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04/10/2013

UNE FRANCAISE DE FABRICATION : UN LIVRE SALUTAIRE !

sophia1.jpgEcrire sa biographie à 20 ans ce nest pas courant, et pourtant le témoignage de Sophia Hocini est salutaire, cest un cri, une colère, un espoir, une souffrance exprimés en une centaine de pages.

Ce nest pas sa vie, cest la vie de centaines de milliers, de millions de personnes, venues en France, vivants en France, « déportés économiques » qui est ainsi décrite.

Elle témoigne pour tant dautres qui nont pas la « plume » comme elle, et quelle plume, quelle belle écriture !

Née en Algérie, de mère française par la naissance, elle quitte son pays dorigine accompagnée de ses parents et de ses 7 frères et sœurs pour rejoindre la France. Elle raconte son périple, son installation dans ce pays qui deviendra le sien sans pour autant rejeter ses origines, sa culture, ses traditions familiales. « Chez moi, cest la France ! Chez nous, cest la France ! Mais chez moi cest également partout dans le monde » dit-elle.

Elle raconte, la misère, lespoir, lécole de la République où elle sépanouit, sa famille, le racisme quotidien. Elle dit sa haine dans cette ville de Marseille des idées de lintolérance distillées particulièrement par le Front National. Elle proteste contre les caricatures quelle vit tous les jours assimilant arabes, musulmans, délinquants, profiteurs, parias. Cest une écorchée vive, et tout ce quelle dit parfois maladroitement, parfois aussi rapidement, vient spontanément, naturellement.

Sophia connait mieux la France profonde, que la plupart des Français. Ce quelle dit sur les ghettos, les quartiers populaires, elle le vit tout les jours et est particulièrement juste, sauf sur un point, non ces quartiers ne sont pas constitués que dimmigrés même sils sont nombreux. Son analyse est pertinente en parlant de quartiers qui doivent souvrir sur la vie.

Sa conclusion est poignante « Est-ce les 10 % de la population immigrée déviante et criminelle représente les autres 90 % qui ne cherchent quà se faire tout petit et à être des modèles de réussite ? Ces 90 % qui sont le fruit de la méritocratie et qui portent vos couleurs et vos valeurs. Pourtant, nous sommes le vrai visage de la France, celle de limmigration. Limmigration, ce sont toutes ces personnes qui comme moi, avons tout fait pour vous honorer, ce nest rien dautres. »

francaise-de-fabrication-sophia-hocini.jpgOui, la France est honorée dêtre habitée par des millions de Sophia qui donnent à notre pays une richesse qui rayonne dans lUnivers.

sophia.jpg« Une française de fabrication » Sophia Hocini Les éditions du Net. 90 pages. 12

Sophia Hocini est aussi une blogueuse prolifique que vous pouvez retrouver sur son excellent blog : « La Robe Rouge ». Elle écrit aussi régulièrement dans le journal l'Humanité en tant que jeune correspondante.

28/09/2013

VICTOR JARA : ON LUI COUPA LES DOIGTS PUIS LES MAINS POUR QU‘IL NE CHANTE PLUS !

Jara1.jpgTout d'un coup Victor essaya péniblement de se lever et comme un somnambule, se dirigea vers les gradins, ses pas mal assurés, et l'on entendit sa voix qui nous interpellait :

" On va faire plaisir au commandant. " Levant ses mains dégoulinantes de sang, d'une voix angoissée, il commença à chanter l'hymne de l'Unité populaire, que tout le monde reprit en choeur.

C'en était trop pour les militaires ; on tira une rafale et Victor se plia en avant.

Chili, 40 ans. Anniversaire du coup dEtat de Pinochet (11 septembre 1973, 11 septembre 2013)

"Savez-vous pourquoi il n'y a jamais eu de coup d'Etat aux Etats-Unis ? Parce qu'il n'y a pas d'ambassade des Etats-Unis aux Etats-Unis..." Michelle Bachelet, ancienne Présidente du Chili (fille d'un général assassiné avec la complicité des Etats Unis).

VICTOR JARA

Les mots ne sont pas innocents. On ne défie pas impunément le pouvoir, surtout s'il est entre les mains de dictateurs sanguinaires. Victor Jara en fit l'amère constat, payant de sa vie son engagement militant auprès de Salvador Allende au Chili.

