Afghanistan : une politique atlantiste dangereuse... (02/04/2008)

mercredi 2 avril 2008

742462088.jpgMépris du parlement, dérive atlantiste, instrumentalisation du terrorisme au lieu de voir que ce qui arme le terrorisme ce sont les déséquilibres économiques et sociaux.... Jean-Claude Sandrier, député du Cher (groupe ) a dénoncé hier à l’Assemblée nationale la politique militaire de la France pour la France et le monde à l’occasion du débat sur le renforcement de l’intervention française en Afghanistan.

Il serait intéressant de savoir si depuis la croisade américaine il y a dans le monde, moins de morts du fait du terrorisme ? inefficacité -bien au contraire- de la croisade américaine contre le terrorisme alors que combattre ce qui le fait naître et prospérer.

Nous sommes probablement une des rares démocraties pour laquelle une intervention militaire à l’étranger, sa poursuite, l’accroissement envisagé de ses moyens ou encore la création d’une base importante dans un autre pays, ne puissent faire l’objet d’un débat au Parlement sans une demande réitérée et pressante de l’opposition, et ne parlons même pas d’un vote qui reste aujourd’hui interdit"

Autrement dit Monsieur le 1er Ministre, vous n’êtes pas capable d’anticiper de 2 mois, le texte de loi sur les institutions qui va venir en débat en mai à l’Assemblée Nationale et qui prévoit que lorsqu’une intervention militaire extérieure excédera 6 mois, sa prolongation devra être autorisée par le Parlement et ceci par un vote. Il y a tout de même de quoi s’inquiéter sur la crédibilité de ce texte.

Il est vrai que pendant les 6 premiers mois d’une intervention militaire le Parlement n’aura pas voix au chapitre, il pourra seulement être informé peut-être avec un débat mais sans vote.

Que de subtilités pour arriver en fait à limiter le droit du Parlement de s’exprimer et voter sur la pertinence politique d’un engagement militaire.

Le 2ème point que je voudrais souligner au nom du Groupe de la Gauche Démocrate et Républicaine, c’est la dérive atlantiste d’un Président de la République dont je ne suis pas sûr qu’il ait été mandaté pour cela.

Dérive atlantiste qui s’est manifestée à plusieurs reprises.

D’abord par une cour à G. Bush totalement à contretemps. A contretemps de l’évolution de l’opinion des américains eux-mêmes et de l’opinion mondiale concernant la stratégie dangereuse du Président des Etats-Unis. A contretemps aussi car dans 10 mois, Mr Bush ne sera plus le président des Etats-Unis.

Dérive atlantiste car le Gouvernement soumet complètement la construction d’une politique de Sécurité et de Défense Européenne à une intégration plus forte pour ne pas dire totale de la France dans l’OTAN alors même que la seule justification à l’existence d’une politique de Sécurité et de Défense européenne c’est son autonomie et son indépendance. Sinon elle n’a pas de sens.

Dérive encore accrue, quand, sans débat, la France prévoit l’implantation d’une nouvelle base militaire face à l’Iran, s’engageant un peu plus -là aussi- dans les espaces de guerre américains.

Enfin et pour ne pas allonger la liste, dernier avatar de cette dérive atlantiste qui confine à une soumission aux souhaits ou enjeux américains, c’est la volonté d’envoyer 1000 hommes supplémentaires en Afghanistan (60% des effectifs en plus !).

- S’agit-il de soulager l’effort de guerre des Etats-Unis en Irak ?

- S’agit-il de hâter une solution au problème Afghan alors que tout le monde sait depuis très longtemps que ce type d’intervention se termine par un enlisement irrémédiable et lourd de conséquences dont l’URSS a donné le plus bel exemple ?

- A-t-on mesuré ? A-t-on expliqué aux Français les risques, non seulement pour leurs soldats mais pour la France elle-même, pour son peuple ?

- Et a-t-on dit aux Français comment avec des caisses vides, ils allaient payer cette intervention et ses moyens supplémentaires ?

Alors le Gouvernement s’abrite derrière le combat contre le terrorisme. C’est évidemment un argument qui semble imparable car personne ne soutient le terrorisme qui frappe aveuglement, tue des innocents y compris des enfants.

Mais il serait déjà intéressant de savoir qui arme le terrorisme ? Il serait intéressant de savoir si depuis la croisade américaine il y a dans le monde, moins de morts du fait du terrorisme ?

Bref, il serait intéressant de savoir si ce combat est mené de façon efficace !

Notre réponse est non ! Pourquoi ? Parce que lorsqu’on veut combattre un mal, il faut s’attaquer à ses causes profondes.

Combattre le terrorisme et ce sera le 3ème point de mon intervention, c’est combattre ce qui le fait naître et prospérer.

Pour appuyer mon propos, je ne vais pas vous citer des écrits ou discours de dirigeants du PCF, non je vais vous faire part de la réflexion de hauts responsables de la stratégie dans notre pays s’exprimant devant l’IHEDN (l’Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale).

