Mardi 8 mai 1945, l'éditorial de Marcel Cachin
08/05/2014
Par Marcel Cachin, directeur de l'Humanité de 1918 à 1958
Marcel Cachin, Jeudi, 8 Mai, 2014
Mardi 8 mai 1945 ! Une des plus grandes dates de l'histoire universelle !
À Paris, en France, dans l'Europe et dans le monde, des centaines de millions d'êtres humains manifestent une allégresse sans réserve.
Les peuples respirent puisque le fascisme est militairement abattu en Allemagne, puisque l'armée de la Gestapo, des SS et des camps de la mort est militairement sur les genoux.
C'est une victoire qui, par ses conséquences, n'a pas de parallèle dans les siècles passés. En cette journée des perspectives illimitées s'offrent à l'humanité.
Cette victoire sans précédent est celle des peuples eux-mêmes, celle des démocraties dans tout l'univers.
Ce sont les peuples qui l'ont assurée, ce sont les peuples qui se sont sacrifiés pour qu'elle soit complète et qu'elle soit décisive. Ils ont depuis cinq années manifesté hautement leur volonté que la défaite du nazisme soit totale, qu'on ne laisse rien subsister de la barbarie fasciste, qu'il soit interdit aux forces hitlériennes et prohitlériennes de se camoufler.
Aujourd'hui plus que jamais, ils se prononcent pour l'anéantissement impitoyable du nazisme sous toutes ses formes. Les jours de liesse passés, il faudra que les gouvernants de certains pays n'oublient pas leurs belles paroles du temps des combats. Ce serait un crime inexpiable que de décevoir les peuples accablés.
Il serait inique de les priver d'une victoire qui est la leur. Une paix qui ne serait pas une paix forte, qui ne serait pas celle des peuples, qui ne s'inspirerait pas des idées les plus fermes à l'égard de l'agresseur et des plus démocratiques, notamment du respect de tous les droits essentiels de l'homme tels que Molotov vient de les rappeler à San Francisco, ne serait pas une paix. Il ne s'agit pas d'échafauder des combinaisons qui permettraient à l'agresseur de nouvelles manoeuvres de dissociation des nations pacifiques.
Il faut refaire le monde en fonction des garanties effectives de paix données par l'accord des grandes puissances démocratiques sur lesquelles repose le fardeau principal de la responsabilité pratique d'empêcher l'agression.
C'est pour assurer l'établissement de conditions vraiment nouvelles, en rupture avec le passé, que sont tombés tant de nos martyrs. Nous pensons pieusement à eux en ce jour de gloire et de victoire que leur sacrifice nous permet de célébrer en hommes libres.
Du fond de leurs tombeaux, ils nous crient de ne pas trahir leurs volontés suprêmes. Ils veulent que soient châtiés les criminels qui leur firent subir le martyre et ceux qui ont désespéré de la patrie immortelle. Et veulent que l'idéal qui les soutint sans défaillance soit réalisé par l'union aussi nécessaire maintenant pour assurer la renaissance qu'hier pour remporter la victoire ; que la démocratie soit souveraine ; qu'on mette fin résolument au règne des trusts sans patrie.
Pour tout dire d'un mot, ils nous demandent de briser toutes les résistances qui s'opposent encore à la reconstruction nationale dans la démocratie et pour le peuple.
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