Congrès du pcf. Les communistes ouvrent une nouvelle page (23/11/2018)
Nouvelle image et rassemblement dans ses rangs. Ce sont les signaux envoyés par le PCF lors de son 38e congrès tout au long du week-end à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). Un nouveau secrétaire national et même un nouveau logo ont émergé de ces trois jours durant lesquels quelque 800 communistes se sont réunis. Hier, le député du Nord Fabien Roussel a ainsi officiellement succédé à Pierre Laurent à la tête du PCF, tandis qu’une étoile rouge surmontée d’un bourgeon est devenue le nouvel emblème des communistes.
Côté rassemblement, même si toutes les tensions n’ont pas été gommées en un week-end, une liste unique de candidatures pour le conseil national de la formation a finalement été présentée et adoptée avec 442 voix (sur 569 votants et 736 inscrits). « Les gilets jaunes, les blouses blanches, les robes noires de la justice, mais aussi les cols bleus des usines ont des raisons de donner de la voix ! » lance tout juste élu le nouveau dirigeant lors de son discours de clôture, dimanche, décrivant les conséquences de la vie chère ou de l’austérité sur les services publics. « La France ne manque pas de moyens, loin de là, ajoute-t-il. Mais ils ne profitent qu’à une minorité. Une infime minorité qui prospère insolemment. Ce sont eux les véritables assistés de la République ! » assène le député du Nord.
Le PCF lancera une pétition contre le coût du capital et pour le pouvoir d’achat dans les prochains jours, annonce-t-il. Dans la salle, la veille déjà, toutes les mains s’apprêtent à se lever pour plébisciter une motion contre la vie chère et pour relever le défi écologique. « Dès le 1er janvier 2019, l’impulsion doit être donnée d’une augmentation générale des salaires et des pensions dans le public comme dans le privé, le Smic doit être augmenté de 200 euros net », y écrivent les communistes.
« La planète brûle, les peuples souffrent, le capital se gave »
Dès l’ouverture des travaux, vendredi, la tonalité est la même. « La planète brûle, les peuples souffrent, le capital multinational se gave, les Gafam veulent diriger le monde. La paix n’est plus un acquis mais une urgence. Le racisme, l’antisémitisme, l’homophobie et l’exclusion se banalisent à nouveau », alerte d’entrée de jeu Pierre Laurent, appelant son parti à « ouvrir le chemin d’une alternative à la politique de Macron qui ne soit pas le chemin de peur, de guerre sociale et de division, mais celui d’une autre organisation des rapports humains, sociaux et démocratiques ».
Pour son dernier congrès en tant que secrétaire national, le sénateur de Paris, qui devrait devenir président du conseil national du PCF, a été salué par une longue ovation de la salle. En début de semaine, il avait proposé une issue à la crise qui se profilait du fait des deux candidatures pour la fonction de secrétaire national. Ému, vendredi, il envoie un nouveau message d’unité : « Le débat chez nous n’est pas une guerre de chefs, les ego ne devancent pas l’intérêt général. C’est ce qui nous unit, parce que nous sommes le parti des humbles, des modestes qui savent que, divisés, ils ne peuvent rien gagner. » Il n’y aura pas de « numéro 1 bis », précise-t-il aussi en marge du congrès. Pierre Laurent ne « compte pas refaire le match », mais occuper une nouvelle place.
Préparé dans une situation inédite et une ambiance parfois tendue, après le choix des communistes d’un texte alternatif (« Pour un manifeste du Parti communiste du XXIe siècle ») comme « base commune » en octobre, sur le fond non plus ce congrès ne s’est pas conclu par un pugilat. Au final, le texte adopté samedi soir à 87,23 % des voix (567 pour, 83 contre et 25 abstentions) aura été profondément remanié. « C’est le fruit de longues heures de travail, nous avons examiné plus de 7 000 amendements », annonce d’emblée Guillaume Roubaud-Quashie, l’un des coanimateurs de la commission du texte chargée de proposer une nouvelle version du « manifeste » tenant compte des propositions issues des congrès départementaux.
