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09/06/2012

Margaux Ruellan. Au Québec, les casseroles tonnent le réveil politique de tout un peuple

canadaetudiants4.jpgÀ l’heure où j’écris ces lignes, il résonne, dans le ciel de 
Montréal, des sons étranges 
et dissonants. Des femmes 
et des hommes, des personnes âgées 
et des jeunes, des parents et des enfants sortent sur le pas de leur porte et frappent sur des casseroles.

Ils s’expriment contre la politique néolibérale et 
autoritaire de Jean Charest, premier ministre du Québec. Ils tapent sur leurs casseroles pour protester contre 
les dispositions de la loi 78, une loi 
qui déclare illégale toute manifestation spontanée de plus de 50 personnes, 
et qui retire le droit de grève 
aux organisations étudiantes. 
Ils mettent en scène le pacifisme de cette 
contestation, condamnant ainsi 
la violence policière.

Certes tout cela paraît très enfantin, quelque peu ludique et naïf. Qu’est-ce qu’une casserole peut bien faire face à la loi de ceux qui détiennent à la fois le pouvoir politique, le contrôle des médias et la force policière ?

Les Québécois auraient-ils troqué le combat politique contre la fête ? Prêtez-y attention et vous verrez que, comme au Chili, un miracle s’est produit au Québec : la casserole est devenue une arme redoutable ! 
Cet objet anodin et universel, symbole du foyer chaleureux, devient l’outil de la lutte populaire. Puisque les mots des étudiants, des intellectuels et des poètes n’ont pas été écoutés, puisque 
les performances artistiques et les spectacles de l’imaginaire n’ont pu émouvoir les puissants, puisque les rassemblements massifs et répétés de 300 000 citoyens dans les rues de Montréal ont été passablement ignorés, le peuple sort l’artillerie lourde : il reprend possession de son lieu de vie quotidien par le bruit, et lui redonne un sens politique.

Chaque soir, les casseroles tonnent le réveil politique de tout un peuple. Dans tous les quartiers, elles sonnent l’appel à la contestation, et rassemblent, aux carrefours et sur les places, des voisins qui se découvrent et partagent le pouvoir citadin de protester dans l’espace qu’ils habitent. 
Puissants, prenez garde : 
la Belle Province carillonne !

 Margaux Ruellan, doctorante en philosophie à l’Université de Montréal (canada).

Témoignage publié par le journal l'Humanité