Chantre de la révolution communiste, Victor Jara chantait le partage des terres, critiquait le conformisme bourgeois, dénonçait la répression militaire, condamnait la guerre du Vietnam…

Après le coup d'état du Général Pinochet, Victor Jara fut arrêté et emprisonné dans le stade de Santiago, lieu de triste mémoire. Il fut torturé et exécuté.

Pinochet a échappé à ses juges. Le monde de justice rêvé par Jara n'est pas pour demain.

" On amena Victor et on lui ordonna de mettre les mains sur la table. Dans celles de l'officier, une hache apparut.

D'un coup sec il coupa les doigts de la main gauche, puis d'un autre coup, ceux de la main droite.

On entendit les doigts tomber sur le sol en bois. Le corps de Victor s'écroula lourdement. On entendit le hurlement collectif de 6 000 détenus.

L'officier se précipita sur le corps du chanteur-guitariste en criant : " Chante maintenant pour ta putain de mère ", et il continua à le rouer de coups.

Tout d'un coup Victor essaya péniblement de se lever et comme un somnambule, se dirigea vers les gradins, ses pas mal assurés, et l'on entendit sa voix qui nous interpellait :

" On va faire plaisir au commandant. " Levant ses mains dégoulinantes de sang, d'une voix angoissée, il commença à chanter l'hymne de l'Unité populaire, que tout le monde reprit en choeur.

C'en était trop pour les militaires ; on tira une rafale et Victor se plia en avant.

D'autres rafales se firent entendre, destinées celles-là à ceux qui avaient chanté avec Victor. Il y eut un véritable écroulement de corps, tombant criblés de balles. Les cris des blessés étaient épouvantables. Mais Victor ne les entendait pas. Il était mort. "

Miguel Cabezas (extrait d'un article paru dans l'Humanité du 13 janvier 2000).

Le stade porte aujourd'hui son nom.

24/08/2013

Dans l'Humanité, les "affiches en regard" s'exposent avec Gérard Paris-Clavel

Chaque jour cet été dans l'Humanité, des affiches de graphistes du monde entier et d'époque différentes accompagnent notre vaste série de grands entretiens consacrée à "penser un monde nouveau". Le graphiste social Gérard Paris-Clavel nous explique "l'affiche en regard", série à laquelle il prête son regard avisé.

Penser un monde nouveau, Gérard Paris-Clavel l'a mis en oeuvre tout au long de ses travaux de graphiste social, d'abord avec le collectif Grapus, dont il fut l'un des membres de 1970 à 1989, avec Pierre Bernard, François Miehe, Jean-Paul Bachollet et Alex Jordan, puis actuellement au sein de l'association Ne Pas Plier. C'est dans ce cadre qu'il a travaillé avec l'Apeis (un aperçu ici).

Ses armes à lui pour penser un monde nouveau sont ces très nombreuses images qui peuplent désormais chaque lutte ou manifestation sociale, syndicale, politique, comme "rêve général" et "je lutte des classes".

Du 21 au 31 décembre 2009, il avait déjà mené un feuilleton graphique dans l'Humanité intitulé "le travail de l'image". Il est à nouveau au coeur de notre série "l'affiche en regard", dont un aperçu se trouve ici.

Stéphane Guérard

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16/08/2013

FETE DE L'HUMA 2013 : Féfé, artiste fédérateur, conjugue conscience et jubilation

 	rapp, féfé, Zebrock, fête de l'Humanité 2013Fête de l'Humanité 2013. Le rappeur de l’ex-Saïan Supa Crew pulvérise, en musique et en actes, les préjugés de l’ordre dominant, en croisant allègrement hip-hop, chanson, reggae et mémoire yoruba.

Féfé s’est forgé sur le fil de la riche expérience du Saïan Supa Crew (ou SSC), fondé en 1998 avec six amis et propulsé sur la scène internationale avec KLR (1999, disque de platine), puis X raisons (2001, disque d’or).

