KHARTOUM (AFP) — Vêtus de tuniques immaculées, un foulard passé en turban autour de la tête, des hommes âgés chantent leurs "martyrs" sous une musique douce et entraînante: le Parti communiste soudanais entame son premier congrès depuis...1967, époque de l'ancienne Union soviétique.
"C'est un moment très émouvant. Cela fait plus de 40 ans que nous ne nous étions pas réunis", lance Siddig Youssef, peau noire, quelques dents en argent, et membre de la direction cette petite formation qui a travaillé dans l'ombre pendant la majeure partie des quatre dernières décennies.
Dans le centre des congrès de Khartoum, sur la rive orientale du Nil, plus de 1.000 personnes - dont 400 délégués du parti - scandent des slogans en arabe, loin des mises en scène soviétiques.
"Le combat des Soudanais pour la liberté et une meilleure vie", répètent des participants, encouragés par un jeune animateur à la voix amplifiée par les haut-parleurs tonitruants qui prend la parole entre les discours et la chorale.
De vieux amis se font l'accolade traditionnelle au Soudan, la main droite touche l'épaule du voisin, avant de lui serrer la main. "Je suis membre du parti depuis 1972 et c'est mon premier congrès... J'ai vu un tas de vieux amis qui ont maintenant des cheveux gris, comme moi", dit à l'AFP un délégué venu de Juba, à quelque 1.000 kilomètres au sud de la capitale.
Le Soudan, pays de quelque 40 millions d'habitants à l'histoire émaillée de conflits internes - dont celui au Darfour (ouest) où 300.000 personnes sont mortes depuis 2003 selon l'ONU, 10.000 assure le gouvernement - compte plus de 70 partis politiques ou factions.
Fondé en 1946, le parti communiste avait tenu son dernier congrès général en 1967. Des membres du parti avaient soutenu le coup d'Etat de Gaafar Nimeiri, porté au pouvoir par l'armée en 1969. Mais la formation s'était rapidement scindée entre les pro-gouvernement et les opposants au régime.
Ces derniers avaient tenté en vain un coup d'Etat contre Nimeiri en août 1971. Après cet échec, le secrétaire général du parti communiste, Abdel Khalek Mahjoub, avait été exécuté, devenant un "martyr" de la formation, dont la mémoire a été honorée ce week-end.
Après Nimeiri, renversé en 1985, les communistes se sont heurtés, à partir de 1989, au gouvernement islamiste du président Omar el-Béchir.
Mais l'accord de paix entre le Nord et le Sud du Soudan en 2005 a permis à une pléthore de petits partis de sortir de l'ombre et de militer en toute légalité. Les communistes ont aujourd'hui trois sièges à l'Assemblée nationale.
Au congrès, où la moyenne d'âge oscille autour de la soixantaine, une poignée de jeunes s'identifient au parti communiste. "C'est une façon de lutter pour la justice et contre un régime corrompu", pense Amged Farid, un médecin de 25 ans disant provenir d'une riche famille locale.
Nafie Ali Nafie, l'assistant du président Omar el-Béchir, Sadiq al-Mahdi, ancien président à la tête du parti Umma, Mohammed Osman al-Mirghani, chef du parti unioniste démocrate, et des membres de la formation de l'opposant islamiste Hassan al-Tourabi, ont assisté à l'ouverture du congrès communiste.
Les délégués doivent discuter jusqu'à lundi de l'unité nationale du Soudan, de la situation au Darfour et du nom du parti. Certains trouvent qu'il n'est plus à la page en 2009. Ils voudraient troquer "communiste" pour "socialiste".