"Le courage et la dignité du peuple grec face au chantage et à l’injustice est un message de résistance et d’espoir pour toute l’Europe. (09/07/2015)

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Débat sur la Grèce à l'Assemblée nationale. Intervention André Chassaigne mercredi 8 juillet 2015.
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Chers collègues,
 
Nous vivons un moment historique : la politique et la démocratie sont de retour en Europe !
Le courage et la dignité du peuple grec face au chantage et à l’injustice est un message de résistance et d’espoir pour toute l’Europe.
Les Grecs ont dit « Non » aux diktats de la Troïka, « Non » à l’Europe de l’austérité aveugle, générale et absolue, « Non » à l’Europe des financiers, principaux responsables de la crise qui frappe l’Europe des peuples.
 
La Grèce a dit « Non » aux humiliations. Elle a refusé de courber l’échine et relevé la tête.
Le peuple grec a signifié, en notre nom, qu’il est insupportable de voir M. Juncker, organisateur de la fraude et l’évasion fiscales lorsqu’il était premier ministre au Luxembourg, jouer les pères-la-vertu. 
Qu’il est insupportable de voir M. Draghi et la BCE se montrer inflexibles, alors même que l’actuel président de la BCE était responsable de Goldman Sachs en 2006 et a contribué à falsifier les comptes de l’État grec pour favoriser son entrée dans l’euro. 
Qu’il est encore plus insupportable de voir Mme Lagarde aussi intransigeante pour 1,6 milliard d’euros dus au FMI, alors qu’elle était si conciliante avec Bernard Tapie quand elle était ministre de M. Sarkozy.
 
Le dogmatisme n’est pas du côté de Tsipras, comme certains voudraient le faire croire. Il est de celui d’une Troïka autiste qui impose un cadre austéritaire et rigoriste, sans possibilité de négociation. 
A l’inverse, le gouvernement grec ne cesse de chercher la voie du dialogue et du compromis. 
 
Alexis Tspiras n’est ni radical, ni irresponsable.
Il n’est pas pour le statu quo. 
Son programme prévoit des réformes fiscales et économiques d’importance.
Il propose des mesures fortes de lutte contre la corruption et la fraude fiscale.
Il entend faire tomber les cartels et rétablir la justice sociale, dans un pays où 10% de la population détient 56% de la richesse nationale.
Il ne demande pas l’effacement de la dette, mais son rééchelonnement.
 
Il ne parle pas de quitter la zone euro, mais souhaite clairement continuer à négocier avec les créanciers de la Grèce.
Son sens des responsabilités et son volontarisme se heurtent aux ultimatums successifs de l’Eurogroupe et à une intolérable opération de diabolisation. Notre ministre de l’économie en a fourni une illustration en comparant Syriza au Front national. Quel manque de culture historique et politique ! 
Le référendum de dimanche dernier a révélé la vraie nature de la crise européenne. Elle n’est pas économique et financière. Elle est idéologique et politique.
 
Ce que craignent les dirigeants européens, c’est une contagion politique du référendum de dimanche, qui verrait les peuples reprendre le pouvoir pour mettre fin aux politiques d’austérité. Le processus est pourtant enclenché. Après la Grèce, le mouvement Podemos, en Espagne, prend le relais et montre la voie en remportant des victoires significatives à Madrid et Barcelone.
 
Avec le résultat d’un référendum populaire en sa faveur, le gouvernement grec revient à la table des négociations, fort d’une légitimité renouvelée. 
 
Néanmoins, l’hypothèse d’une sortie de la zone euro – qui n’a jamais été évoquée par les Grecs – est un spectre que certains, l’Allemagne en particulier, aiment agiter.
Il revient à la France de faire entendre raison à la chancelière Angela Merkel qui se comporte comme si la zone euro était son domaine réservé.
Sa rigidité sur la question du remboursement de la dette grecque n’a d’égale que l’ignorance de l’histoire récente de l’Allemagne.
 
Faut-il rappeler que notre voisin a bénéficié d'une restructuration de sa dette au sortir de la guerre, qui lui a permis de remettre son économie sur les rails ?
Comme l’a souligné fort justement l’économiste Thomas Piketty, l’Allemagne est le «  meilleur exemple d'un pays qui, au cours de l'histoire, n'a jamais remboursé sa dette extérieure, ni après la Première, ni après la Seconde Guerre mondiale. [...] L'Allemagne est LE pays qui n'a jamais remboursé ses dettes. Elle n'est pas légitime pour faire la leçon aux autres nations.».
Pourquoi ce qui a été fait, hier, pour l'Allemagne, ne le serait pas, aujourd'hui, pour la Grèce ?
 