 D’autres, grisés par le succès et les tournées à travers la planète, auraient pris la grosse tête. Si l’artiste Féfé a bel et bien les yeux dans les étoiles, Féfé l’humain a gardé les pieds accrochés à la terre. « Je le dois à mon éducation et à la sensibilité musicale que mon père et ma mère ont développée en moi », explique celui qui est né en 1976, à Clichy-la-Garenne, de parents nigérians et qui a grandi à Noisy-le-Sec en Seine-Saint-Denis. Après la dissolution du SSC en 2007, Féfé prend les rênes de sa chevauchée musicale en publiant le CD Jeune à la retraite (2009, certifié à son tour disque d’or). Devenu papa, il a veillé à « apprivoiser les blessures de l’âme, prendre du recul ».

Du deuxième opus à son nom, le luxuriant Charme des premiers jours (2013), c’est le morceau Gaulle qui a d’abord surgi sous sa plume, filant la métaphore d’une compagne ingrate. « Je t’offre des roses / Toi tu comptes les épines / T’as comme un a priori plutôt sévère », psalmodie Féfé, « le fiancé » de la France, stimulé par une guitare hypnotique.

Il poursuit, dans un couplet : « Si je ne t’aimais autant / Je me serais barré. » Et il exhorte à « dépasser nos peurs ». « La banalisation de l’extrême droite, qui s’ancre dans le poison de la peur, s’est amplifiée sous l’ère Sarkozy, nous explique-t-il en interview.

Le fait de défendre sa patrie a été quasi confisqué par le FN. Dans Gaulle, j’exprime ma déception, mais aussi mon amour pour la France, où j’ai vu le jour. Mon attachement aux racines yorubas de ma famille n’altère en rien mon sentiment pour ma terre natale. Ceux qui stigmatisent les populations possédant une double culture n’arrivent pas à comprendre la fertilité de ces apports au patrimoine collectif. »

Féfé se réjouit de se produire à la Fête de l’Humanité le samedi 14 septembre au soir sur la scène Zebrock, un mois avant son Olympia du 14 octobre. Pour lui, ce grand rassemblement « illustre superbement un engagement politique et social s’opérant en osmose avec la culture, l’ouverture à l’autre, la joie d’être ensemble ». La Fête de l’Huma « invalide le slogan Tous pourris, que brandissent des forces démagogiques pour s’accaparer le pouvoir ».

En son dernier CD, Féfé pulvérise allègrement le préjugé selon lequel la pensée dominante traite le hip-hop comme une sous-culture. Auteur, compositeur, rappeur, chanteur et poly-instrumentiste doué, il a produit le disque avec Dan The Automator (des Gorillaz) et en a minutieusement réalisé les samples. Il prouve que le hip-hop est un art à part entière. Grâce à son ardeur fédératrice, rap, chant, beats acérés, reggae, soul, rock, blues et résonances yorubas dansent ensemble, avec jubilation.

Fara C.

10/08/2013

ILS SERONT A LA FETE DE L'HUMA 2013 : MATTHIEU CHEDID

matthieu chedid,fête de l'humanité 2013Matthieu Chedid sera 
en tête d’affiche sur la grande scène. Retour sur le parcours du chanteur, qui se produira pour la première fois à la Fête.

Plus de dix ans après son Baptême, du titre de son premier album, Matthieu Chedid a su s’imposer comme la bonne étoile de la chanson française, tirant une valise de souvenirs aussi pleine de costumes chamarrés que d’artistes, avec lesquels il a collaboré. Si Matthieu Chedid, qui deviendra -M-, qui deviendra lui même Mister Mystère, a su s’imposer sur le devant de la scène, ce n’est pas moins grâce à son talent qu’à son imagination débordante, mère supérieure ayant droit de regard sur tout ce qu’il entreprend. Le phénomène -M- se propage rapidement et on l’aime comme un emblème…

Machistador

Matthieu a su s’imposer, en vrai machistador, ce n’est pas rien de le dire. La carrière de ce petit-fils de la poétesse Andrée Chedid et fils du musicien Louis Chedid était presque tracée. Avec Julien Voulzy et Thomas Dutronc, fils respectifs de Laurent Voulzy et de Jacques Dutronc, il forme son premier groupe, les Bébés fous. S’ils affichent une réelle volonté de s’affranchir de l’école paternelle, Matthieu avoue pourtant qu’il n’était alors qu’une pâle copie de Louis Chedid, «avec moins de talent», distingue-
t-il, dans une humilité certaine et qui a aujourd’hui encore su rester sienne.

