondiale, alimenteront un marché de carbone forestier. Ces crédits pourront être rachetés par les pays industriels pour leur permettre de continuer à polluer. L’économie de carbone pourrait être pillé comme l’ont été les ressources naturelles des pays d’Afrique depuis 150 ans !
comme REDD, c’est-à-dire le Fonds de partenariat pour la réduction des émissions de carbone forestières des Nations Unies (UN-Redd). Ce programme, destiné à arrêter la déforestation, est affiché comme une réelle avancée. Mais, la préservation des forêts a un coût pour l’économie des pays concernés, d’autant qu’il s’agit bien souvent de pays pauvres. Le principe d’aider financièrement les pays à préserver leurs forêts est désormais admis. Reste à fixer le mode de financement… et trouver l’argent nécessaire !
comme STERN. Le rapport Stern sur l’évaluation économique du changement climatique affirme que l’inaction coûtera très cher en 2100. Si rien n’est fait, le réchauffement climatique coûterait alors 5 500 milliard d’Euros, soit plus que les guerres mondiales et le récession des années 30 réunies.
comme Titanic. Une phrase a beaucoup circulé au Bella Center de Copenhague, où se déroulaient les travaux : « On est sur le Titanic, on coule, il n’y a pas de canots de sauvetage et l’équipage ne s’en rend pas compte ». La réalité n’est pas très éloignée de cette image !
Elle l’est d’autant moins quand le grand timonier de l’économie mondiale est le Président des Etats-Unis, qu’il s’appelle Bush ou Obama. Le choix de navigation est clair : les Etats-Unis, qui n’ont pas ratifié le protocole de Kyoto, n’iront pas plus loin que leur objectif initial de 4 % de réduction de leurs émissions par rapport à 1990, très en dessous des 25 à 40 % préconisés par le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC).
comme Urgence climatique. L’urgence climatique n’est pas un simple slogan : les concentrations de gaz à effet de serre ont atteint des sommets. Les spécialistes disent qu’à ce rythme les températures pourraient être de 5 ° supérieures à celles de la période préindustrielle. Bien évidemment avec toutes les conséquences que le réchauffement climatique implique : multiplication de phénomènes météo extrêmes (ouragans, orages violents, inondations, sécheresses…) montée du niveau des océans et engloutissement des terres, multiplication des conflits pour la maîtrise de l’eau et des terres agricoles.
comme Vivre. Si un positionnement environnementaliste a pu répondre pendant longtemps à quelque calcul politicien, il est devenu désormais une exigence incontournable, celle de la vie des générations futures. A l’issue de la manifestation de Copenhague, organisée le 12 décembre en marge des négociations sur le climat et réunissant près de 100 000 manifestants, le directeur de Greenpeace International, Kumi Naidu déclarait à la tribune : « Chaque année, 300 000 personnes meurent à cause du changement climatique. Ce n’est pas une question d’adaptation mais de survie ».
Comme cela a été rappelé au Sommet par de nombreux participants des pays les plus touchés, la grande majorité des écosystèmes de la planète sont abîmés, 20 % de l’écorce terrestre est dégradé. La transformation des terres, les altérations de cours d’eau douce, la perte de la diversité biologique sont déjà une réalité. Les peuples les plus fragilisés en paient déjà le prix fort.
comme WAGON. J’espère plutôt « wagon-lit » avec une pensée pour mon ami Yves Cochet qui a passé 17 h en train pour rejoindre Copenhague, marquant ainsi son opposition à la pollution excessive du transport aérien. A-t-il regretté l’absence du TGV ?
comme XEROPHILE. Les plantes xérophiles vivent dans des lieux secs. Je ne doute pas que Monsanto ait déjà déposé de multiples brevets pour assurer le maintien de culture en milieux hostiles, avec des semences génétiquement modifiées. Sans aucun doute, le capitalisme est déjà en ordre de marche pour tirer profit du réchauffement climatique. L’essentiel est d’occulter sa propre responsabilité et de sauver le système : surfer sur les vagues après avoir déclenché la tempête !
comme YANG. Ce principe fondamental de la philosophie taoïste chinoise correspond à la notion de passivité. Le Ying aurait été sans doute préférable ! Quant au Yuan, la monnaie chinoise, il attend sans aucun doute son heure dans un système monétaire toujours dominé par le dollar.
comme Zéro. « Zéro pointé » pour Copenhague ? Pas seulement ! C’est aussi la note infligée, en guise de rappel à l’ordre, par le Conseil Constitutionnel au projet de taxe carbone, élaboré par le gouvernement sur une base tellement inégalitaire qu’il a été censuré. Les plus modestes devaient payer, les pollueurs étaient épargnés : « Ainsi étaient totalement exonérées de contribution carbone les émissions de 1018 sites industriels les plus polluants, tels que les raffineries, cimenteries, cokeries et verreries, les émissions de l’industrie chimique utilisant de manière intensive de l’énergie (…), celles du transport aérien et du transport routier passagers », souligne le Conseil constitutionnel dans son rapport. Des régimes de faveur « contraires à l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique », résume le Conseil, qui note, surtout, que cela « aurait créé une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ». Rien à ajouter..
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