Que disent-ils ? « Le rouleau compresseur de la globalisation à l’occidentale n’a pas apporté la cohérence escomptée sur la planète »… « Au contraire une déstabilisation profonde du monde est à l’œuvre… le développement d’un fort individualisme est lié à la globalisation » Face à cela, « des contre forces se sont développées ».

Un autre intervenant précisant : « Il faudra peut être trouver autre chose que l’avancée inexorable de la globalisation » (mondialisation capitaliste).

Oui, « le monde est malade » comme l’a fort bien expliqué le sociologue allemand Ulrich Beck.

Il est malade des déséquilibres économiques et sociaux.

Dans les 10 dernières années, la production mondiale a été multipliée par 2, le volume du commerce mondial a été multiplié par 3, dans le même temps il y a eu une progression de 100 millions du nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté.

Il est malade de la pauvreté, il est malade de l’injustice quand les plus riches étalent leur richesse à la face non seulement des plus pauvres mais aussi devant ceux à qui l’ont dit qu’ils doivent faire des efforts car les caisses sont vides.

En France les 500 plus grosses fortunes possédaient l’équivalent de 6 % du PIB il y a 10 ans, aujourd’hui elles en possèdent 15 % !

Cela dit, en France, et dans le monde de plus en plus de personnes s’aperçoivent que si les caisses sont vides, les coffres forts sont pleins !

Imaginer que l’on va régler militairement des problèmes de déséquilibres sociaux et économiques, c’est aller au-devant de conflits encore plus graves, encore plus violents pour lesquels on trouvera tous les prétextes et les plus faux : la faute à la religion, la faute à la civilisation de l’autre qui n’est pas la bonne, à sa culture. Prétextes qui ne serviront en fait qu’à une chose, masquer les raisons fondamentales qui mènent un monde à la dérive.

Oui, s’attaquer aux causes de nos maux, ce n’est pas un problème militaire, c’est un problème de responsabilité politique et de choix politiques.

Une autre politique de Sécurité est possible et heureusement.

Elle doit reposer sur ces quelques grands axes :

1. C’est d’abord une politique de coopération et de développement Elle est aujourd’hui un fiasco à commencer par l’Afghanistan. « Nous devons civiliser la Terre » dit Edgar Morin. Combattre le terrorisme c’est donc d’abord combattre la pauvreté, l’asservissement, le néo-colonialisme, l’humiliation des peuples du Sud et du Moyen Orient. Oui, quand la pauvreté recule la Paix progresse.

C’est assurer une autre répartition des richesses, c’est non pas s’assurer par la force l’accès aux matières premières, c’est se lancer totalement dans un développement respectueux de l’utilisation de ces matières premières, développer la recherche pour trouver et mettre en œuvre de nouvelles sources d’énergies.

Civiliser la Terre, c’est permettre que tous puissent y vivre dignement, il faut donc chasser les prédateurs financiers, ceux qui s’engraissent à des taux de rentabilité irréels sur le travail des autres.

Oui il faut stopper la guerre économique car elle est porteuse de la guerre tout court.

Aujourd’hui redisons-le, les premiers facteurs de déséquilibres, de conflits ce sont le développement des inégalités et les volontés d’hégémonie économique en 1er lieu des dirigeants américains.

2. Une politique de Sécurité doit reposer sur une ONU rénovée, démocratisée avec les moyens de mettre en œuvre ses décisions.

3. Enfin, une autre politique de Sécurité demande de résoudre ces questions qui sont de vraies bombes à retardement :

- la question de l’existence d’un Etat Palestinien à côté d’un Etat Israélien et donc de faire respecter les décisions de l’ONU,

- la question, complètement liée, de la réduction des arsenaux nucléaires et de la non prolifération,

- la question d’un traité international sur le commerce des armes.

Nous sommes non seulement très loin de ces préoccupations lorsque vous souhaitez envoyer 1000 hommes de plus en Afghanistan mais nous nous engageons dans une fuite en avant de la militarisation des rapports internationaux nous soumettant ainsi à la stratégie des Etats-Unis dont on sait non seulement qu’elle met en danger la Paix du monde mais qu’elle ne résout aucun des problèmes qu’elle est censée résoudre.

Nous ne pouvons accepter un tel engrenage dangereux pour le Monde, l’Europe et la France.

Il est regrettable que sur une question aussi grave les représentants du peuple français soient privés du droit de voter. Ce fait est totalement symbolique d’un pouvoir qui fait passer la peur d’être désavoué avant l’exercice, légitime en démocratie, du droit de voter. Et n’allez pas nous sortir le refrain traditionnel que l’envoi des troupes supplémentaires en Afghanistan, alors que 68 % des Français s’y opposent, faisait partie des engagements du candidat Sarkozy, c’est faux ! Cet envoi de troupes est une faute dont nous aurons malheureusement à reparler.

Le groupe de la Gauche Démocrate et Républicaine s’oppose fermement à cette politique de soumission à quelques dirigeants américains portés d’ailleurs essentiellement par leurs intérêts personnels, une politique dangereuse pour le monde et la France.

 

 

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