Le score est massif : 63 % des Français estiment que « quoi qu’il arrive, il faut maintenir à 60 ans l’âge légal de départ à la retraite : c’est un acquis et c’est important pour ceux qui ont travaillé tôt ». En contrepoint, seulement un tiers (34 %) considèrent qu’il « faut reporter à plus de 60 ans l’âge légal de départ à la retraite : nous vivons plus longtemps et il faut bien financer les retraites ».
La retraite à 60 ans, adoptée en 1982 à l’instigation de François Mitterrand et de Pierre Mauroy, est très fortement soutenue par les sympathisants de gauche (74 %), et en particulier par LO, NPA, PCF et Front de Gauche, à plus de 80 %. En revanche la droite y est hostile (à 52 %), et particulièrement les sympathisants UMP (61 %).
Ce clivage politique majeur se double d’un clivage sociologique tout aussi puissant : la retraite à 60 ans est massivement soutenue par les ouvriers (83 %) et les employés (74 %), alors que les cadres y sont opposés (à 65 %). Cette détermination sociologique tient notamment à l’âge d’entrée dans la vie active, moindre pour ce qui concerne les ouvriers et les employés, lesquels seraient de ce fait les premiers pénalisés par un report de l’âge légal de la retraite.
Ainsi la retraite à 60 ans apparaît-elle aujourd’hui comme un identifiant majeur de la gauche et des catégories sociales modestes. Par ces temps de crise économique et de chômage, accepter de revenir sur cet acquis constituerait un pari très risqué pour la gauche. Mais parce que les catégories modestes y sont attachées, elle constitue également une pierre de touche que l’exécutif lui-même peut difficilement sacrifier.
Des leviers pour la réforme des retraites : choix personnel et justice sociale
Pour autant, les Français privilégient, pour l’avenir, deux principes :
La liberté de choix personnel : parmi une batterie de solutions proposées « pour l’avenir du financement des retraites », les personnes interrogées citent en priorité la possibilité pour « ceux qui le veulent de travailler aussi longtemps qu’ils le souhaitent » (71 %) ; c’est ici l’idée d’une retraite à la carte qui a fait son chemin ;
Les solutions citées en deuxième lieu relèvent de la justice sociale, et en particulier de la redistribution financière : « augmenter les prélèvements sur les revenus du capital » (48 %) et « faire payer davantage les retraités actuels les plus aisés » (39 %) ; ces priorités ont été particulièrement attisées par la crise et la dénonciation des écarts de niveaux de vie.
Pour autant, politiquement, ce qui prévaut aujourd’hui sur cet enjeu des retraites est surtout une défiance à l’égard des dirigeants, de gauche comme de droite : dans l’hypothèse où la gauche serait au pouvoir, seuls 39 % des Français estiment que celle-ci ferait « mieux » que « Nicolas Sarkozy et son gouvernement », 34 % « moins bien », et 27 % ne se prononcent pas.
Pour l’institut, c’est dire que, en l’état actuel des choses, la réforme des retraites témoigne plutôt, pour l’opinion, de l’impuissance du politique en général et de ses difficultés à préserver à la fois le pouvoir d’achat des salariés et celui des retraités.