En 1997, il se lance dans sa propre carrière et installe dans la maison de famille le Labo -M-, où il enregistre ses premiers titres. S’il prévoit de les faire chanter par d’autres, il finit par s’y coller, ayant du mal à concevoir que ses textes plaisent. Il n’aime pas particulièrement sa voix au timbre si haut perché, mais a toujours reçu le soutien de ses proches. C’est quand -M- affirme sur un air tout à fait funky sur toutes les radios: «Je suis un missionnaire de la drague, je l’avoue…» qu’il connaîtra son premier succès médiatique. Sa sœur, Émilie Chedid, sera dès lors sa coordinatrice visuelle et réalisera ses clips.

Docteur Mathieu, Mister M

Matthieu, le grand timide, se crée alors un personnage aux allures loufoques, costume rouge pétard et la coiffure dessinant une étrange forme de M.

-M-, c’est l’ombre de Matthieu, son côté punk dissimulé. Quand, en 1999, il s’attaque à la promotion de son second opus, Je dis aime, la chanson du même nom, -M- a fait voyager plus de 500 000 Français au cœur de son monde virtuel. Mais c’est en 2000, lors de sa collaboration sur l’album Bliss et de la tournée Divinydille, de Vanessa Paradis, qu’il se fait connaître du grand public. Il revient avec Labo -M-, un recueil instrumental, puis, en 2003, avec Qui de nous deux (voir la vidéo), dont la symbolique guitare rose, Billy, du nom de sa fille, fera une partie de la médiatisation.

Ses concerts contribueront grandement à son succès, véritable spectacle où il met en scène son personnage. Il remplit le mythique Olympia, Bercy par trois fois et fait la tournée des festivals français. Toujours soucieux d’une proximité avec le public pour rendre sa musique accessible, il participe au DVD, les Leçons de musique de -M-, dans lequel il décortique quatre de ses titres. Mister Mystère fait son apparition en 2009, Brigitte Fontaine, la zazoue, lui a prêté sa plume pour sept de ses titres. En 2012, Matthieu annonce son sixième album, Îl, dont le premier single, Mojo, apparaît comme plus électro-rock que les précédents. Un artiste « made in France », avec un style séducteur et efficace, mêlant pop, rock’n’ roll et funk à la fois, -M- a su trouvé son gimmick.

Le site de la Fête de l'Humanité 2013

 


-M- Qui de nous deux par bhads

03/08/2013

LA QUESTION : LE FILM DE LAURENT HEYNEMANN, EST IL INTERDIT DE DIFFUSION SUR LES TELEVISIONS FRANCAISES ?

laquestion.jpgQuelques jours après la disparition de Henri Alleg, auteur du livre La Question, la question se pose toujours pourquoi le film de Laurent Heynemann qui a adapté ce roman à l’écran est il toujours interdit de diffusion sur toutes les chaines de Télévision françaises. Sa dernière diffusion sur la chaine feu, la Cinq, à minuit date de plus de 30 ans. Pourtant ce film qui avait obtenu le grand prix spécial du jury au festival de Saint-Sébastien est estimé de manière unanime par les critiques de cinéma comme étant un très beau film.

Peut être les télévisions ne veulent pas déplaire au Front National et à son électorat particulièrement opposés à ce témoignage unique sur la torture pratiquée en Algérie.

François Hollande avait pourtant rendu ainsi hommage le 18 juillet à Henri Alleg en saluant le journaliste militant qui "alerta sur la réalité de la torture en Algérie" et qui "toute sa vie lutta pour que la vérité soit dite". "A travers l'ensemble de son œuvre — jusqu'à son dernier livre, Mémoire algérienne, paru en 2005 —, il s'affirma comme un anticolonialiste ardent."

M. Hollande avait souligné aussi que, "toute sa vie, Henri Alleg lutta pour que la vérité soit dite", en restant "constamment fidèle à ses principes et à ses convictions".

Apparemment en France aujourd’hui toute vérité n’est pas bonne à dire sur les télévisions publiques et privés. La censure comme pendant la guerre d’Algérie est toujours aussi implacable.

