Télé film / Des gosses qui ont créé l’esprit de résistance !
19/05/2014
«Pourquoi on risque nos vies plutôt que de faire comme tout le monde ? Attendre, vivre, espérer ? » se demande, dès le premier épisode, Sylvette, un des personnages de Résistance. Lili Franchet, l’héroïne, réplique : « Parce qu’on ne peut pas espérer vivre en se contentant d’attendre. » La saga, signée Dan Franck, est dans ces deux répliques : d’un côté, « la peur, la faim, le froid », chez les Français, comme le souligne la jeune comédienne Pauline Burlet qui incarne Lili. De l’autre, des jeunes, voire très jeunes gens, qui dès les premiers mois de l’Occupation nazie se rebellent.
Cette volonté de montrer la jeunesse résistante vient du producteur de la Rafle et de la Môme, Ilan Goldman. « Je suis un immense admirateur de la Résistance et, surtout, de l’esprit de résistance », raconte le producteur dans ses bureaux parisiens à deux pas du musée de l’Homme, où se noue une partie de l’intrigue. « Et j’ai souvent vu des films formidables sur le sujet, mais qui parlent d’une résistance structurée, rompue à toutes les méthodes de clandestinité. J’ai proposé à Dan le point de vue de la jeunesse, parce plus on est jeune, moins on tolère l’injustice. Ces gosses de 15-16 ans, pour la plupart communistes, immigrés, ont créé l’esprit de résistance, qui est simplement de lutter contre l’infamie, contre l’injustice, contre la barbarie, contre le racisme, contre toutes les formes de totalitarisme », ajoute-t-il. Dan Franck approuve : « Dans cette jeunesse-là, il y avait une prise de conscience énorme qui datait de la guerre d’Espagne. »
Dans la saga en six épisodes, presque tous les personnages ont réellement existé. À l’instar du « gosse », René Sénéchal (César Domboy), de Sylvette Leleu (Christelle Cornil), garagiste, de la famille Kirshner, massacrée, ou encore de Jeannot (Tom Hudson), alias Jean Frydman. « On ne voulait pas s’intéresser aux pontes et aux gradés, mais à ceux qui se sont lancés dans cette aventure folle », relève Ilan Goldman. « J’ai donné à des personnages des rôles qu’ils n’avaient pas, des actions que d’autres avaient faites pour les besoins de la fiction, mais ces actions ont toutes existé.
L’invention est dans les agencements, les rencontres avec les personnages pour maintenir le fil de la fiction, mais pas davantage », explique Dan Franck. Les figures connues croisées sont aussi très jeunes : comme celle du colonel Fabien (épisode 3), ou la mère de Thomas Elek, fusillé au mont Valérien comme « terroriste » de la fameuse Affiche rouge, le groupe des FTP-MOI de Missak Manouchian.
La saga commence donc le 11 novembre 1940. Avec un acte de résistance isolé, de la part de deux gamins, Jeannot et Lili. Et se poursuit (voir encadré) avec la manifestation des lycéens et des étudiants. « Coller un misérable tract sur une gouttière, en 1940, ça peut paraître anecdotique. Mais c’était en vérité bien plus risqué que de rejoindre les FTP en 1944 ! Là, c’était dans le sens de l’histoire d’y aller et, on l’a vu après Stalingrad, y compris pour des hommes politiques comme Mitterrand. Mais où est le panache, et l’engagement contre vents et marées ? Celui qui croit, qui s’engage sur tout ce qu’il a ? » s’interroge Ilan Goldman.
Pour Dan Franck, Résistance est « une série sur l’engagement. Pour montrer que la jeunesse n’est pas aussi aberrante, coupée de ses racines, loin politiquement ou socialement de son époque. Ça vaut pour hier comme pour aujourd’hui. C’est une ode à la jeunesse ». « Ça fait du bien de voir des gens, et surtout des jeunes, qui se battent. On a besoin de ça en ce moment », renchérit Pauline Burlet.
C’est TF1 qui a produit la série, après de nombreuses tractations. L’heure n’est guère aux reconstitutions historiques, plutôt chères et mal-aimées, dans les chaînes. C’est le PDG de TF1, Nonce Paolini, « qui vient d’une famille de résistants », souligne Ilan Goldman, qui a accepté le projet. En laissant les mains libres au producteur, pour une fois. « On a fait ce projet à perte. J’ai travaillé six ans dessus. Mais on s’en fout. On a monté ce projet pour les bonnes raisons : rendre hommage à ces gosses ! » lance le producteur. « La quête qui nous anime n’est pas d’être rentables à court terme, c’est de devenir l’histoire de référence. Pas l’histoire officielle, nous n’avons pas cette prétention, et ça me ferait même peur.
Nous voulons juste faire ressentir, avec les tripes, ce qu’a été cette période de l’histoire. » Il voudrait aussi réconcilier le peuple de France avec sa jeunesse : « Ce n’est pas très valorisé d’être jeune en France. Alors que ce sont les plus jeunes qui sont capables de révéler les dysfonctionnements de la société. » Il continue, avec un clin d’œil : « Et puis, il y a aussi la notion d’engagement politique. Je ne serais pas là pour vous parler s’il n’y avait pas eu les communistes. Le communisme a sauvé l’Europe. Je ne suis pas sûr qu’il ait vraiment été récompensé en retour… mais c’est une autre histoire ! »
Coraline Constant pour l'Humanité
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