La France rouge. Un siècle de luttes, de combats, de tumultes et d’espoirs communistes (23/12/2011)
IDEE CADEAU
Combien d'historiens n'ont-ils pas fait ce rêve : fouiller dans les archives du Parti communiste français, lire les correspondances de militants qui tranchent parfois avec les communiqués officiels, retrouver les anciens tracts ou les documents personnels, bref s'immiscer dans les arcanes d'un des partis politiques les plus secrets et, pour tout dire, les plus obscurs ?
Ils en rêvaient, Bruno Fuligni l'a fait. Cet historien, qui dirige la Mission éditoriale de l'Assemblée nationale, aime à remuer les vieux cartons et à dépouiller les liasses poussiéreuses. Pour cet ouvrage, il a exploré les fonds des archives départementales de la Seine-Saint-Denis ainsi que ceux du musée de l'Histoire vivante à Montreuil. Le PCF ?
Autant dire près d'un siècle d'histoire où la politique se mêle au social, où les protocoles sont parfois aussi rigides que les doctrines et où la sincérité voisine avec les mensonges.
C'est une histoire palpitante que celle de cette « France rouge », où les fac-similés ont encore l'odeur de l'encre et où des lettres tantôt poignantes, tantôt savoureuses rappellent combien ce parti qui culminait (jadis) à près de 20 % aux élections était porté par un peuple de militants fidèles ou aveugles.
Si une première partie, pédagogie oblige, évoque les origines du communisme, disons les idées de gauche depuis la Commune de Paris, celle qui commence avec la création du PCF en décembre 1920 rappelle des séquences émouvantes ou douloureuses : le Front populaire, la guerre d'Espagne, le pacte germano-soviétique et la Résistance puis la guerre froide.
Les documents reproduits (une centaine), palpables en fac-similé, sont étonnants : le premier numéro de L'Humanité d'avril 1904, la lettre d'un militant furieux du dessin de Picasso représentant Staline, ou encore le questionnaire biographique de Georges Marchais rempli par ses soins ! Un superbe ouvrage à suggérer au père Noël au manteau... rouge.
Gilles Heuré
Publié par Télérama
ENTRETIEN REALISE PAR L'HUMANITE
Membre du comité exécutif national du PCF et responsable des archives, Frédérick Genevée signe la préface de la France rouge : un « livre objet » grand public, composé d’une centaine de documents historiques, qui retrace un siècle d’histoire du communisme.
Avec la France rouge, les archives du PCF sont utilisées dans un ouvrage qui s’adresse au grand public. Est-ce la première fois et qu’en pensez-vous ?
Frédérick Genevée. Les archives du PCF fascinent et il en est souvent question dans la presse depuis leur ouverture en 1993. Elles sont de plus en plus utilisées par les chercheurs qui travaillent bien évidemment sur le PCF et le communisme, mais plus largement par ceux qui s’intéressent à l’histoire de France. Mais il était temps de permettre au plus grand nombre de se faire une idée de leur originalité et de leur richesse. Il y a bien sûr déjà eu des publications de documents dans des revues historiques et même des reproductions de collections en fac-similés, je pense notamment à l’édition de l’Humanité clandestine, mais c’est la première fois que l’on va pouvoir avoir entre les mains une telle diversité de documents dont certains sont totalement inédits. Il faut aussi mentionner que les archives du PCF ont été complétées par celles d’autres centres : musée de l’Histoire vivante à Montreuil, musée de la Résistance nationale à Champigny, IHS-CGT, archives municipales d’Ivry-sur-Seine…
Comme responsable des archives du PCF et historien qui publie bientôt un ouvrage sur leur histoire (1), quel regard portez-vous sur cet ouvrage ?
Frédérick Genevée. En tant que responsable des archives du PCF, j’ai répondu positivement à la sollicitation de l’éditeur et de l’auteur. Mais nous avons convenu d’un principe fort. Il s’agissait de leur livre et non de celui du PCF. Simplement parce que le PCF récuse toute forme d’histoire officielle et même institutionnelle. Bruno Fuligni est donc le seul auteur de cet ouvrage. Mon rôle s’est limité à lui permettre d’accéder aux documents conservés aux archives départementales de la Seine-Saint-Denis ou au siège national du PCF. J’ai trouvé que l’idée d’un livre objet était non seulement une bonne idée en général mais que c’était une forme adéquate, en particulier pour parler du communisme. Ce courant politique a cela de particulier qu’il a suscité un militantisme extraordinaire qui s’est incarné dans des femmes et des hommes mais aussi dans des objets. Rendre compte en grandeur réelle d’objets militants, de documents intimes, d’archives de direction donne à voir l’épaisseur de cette histoire et ce qu’elle représente en France. Évidemment, ce parti pris peut donner lieu à des simplifications pour certaines périodes mais l’ouvrage montre bien que le communisme est un fait humain total : politique, social et culturel. Et si cet ouvrage expose les liens du PCF au camp socialiste, au stalinisme, car c’est son histoire, il montre aussi que ce parti plonge ses racines dans l’histoire du XIXe siècle et qu’il n’est pas né en 1920 d’une simple initiative russe.
En quoi ce livre peut-il contribuer à la réflexion d’aujourd’hui ?
Frédérick Genevée. Je crois qu’il faut distinguer l’histoire de la politique. Toute forme d’instrumentalisation est vaine et inefficace. L’histoire peut simplement aider à comprendre, à éclairer des choix, elle ne les remplace pas. Si le PCF existe toujours actuellement, ce n’est pas à cause de son histoire mais bien de ses choix politiques. Il en va de même pour son avenir… Il n’y a pas de scoop dans ce livre, simplement des documents significatifs d’une trajectoire historique, on pourrait en trouver bien d’autres. Ce livre n’est pas à prendre ou à laisser et permet le débat. Il donne le goût d’en savoir plus, il est un facteur d’éducation populaire, suscite l’envie de se confronter aux travaux scientifiques. Sa forme originale peut toucher les plus jeunes et leur faire découvrir un continent. J’espère qu’il aiguisera aussi l’intérêt des militants, de leur famille, à prendre soin de leurs vieux documents, de leurs vieux objets et même de les confier aux institutions qui peuvent les conserver dans de bonnes conditions. Le PCF fut le principal vecteur de la politisation populaire en France. Cet ouvrage le montre et, à sa manière, y contribue aussi.
(1) La Fin du secret, histoire des archives du PCF, de Frédérick Genevée. Éditions de l’Atelier, à paraître le 16 février 2012.
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