LE FILM

La Question film de Laurent Heynemann sorti sur les écrans en 1977, est une adaptation du livre La Question d'Henri Alleg, avec Jacques Denis dans le rôle d'Henri Alleg, Nicole Garcia dans celui de sa femme, et notamment Jean Benguigui. Le film ne reprend pas à l'écran toutes les descriptions terribles d'Alleg mais était sorti avec une interdiction aux moins de 18 ans.

LE THEME

A Alger, en 1957, les paras font régner l'ordre. Henri Charlègue, le directeur d'un journal sympathisant avec le FLN, passe à la clandestinité. Il est arrêté avec son ami Maurice Oudinot. Tous deux subissent des tortures et ce dernier meurt au cours d'un interrogatoire. Tandis qu'il est derrière les barreaux, Charlègue écrit en cachette un récit sur les conditions de sa détention et réussit à le faire parvenir à son éditeur par l'intermédiaire de son avocat. À sa parution, le livre fait scandale. Charlègue est condamné à dix ans de prison pour atteinte à la sûreté de l'Etat.

22/07/2013

Louis aragon Des articles majeurs 
à (re)découvrir

les lettres françaises,littérature,louis aragon,série des journalistes et des combatsPoète, romancier, résistant, communiste… Aragon était aussi un grand journaliste qui combattit avec panache Pétain et l’occupant nazi. De Ce soir aux Lettres françaises, 
il est l’auteur de centaines d’articles importants.

Quand on parle d’Aragon, on évoque le poète, le résistant, le communiste, le romancier, le surréaliste, l’amoureux d’Elsa, mais presque jamais le journaliste. Or, Aragon a aussi été un grand journaliste. Ses écrits journalistiques, qui comptent des centaines de pages, constituent une sorte de contrepoint à son œuvre.

Des années 1920 à sa mort en 1982, Aragon collabore à Paris journal, Littérature, la Révolution surréaliste, Clarté, Commune, Europe, l’Humanité, Ce soir, les Étoiles, les Lettres françaises. Dans cette liste, Ce soir et les Lettres françaises ont un statut particulier puisqu’il les a longtemps dirigés.

Si on met de côté les quelques semaines passées à la tête de Paris journal, que lui confie Jacques Hébertot en 1923, ses véritables débuts de journaliste ont lieu quand il entre à l’Humanité, en 1933, sur proposition de Vaillant-Couturier. D’abord, confiné aux rubriques sur les chiens écrasés (histoire de l’éprouver), il accède vite à des sujets de plus grande ampleur, notamment pendant les événements de février 1934.

En 1936, Maurice Thorez décide de lui confier la direction d’un nouveau quotidien qui soutiendra le Front populaire : Ce soir.

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 Aragon accepte à la condition d’y associer Jean-Richard Bloch, dont il connaît la rectitude intellectuelle et les qualités littéraires. Bloch, qui ne faisait jamais les choses à moitié, redoutait d’y compromettre son activité d’écrivain. Au terme d’une nuit de discussion, Aragon arrache son accord. L’un comme l’autre sont alors hantés par la montée du fascisme. Le premier numéro de Ce soir paraît en mars 1937, grâce au talent d’organisateur de Gaston Bensan. Les deux directeurs travaillent en parfaite intelligence et imposent d’emblée une ligne éditoriale. Ils font appel à des collaborateurs très variés. On y trouve des photographes comme Cartier-Bresson, Capa, Gerda Taro, les signatures de Robert Desnos, Jean Cocteau, du futur acteur Alain Cuny, de Fernand Léger, de Boris Taslitzky, de la journaliste Andrée Viollis, des écrivains Louis Parrot, Édith Thomas, Pascal Pia, Elsa Triolet, etc. Paul Nizan y couvre la politique étrangère.

Ce soir est ouvert aux menus événements de la vie quotidienne, tout en sachant les relier aux problèmes majeurs de l’époque. Chaque fois que son orientation est trouvée dérangeante, Maurice Thorez apporte son soutien aux deux directeurs.