Monsieur le Premier ministre, sachez-le, la sortie de la Grèce de la zone euro n’est pas la solution.
Comme nos prédécesseurs ont pu le faire au moment de la renégociation de la dette allemande, nous devons faire preuve d’audace.
Il faut accepter d’ouvrir dès à présent le dossier de la restructuration de la dette grecque, sans laquelle aucune solution durable ne pourra être trouvée.
 
Il faut aussi que notre pays obtienne l’inscription, à l’agenda européen, d’une grande Conférence européenne sur la dette, réunissant décideurs politiques et société civile pour restructurer durablement une dette publique européenne qui sert de prétexte à la mise sous séquestre des droits des peuples. 
 
Il est aujourd’hui indispensable de convertir la dette grecque, d’en allonger l’échéance, afin de libérer l’économie grecque du poids des intérêts et des remboursements qui bloquent son redressement ;
 
Il faut ensuite cesser de privilégier le remboursement des créanciers au détriment de la relance de l’économie grecque. Cela passe par des investissements opérationnels, la construction d’une administration et d’un système fiscal modernes, la remise en état de marche du système de santé, la relance de l’éducation...
 
L’Europe en a les moyens, la BCE en a les moyens. Depuis le 22 janvier, elle crée chaque mois 60 milliards d’euros par son nouveau programme de quantitative easing avec l’objectif d’aller jusqu’à 1 140 milliards. 
Au lieu de les injecter sur les marchés financiers, elle devrait mobiliser son formidable pouvoir de création monétaire pour la mise en place d’un Fonds de développement économique, social et écologique européen.
 
La BCE, le FMI et les chefs de gouvernements européens s’y refusent. Ils ont terriblement peur que Syriza démontre qu’une autre politique est possible en Europe et ils semblent même prêts, pour l’en empêcher, à pousser la Grèce hors de l’euro.
 
Pour la droite européenne, à laquelle les sociaux-libéraux emboitent le pas, il semble même plus facile d’éjecter la Grèce hors de l’Europe que de gérer son maintien dans la zone euro.
 
Peu importe que le gouvernement grec ait déjà renoncé à de grandes parties de son programme. Les dirigeants européens se montrent inflexibles et se rangent derrière l’Allemagne pour ne pas prendre le risque d’affaiblir Angela Merkel qui a pris l’engagement démagogique devant les allemands qu’il n’y aurait pas un euro de plus pour la Grèce. Pour éviter de déstabiliser la coalition au pouvoir en Allemagne, il faut, comme le remarquait Romaric Godin dans La Tribune, « absolument accabler la Grèce, en affirmant qu'elle est seule responsable de ses maux, qu'elle est irréformable et que son gouvernement est aux mains d'extrémistes démagogues… »
 
La France ne peut se permettre d’être passive, de manquer d’ambition comme ce fut le cas, en 2012, avec la capitulation devant l’exigence d’une renégociation du TSCG !
 
La France, deuxième puissance du continent, peut et doit jouer un rôle majeur dans les négociations. Elle ne peut se résigner à voir le projet européen devenir la propriété des fanatiques de l’orthodoxie, qu’ils soient d’outre-Rhin ou d’ailleurs.
 
En France comme en Europe, les politiques budgétaires restrictives n’ont pas produit les effets attendus : nombre de nos concitoyens ont vu leurs impôts augmenter, les prestations dont ils bénéficient diminuer, les salaires stagner, un chômage de masse endémique s’installer. 
 
Les inégalités ne cessent de se creuser partout en Europe, avec un taux de pauvreté inégalé en Allemagne, mais avec aussi des riches de plus en plus riches. Alors que la dette française a été multipliée par huit en trente ans, le patrimoine des 1 % les plus riches a été multiplié par dix, les deux chiffres s’établissant à un peu plus de 2 000 milliards d’euros. 
 
Monsieur le Premier ministre, 
En ces moments de crise, la France doit être à la hauteur et ne peut être spectatrice de la tragédie grecque.
Nous regrettons que le débat auquel nous sommes conviés aujourd’hui ne soit pas sanctionné par un vote. 
Il appartenait au Parlement de confier un mandat de négociation clair à l’exécutif.
Il revient en effet au gouvernement ainsi qu’au président de la République, François Hollande, de faire entendre une autre voix, une voix claire et forte pour rompre avec la logique folle de l’orthodoxie financière. 
Il lui revient et il vous revient de faire respecter le choix du peuple grec et de rappeler avec gravité que la France n’hésitera pas à opposer son veto à toute tentative d’exclusion de la Grèce de la zone euro.
Non au « Grexit ».
Il en va de l’honneur de la France.
 
 
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