Soixante-dix ans après l'exécution de Châteaubriand, une commémoration populaire rend hommage sur le site où furent assassinés 27 otages en présence de Bernard Thibault secrétaire général de la CGT et Pierre Laurent secrétaire national du Parti communiste français.
L'HISTOIRE
1941 est une année importante pour la Résistance en France. Les groupes et les réseaux se développent. Particulièrement après l’engagement officiel du Parti communiste dans la lutte provoquée par l’attaque allemande contre l’URSS, les attentats et les sabotages contre l'occupant se multiplient. La réaction de celui-ci est de plus en plus violente. À la suite de l'attentat survenu le 21 août contre l'aspirant Moser, dans le métro à Paris, une ordonnance allemande décrète que tous les Français mis en état d'arrestation seront considérés comme otages et, qu' "en cas d'un nouvel acte, un nombre d'otages correspondant à la gravité de l'acte criminel commis sera fusillé". Si les fusillés de Châteaubriant ne sont pas les premiers otages exécutés, leur massacre est le point de départ des exécutions massives perpétrées à titre de représailles par les Allemands.
À la mi-octobre, des groupes armés, dont les membres sont présentés comme des "terroristes" par les Allemands, programment une série d'opérations à Bordeaux, à Nantes et à Rouen. Ces actions visent à obliger l'occupant à maintenir des troupes sur l'ensemble du territoire en entretenant un climat d'insécurité ainsi qu'à développer la lutte armée. Le 19 octobre, un sabotage provoque le déraillement d'un train sur la ligne Rouen-Le Havre. Le lendemain, vers 8 h 00 du matin, un officier allemand, le lieutenant-colonel Holtz, est abattu à Nantes. Gilbert Brustlein et Guisco Spartaco, deux jeunes Parisiens, rencontrent sur leur chemin, près de la cathédrale, deux officiers, Holtz et le médecin-capitaine Sieger et leur emboîtent le pas. Au moment de tirer, l'arme de Spartaco s'enraye mais le revolver de Brustlein atteint Holtz qui s'effondre.
La réaction de l’occupant est immédiate. À Châteaubriant, des troupes allemandes viennent renforcer la gendarmerie française qui assure la garde du camp de prisonniers de Choisel, dont la population est notamment constituée de détenus politiques arrêtés par le gouvernement du maréchal Pétain. Le jour même, un officier allemand se présente au camp pour y consulter la liste des détenus.
Le lendemain, le général Von Stülpnagel, commandant militaire en France, fait annoncer par voie d'affiche que, "en expiation de ce crime", cinquante otages seront fusillés ainsi que cinquante autres si les coupables ne sont pas arrêtés avant le 23 octobre à minuit.
Une récompense de quinze millions de francs est offerte pour la dénonciation des auteurs de l'attentat.
Le choix des otages est laissé à la discrétion du gouvernement de Vichy. Sur la liste de cent détenus présentée par les Allemands au ministre de l'intérieur Pierre Pucheu, les noms de cinquante personnes sont retenus, essentiellement des communistes.
Tandis que se prépare ainsi l'exécution du premier groupe d'otages, un autre officier, le conseiller d'administration militaire Reimers, est abattu à son tour à Bordeaux par Pierre Rebière. La riposte estla même : cinquante otages fusillés, cinquante en sursis jusqu'à l'arrestation des coupables, offre d'une récompense de quinze millions de francs aux dénonciateurs.
Le 22 octobre, vingt-sept otages sont fusillés à Châteaubriant. En début d'après-midi, ce mercredi, les Allemands regroupent les otages dans une des baraques du camp de Choisel où ils peuvent écrire une dernière lettre avant d'être conduits à la carrière de la Sablière, à la sortie de la ville, lieu de leur exécution. Celle-ci se déroule en trois salves, à 15 h 50, 16 h 00 et 16 h 10. Tous refusent d'avoir les yeux bandés et les mains liées. Ils meurent en chantant la Marseillaise.
Le même jour, seize otages sont également exécutés à Nantes, au champ de tir du Bèle, et cinq autres au Mont-Valérien.
Le lendemain, les Allemands dispersent les vingt-sept corps dans neuf cimetières des environs. Le dimanche suivant, malgré les interdictions, des fleurs sont déposées à l'emplacement des neuf poteaux par la population de Châteaubriant et de ses alentours.
Dans le discours prononcé par le maréchal Pétain à la radio le soir du 22, nulle condamnation de ces exécutions. Il dénonce au contraire les auteurs d'attentats et enjoint aux Français de se dresser contre eux en les poussant à la délation : "Par l'armistice, nous avons déposé les armes. Nous n'avons plus le droit de les reprendre pour frapper les Allemands dans le dos… Aidez la justice. Je vous jette ce cri d'une voix brisée : ne laissez plus faire de mal à la France."
Le 23 octobre, le secrétariat général à l'information diffuse un communiqué destiné à apaiser les esprits : "Il est établi que les autorités occupantes ne choisissent pas les otages destinés à être exécutés parmi les personnes arrêtées après un attentat, mais parmi les suspects internés dont la culpabilité a été nettement prouvée".
Le 24 octobre, cinquante otages sont fusillés à Souges, près de Bordeaux, à la suite de l'attentat du 21 octobre contre le conseiller militaire Reimers.
Alors que l'autorité allemande pensait faire de la fusillade de Châteaubriant un exemple, elle obtient l'effet inverse. Partout, cette exécution suscite l'indignation et la colère. Elle frappe de manière irréversible la conscience des habitants de la région et l'ensemble de la population française, jouant un rôle important dans la mobilisation des énergies pour combattre l'occupant. Son retentissement est considérable dans le pays comme à l'extérieur.