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05/12/2025

Édouard Bénard, député PCF : Emmanuel Macron chef de guerre

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Membre de la commission de la Défense de l’Assemblée nationale, le député PCF Édouard Bénard s’inquiète des discours guerriers d’un pouvoir en mal de soutien populaire.

Le parlementaire communiste alerte devant la montée des discours guerriers de la part de l’exécutif et de l’armée, et dénonce l’absence de débat démocratique sur le sujet en France, au Parlement et dans l’ensemble de la société.

Le chef d’état-major des armées, Fabien Mandon, a invité les maires à préparer la France à « accepter de perdre ses enfants ». Que vous inspirent de tels propos ?

Édouard Bénard

Député PCF et membre de la commission de la Défense de l’Assemblée nationale

Cette déclaration est insupportable. Les forces armées répondent au politique et non l’inverse. Or nous avons un chef d’état-major des armées qui s’exprime à la première personne devant des élus de la République, qui insiste sur l’urgence de la situation, sur la base de faits non étayés et sur ce qu’il en sait à partir de faits classés secret-défense.

Que vous dit-on de la « menace russe » en commission de la Défense de l’Assemblée ?

Il existe un problème démocratique, typiquement français en Europe : la commission de la Défense est cantonnée aux problèmes logistiques. Le Parlement est trop peu consulté tant sur les ventes d’armes que sur la stratégie géopolitique, qui est la chasse gardée du président. Concernant la menace, il y a ce que nous en savons sur le fond : l’Ukraine a été victime d’une agression territoriale de la part de la Russie. Mais les propos du général Mandon ne sont pas si surprenants.

Ils s’inscrivent dans une stratégie d’« effet drapeau » (la recherche d’un plus fort soutien au gouvernement en période de crise internationale – NDLR) afin de renforcer l’Otan. C’est déjà ce qu’avait tenté de faire le secrétaire général de l’Alliance atlantique, Mark Rutte. Il y a un an, celui-ci prétendait que, sans augmentation des budgets de la défense, nous devrions « suivre des cours de russe à la maison ou déménager en Nouvelle-Zélande ». Finalement, le chef d’état-major des armées et l’exécutif s’affichent en laquais de Washington, sans faits étayés devant la représentation nationale et encore moins devant la nation.

Il est dit que la Russie pourrait défier un pays de l’Otan dans les quatre à cinq ans à venir. Est-ce crédible ?

Cela me paraît peu crédible. La Russie est une puissance nucléaire. Nous sommes une puissance nucléaire. Personne n’a intérêt à déclencher une guerre nucléaire. Pour autant, cela justifie justement la nécessité de sortir de l’Otan, voire sa dissolution. Cela devient une urgence politique pour la souveraineté de nos nations, pour le pouvoir de vivre de nos peuples et pour la survie de l’humanité. La situation géostratégique est variable selon le personnage qui se trouve à la tête de la première puissance de l’impérialisme. Depuis l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, nous voyons d’un mois sur l’autre que nous servons de variable d’ajustement au sein de l’Otan.

Le projet d’augmenter le budget de la défense de 6,7 milliards d’euros en 2026 est-il nécessaire ?

Je suis face à un paradoxe. Je suis dans la seule commission où un parlementaire communiste vote contre le budget parce qu’on y met trop de moyens. L’exécutif incite à une augmentation énorme du budget de la défense au nom d’une prétendue autonomie stratégique. Or il n’en est rien : Eolane, producteur de cartes électroniques, est placé en liquidation judiciaire ; le marché du supercalculateur de nos armées n’est pas confié à une industrie européenne telle qu’Atos, qui est démantelé, mais à HP, société américaine, donc soumise au Cloud Act1.

Ils ont beau agiter le drapeau de l’autonomie stratégique, ils laissent fuir Vencorex, une entreprise à usage civil et militaire. Nous étions bien seuls à parler de nationalisation. Et je rappelle que nous n’avons pas de base de défense sans acier, or nous voyons bien avec Arcelor que tout cela est complètement hypocrite.

Le service militaire volontaire annoncé par Emmanuel Macron jeudi 27 novembre répond-il aux besoins ?

Il y a certainement un besoin. Mais ce qui est annoncé n’y répond pas. On parle de 3 000 volontaires pour un service exclusivement militaire. Nous sommes contre cette proposition, qui intervient après des discours martiaux. À défaut d’être un chef d’État, Emmanuel Macron se rêve en chef de guerre. Cela correspond à l’« effet drapeau » déjà évoqué et qui est l’apanage d’un pouvoir en mal d’assise populaire. À défaut d’offrir un horizon aux jeunes, on leur offre un treillis.

Nous avons en réalité besoin d’une défense nationale au sens où l’entendait Jean Jaurès : au nom de l’idéal démocratique, patriotique, une défense à gestion démocratique. D’où l’importance de la conscription. Pour notre part, nous proposons un vrai service national obligatoire, donc mixte socialement et en termes de genre. Mais ce service ne serait pas que militaire. Il s’inscrirait dans un parcours professionnel de formation et ne serait pas source d’éloignement familial.

Il ne faut pas oublier que le préalable à la cohésion nationale est le pacte social républicain. Le premier réarmement est de mettre des soignants dans nos hôpitaux, des enseignants dans nos écoles. On ne peut demander à des jeunes de s’engager pour un État dont ils ne connaissent pas la boussole, qui ne leur promet rien et qui les instrumentalise par la peur.

De quoi a besoin l’armée ?

Emmanuel Macron, en se déclarant favorable à une forme de service militaire, disait qu’il fallait réparer le lien armée-nation. Je le crois. Avoir une armée exclusivement professionnelle, presque discrétionnaire, a fait beaucoup de mal. Le regard démocratique sur l’armée participe à la résilience et à réparer ce lien. Il est nécessaire au nom de notre souveraineté et de notre indépendance diplomatique.

Mais nous allons dans les faits dans un tout autre sens. Il y a un mois a été publié un décret qui recrée un système de mercenaires. Il autorise l’assistance aux armées par des opérateurs économiques de référence capables de seconder ou de se substituer aux forces armées dans certaines missions. Même le régalien va être, sans contrôle démocratique, confié à des sociétés privées.

Les discours martiaux présentent-ils un risque d’engrenage ?

Bien sûr. L’Union européenne, de plus en plus fédéraliste et militarisée, est servile en ce moment. On se trouve dans un climat de guerre froide. Les dirigeants ont adopté une certaine pédagogie de la guerre qui nourrit l’escalade dans une logique de blocs qui est dangereuse. Une politique est un choix. Et le choix fait par Emmanuel Macron est clair : celui de l’économie de guerre. C’est un changement de société et d’état d’esprit. On sacrifie les travailleurs sur l’autel d’intérêts financiers qui ne sont pas les nôtres.