LE GOUVERNEMENT ET LA LOI DU MARCHE !
01/03/2016
Le projet de réforme du code du travail diminue considérablement la place de la loi et donc de l’Etat dans la régulation du temps de travail, d’une part en élevant les plafonds de travail horaire de la journée, de la semaine, des apprentis et en permettant la modulation du temps de travail sur une période pouvant aller jusqu’à 3 ans contre un an aujourd’hui, d’autre part en confiant de plus en plus le choix de ces horaires aux partenaires sociaux, au niveau de l’entreprise, voire au patron seul dans le cas des entreprises de moins de 50 salariés.
Le gouvernement semble faire sienne cette idée que l’Etat ne devrait pas, ou le moins possible, s’occuper de la durée du travail. Les raisons sous-jascentes à ce choix sont de différents ordres : cela serait illégitime (l’Etat n’est pas là pour ça), inutile (les entreprises et les travailleurs peuvent s’arranger entre eux), voire dangereux (l’Etat perturbe la bonne organisation des entreprises et des travailleurs). En somme, se mêler de la durée du temps de travail reviendrait au fond à perturber une sorte de régulation naturelle optimum et à pratiquer un partage artificiel du travail.
Aujourd’hui le travail est partagé, entre ceux qui travaillent à temps plein en moyenne plus de 39 heures par semaine (Insee), ceux qui travaillent 0 heures, parce qu’ils sont au chômage ou à temps partiel sans pouvoir en vivre. Dans ce partage, le rôle du marché est déjà considérable et il donne un résultat inéquitable. Diminuer encore la place de la loi, limiter les bornes fixées au marché et augmenter la place de la négociation au niveau où les partenaires sociaux, quand ils existent, sont les plus faibles, le tout dans un contexte de chômage massif et durable fait prendre de grands risques à notre société, celui d’augmenter encore le chômage et la précarité, d’affaiblir le lien social et le sentiment d’appartenance à une communauté de destin où chacun à sa place.
En 1950, les Français travaillaient 2230 heures par an, contre environ 1650 aujourd’hui ( Insee 2013). Si les temps-pleins étaient restés les mêmes que dans les années 1950, le travail aurait été concentré au sein d’un plus petit groupe social, mettant une proportion encore plus importante de travailleurs au chômage. Ce qu’un gouvernement de gauche pourrait s’appliquer à faire, dans un dialogue avec les partenaires sociaux, c’est mettre en place une politique de meilleure répartition du temps de travail disponible, en même temps que l’indispensable répartition des richesses.
Barbara ROMAGNAN
Chronique publiée dans L’Humanité le 29 février 2016
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