En séance, la plupart des votes obtiennent une large majorité. De quoi contenter presque tout le monde. « Je me réjouis que beaucoup de nos innovations, laissées temporairement de côté lors du vote de la base commune, sont réintroduites dans le texte », explique Pierre Laurent. Les dimensions écologiste, féministe, antiraciste du combat communiste notamment ont été renforcées.
Pas de quoi cependant satisfaire les signataires d’un autre texte alternatif (« Pour un printemps du communisme », 12 % des voix en octobre). La députée Elsa Faucillon ou l’historien Frédérick Genevée ne feront pas partie de la future direction. « Nous prenons acte de la réorientation stratégique que (le congrès) a choisie, mais nous ne la partageons pas », expliquent-ils, jugeant que « l’affirmation identitaire qui s’est exprimée ne cache pas le retour à (une) politique d’union de la gauche et d’alliances à géométrie variable ».
Parmi les initiateurs du « manifeste », certains se montrent mitigés. « Dans une configuration inédite, c’est complexe mais au final c’est plutôt positif », estime Hervé Poly. Le secrétaire de la fédération du Pas-de-Calais, qui s’était prononcée à près de 87 % pour le « manifeste », préfère souligner « la dynamique pour une réorientation du PCF » enclenchée par le vote militant. Animatrice du dernier des textes alternatifs (8 %), Dominique Negri regrette franchement, pour sa part, « un congrès pas si extraordinaire, avec un débat confisqué sur l’Union européenne », qu’il faudrait selon elle quitter.
le PCF mise sur une « union populaire agissante »
Sur des points clés, l’orientation a évolué au fil des débats. En termes de stratégie, après l’échec du Front de gauche et le sentiment d’avoir été humilié par Jean-Luc Mélenchon lors de la dernière présidentielle, le PCF mise sur une « union populaire agissante », s’appuyant sur des « fronts de lutte sectoriels pour faire progresser des objectifs précis de transformation sociale, écologique, démocratique ».
Fabien Roussel a d’ailleurs lancé dès ce week-end un appel à la gauche pour, avec les communistes, exiger d’Emmanuel Macron la tenue d’un « Grenelle des salaires » pour répondre à la colère sur la vie chère. Les alliances électorales à gauche, « sans partenaire privilégié a priori », ne sont pas exclues non plus, même si le PCF entend « être présent avec (ses) candidats à toutes les élections ».
Travaux pratiques avec les élections européennes de mai 2019 : les communistes, après un intense débat, ont décidé de continuer de tendre la main à gauche, tout en « propos(ant) la candidature de Ian Brossat comme tête d’une liste de large rassemblement ». Pas fermé à la discussion, Pascal Cherki, présent à Ivry pour Génération.s, précise : « Beaucoup de paramètres sont à prendre en compte sur ces questions, notamment d’efficacité électorale, mais ça doit venir après. D’abord on doit discuter du fond. »
La fraternité, chère aux communistes, a aussi ponctué ce week-end de débats. À l’instar de ce moment où tous les congressistes debout entonnent le refrain de la Jeune Garde, l’hymne du Mouvement des jeunes communistes, pour saluer le discours de sa secrétaire générale, Camille Lainé. « Nous agissons et ne laisserons aucun millimètre de terrain à l’extrême droite ! » clame-t-elle, liste à l’appui des nombreux combats mené par le MJCF (de la mobilisation pour la paix en Palestine aux solidarités concrètes aux côtés des jeunes, en passant par la lutte contre les violences sexistes).
La détermination gagne aussi la salle, quand des syndicalistes viennent raconter leurs luttes. « C’est là qu’est notre place, aux côtés des “Arjo”, des salariés de GE Hydro, des GM&S, des Ascoval, aux côtés des familles mal logées ou des réfugiés traités comme des moins que rien », assure Fabien Roussel en clôture, avant de lancer aux siens : « Soyons fiers de nos engagements militants et de nos combats ! »
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