LOGEMENTS / SEUL LE PARTI COMMUNISTE EST COHERENT (05/12/2007)

Article publié dans les Echos
4058a55e38b5effde68b74f6ada2c6ec.jpgComme tout le monde ou presque le sait, les loyers des logements locatifs sont déterminés sur un marché. La hausse des loyers ne procède pas de la volonté rapine des propriétaires, mais d'une simple logique d'offre et de demande, perturbée, on y reviendra, par des régulations initiées par le législateur au gré des alternances et des coups médiatiques.

Quand l'offre de logement stagne et que la demande augmente, à cause des évolutions démographiques, les loyers augmentent. Lorsque l'offre locative augmente, par exemple parce que les propriétaires hésitent moins à mettre leur bien en location, ou que les maires libèrent du foncier constructible, les prix baissent.

Dans un bel ensemble unanime, le président de la République, certains socialistes et le Parti communiste trouvent que le prix des loyers est trop élevé (ils ont raison) et qu'il faut, pour le premier et les seconds, limiter les augmentations des loyers en les indexant sur la hausse des prix à la consommation ; et pour le dernier, bloquer les loyers.

Seul le Parti communiste est cohérent intellectuellement : dans une économie, on peut bloquer les loyers si on refuse la logique du marché et qu'en même temps on impose des constructions nouvelles aux propriétaires ou qu'on nationalise le logement.

En revanche, les deux premiers sont moins clairs. Limiter les hausses des loyers, c'est à coup sûr casser le thermomètre (les prix) pour ne pas voir la température monter (le déficit d'offre). En réalité, on peut nuancer légèrement : on sait qu'à court terme, l'offre de logement est inélastique : l'offre locative réagit peu à la hausse, car il faut du temps pour mettre de nouveaux logements en construction. Faire baisser les prix ou limiter leur hausse aura un effet distributif en faveur des locataires. Mais, à moyen terme, indexer les loyers sur l'inflation et pas sur les coûts de construction revient à diminuer un peu plus l'offre potentielle. C'est agir en situation d'urgence dans un marché qui réclame des mesures de bon sens et de long terme.

Or, parmi les autres mesures prises, il y a celle de l'abaissement des dépôts de garantie à un mois. Cela permettrait la fluidité du marché du côté des locataires (il devient plus facile de déménager si les sommes à avancer sont plus faibles) si, en contrepartie, les propriétaires pouvaient sécuriser leur location avec des assurances impayés, dégâts, et surtout ne pas perdre une année ou plus en contentieux en cas de litige avec un locataire indélicat. Or, si sur les deux premiers points on tente de faire payer à la collectivité le coût de l'assurance impayée en socialisant les pertes éventuelles (et il est à parier qu'on observera une lente mais sûre dérive des impayés quand c'est la collectivité qui les prend en charge), sur le dernier point, on n'a pas le courage politique de tenter la vraie réforme du marché locatif : augmenter la vitesse de jugement dans les procédures de contentieux locatif et surtout améliorer l'exécution des jugements ; ne pas utiliser les enquêtes sociales pour retarder le départ des lieux d'un mauvais payeur, mais uniquement pour donner priorité au relogement grâce au parc social fluidifié (comprendre, réservé aux demandeurs en situation réelle de besoin) et en donnant un rôle renforcé aux associations pour l'aide d'urgence ; enfin, discuter de la nécessité de conserver un caractère systématique de la trêve hivernale pour laisser le juge décider au cas par cas de l'opportunité de son application et la refuser en cas de mauvaise foi évidente.

A force de se défausser sur les propriétaires en leur demandant de jouer le rôle de coussin social qui doit normalement revenir aux associations, à l'Etat et aux collectivités locales, on force ces propriétaires à sélectionner avec très grand soin les locataires et à exiger des cautions sans cesse plus importantes.

En clair, le train de mesures qui vient d'être pris ressemble à un malentendu entre des dirigeants qui ne comprennent pas ou feignent de ne pas comprendre le fonctionnement des marchés et un marché qui va, sans coordination aucune, continuer à évincer du logement locatif privé les moins favorisés. Ce ne serait pas un drame si le logement social était fluide et suffisant. Mais on ne peut pas vraiment prétendre que cela soit le cas. Et personne n'a confiance dans la loi sur le droit au logement opposable à régler le problème, c'est un euphémisme que de le dire.

En revanche, une politique d'offre locative privée, assortie d'une réforme immédiate du bail, quitte à l'expérimenter dans quelques endroits, et un renforcement du logement d'urgence géré par les acteurs locaux et associatifs, voilà le bon cocktail de flexicurité.

ÉTIENNE WASMER est professeur à Sciences po Paris. Il est l'auteur de « Pour une réforme radicale du droit du logement ». En temps réel, cahier 27, janvier 2007. http://en.temps.reel. free.fr/cahiers/cahier27.pdffff

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