Le journal atteint rapidement des ventes de l’ordre de 250 000 exemplaires. Aragon contribue au rayonnement du journal par de nombreux articles, notamment ceux de la série Un jour du monde, qui commente brillamment l’actualité au jour le jour. Il poursuit à temps volé le roman les Voyageurs de l’impériale, qu’il a commencé en 1936. Ce soir combat avec panache pour la réussite du Front populaire, pour l’Espagne républicaine, contre Munich et la politique d’apaisement envers Hitler. Il sera brutalement interdit, comme toute la presse communiste, en août 1939, à la suite du pacte germano-soviétique.

Les Lettres françaises naissent en 1941, lors d’une discussion entre Aragon, Jacques Decour et Georges Politzer, qui menaient depuis 1940 le combat clandestin des communistes dans les milieux intellectuels. L’objectif est de parvenir à un large rassemblement des intellectuels, dans le cadre du Front national contre Pétain et l’occupant nazi. C’est pourquoi Aragon veut que Jean Paulhan fasse partie de l’équipe des Lettres. Decour ne verra pas le premier numéro, il sera pris et fusillé, comme Politzer. Claude Morgan est alors chargé de reprendre le projet. Pendant ce temps, Aragon fonde, en zone sud, un journal similaire, les Étoiles. Le premier numéro des Lettres sort en septembre 1942, celui des Étoiles en février 1943. Ces petites feuilles mal imprimées, distribuées au péril de la vie des militants, portent très haut la parole de la France et sont l’expression de l’intelligence en guerre contre la barbarie (1).

À la Libération, fatigué et surchargé de travail, Aragon revient brièvement à la direction de Ce soir, avant qu’elle soit confiée à Jean-Richard Bloch, à sa satisfaction. Au décès de celui-ci, en 1947, il reprend ses fonctions jusqu’à la fin du journal, en 1953. Il succède alors à Morgan à la direction des Lettres françaises.

 Trois semaines plus tard, Staline meurt. Lecœur, qui dirige le PCF en l’absence de Thorez, mène une politique de caporalisation des intellectuels. Il reproche à Aragon d’avoir piétiné la douleur des communistes en publiant un portrait iconoclaste de Staline, signé de Picasso, et déclenche une violente campagne contre lui. Quelque temps auparavant, il s’en était pris à Moussinac. À partir de cette expérience, avec l’appui de Thorez, Aragon tisse les fils qui lui permettront de faire des Lettres françaises le meilleur hebdomadaire culturel français. André Wurmser, George Besson, Georges Sadoul, Elsa Triolet font régulièrement des chroniques. Accordant un intérêt toujours renouvelé aux jeunes talents, Aragon les présente généreusement. Parmi eux : Philippe Sollers, Lionel Ray, Bernard Vargaftig, Jacques Roubaud, Maurice Regnaut, Pierre Lartigue, Jean Ristat…

 Il s’élève de plus en plus fortement contre les mesures qui briment la liberté de création en URSS et dans les autres pays socialistes. Il le fait au nom du communisme, dont il ne cesse de se réclamer. Les polémiques qu’il mène sont retentissantes, dépassant parfois les capacités de gestion de la direction du PCF.

Ces mêmes années sont celles qui voient mourir ses amis : Éluard, Tzara, Breton, Courtade, Moussinac… Il leur consacre des textes qui resteront parmi les plus beaux. L’automne de sa vie a, pour ses lecteurs, le goût d’un merveilleux printemps.

Lorsque la fin des Lettres françaises est programmée, en 1972, il publie la Valse des adieux, dans laquelle se trouvent ces mots : « J’ai gâché ma vie. » Certains ont voulu y lire l’aveu enfin exprimé de l’échec de son engagement communiste, voulant à toute force qu’Aragon n’ait fait que porter un masque. Si elle exprime l’usure des espérances, la douleur des coups reçus des siens, l’inquiétude sur l’avenir, cette Valse ne traduit aucunement le désaveu du chemin qu’il avait pris jadis et qu’il a suivi jusqu’au bout. Lui qui disait : « Nous sommes les gens de la nuit qui portons le soleil en nous », n’a cessé d’intervenir sur l’histoire des hommes pour que le peuple cesse d’être l’ennemi de lui-même et que vienne le temps du chant pour tous.

(1) Les Lettres françaises et les Étoiles dans la clandestinité ont été rééditées aux éditions 
Le Cherche-Midi.

François Eychart pour l'Humanité