Quel programme pour l'Europe ? Les réponses de Ian Brossat
10/05/2019
Tête de liste du PCF pour les élections européennes, Ian Brossat a répondu au questionnaire de Marianne sur l’Europe. Un tour d'horizon concis de sa vision et de son programme.
• Etes-vous favorable à l’ouverture de négociations commerciales avec les Etats-Unis, avalisée le 15 avril par les Etats membres ?
Non. Les communistes ont la vertu de la constance : nous nous sommes opposés à tous les traités de libre-échange parce que nous avons perçu très tôt leurs effets ravageurs à l’égard de nos emplois, de nos agriculteurs, de notre alimentation et plus largement de notre mode de vie. La France des élites a longtemps cru que l’on pouvait réussir dans la mondialisation sans la France des ouvriers et des agriculteurs. Nous sommes les derniers idiots du village planétaire à ne pas protéger nos marchés et nos emplois. Nous proposons de prendre le contre-pied total de cette religion libérale, avec une clause de proximité pour tous les marchés publics.
• Faut-il réformer le droit européen de la concurrence pour permettre des fusions du type Alstom-Siemens, interdite par la Commission en février ?
Oui car nous ne sommes pas favorables au principe de la concurrence libre et non faussée. Au nom de cette règle, si nous voulons par exemple nationaliser une entreprise pour la préserver, la Commission européenne peut le refuser au motif que cela constituerait une distorsion de concurrence. Cela dit, le projet de « fusion » d'Alstom-Siemens tel qu'il est soutenu par Macron ne nous convient pas. Il ne s'agit pas d'une fusion mais d'une absorption d'Alstom par Siemens qui se traduirait par la suppression de milliers d'emplois.
Nous sommes les derniers idiots du village planétaire à ne pas protéger nos marchés et nos emplois.
• Faut-il respecter les critères de Maastricht, qui interdisent un déficit public supérieur à 3% du PIB ?
Non. Le PCF est le seul parti de gauche à avoir toujours dit non aux traités européens libéraux. Nous avons, nous, fait campagne contre Maastricht. Dans une époque de marketing, la cohérence peut sembler une valeur désuète en politique : nous en faisons une fierté. Cette règle des 3% n'a aucun fondement économique. Elle ne vise qu'à imposer l'austérité et à fermer nos services publics les uns après les autres pour que le privé se gave de profits. Sa place est à la poubelle.
• Faut-il mettre en place un budget de la zone euro ?
Tout dépend de ce dont on parle. S'il s'agit de réaliser des investissements communs à nos pays dans un certain nombre de secteurs clés comme le ferroviaire, j'y suis favorable.
• Faut-il supprimer le règlement de Dublin, qui prévoit l’examen d’une demande d’asile dans le pays d’entrée du migrant ?
Oui. Nous devons organiser l'accueil de ceux qui fuient la guerre et la misère. Nous demandons une clé de répartition des arrivées intégrant l'ensemble des pays de l'Union. La Hongrie est contente d’accueillir les généreuses subventions européennes ; que Budapest respecte donc les règles communes et se montre solidaire des capitales européennes si elle veut continuer à profiter de l’argent des autres pays-membres à l’avenir.
• Faut-il créer un mécanisme européen de droit d’asile ?
Oui.
Ça n’a aucun sens de faire venir des fraises bio du bout du monde, ça nuit à notre agriculture et à l’environnement.
• Voterez-vous la réforme de la politique agricole commune (PAC), qui prévoit une baisse de son budget et une plus grande latitude des Etats ?
Non. Car nous avons besoin de défendre nos agriculteurs et parce que cette baisse de budget se traduirait par des difficultés supplémentaires pour les petits exploitants agricoles.
• Faut-il instaurer une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne ?
Oui. Ça n’a aucun sens de faire venir des fraises bio du bout du monde, ça nuit à notre agriculture et à l’environnement. Une taxe aux frontières peut être une solution si et seulement si elle est calculée en fonction de l'impact réel en CO2, et reversée à un fonds d'investissement pour la transition écologique.
• Faut-il instaurer un salaire minimum européen ?
Oui, mais contrairement à ce que proposent M. Macron et Mme Loiseau, celui-ci doit obligatoirement être plus élevé que les salaires minimums en vigueur actuellement dans chaque pays. Les communistes proposent le niveau de 60% du salaire moyen. Cela fait 1.400 euros nets en France soit une augmentation de 200 euros. J’observe que les députés européens, qu’ils soient hongrois, italiens ou français, perçoivent la même indemnité. Donc l’harmonisation sociale par le haut, quand on veut on peut.
Avec une armée européenne, à l’époque de la guerre en Irak, la France aurait été entraînée malgré elle.
• Faut-il sortir de l’Otan ?
Oui. Alors qu'on nous a chanté sur tous les tons que l'Europe nous apportait la paix, on constate aujourd'hui qu'elle nous pousse à une course aux armements et nous inféode à la logique belliciste des Etats-Unis. Il faut sortir de l'Otan et travailler à de nouvelles coopérations pour un monde multipolaire.
• Faut-il créer une armée européenne ?
Non. La France a une voix singulière en Europe et dans le monde. Avec une armée européenne, à l’époque de la guerre en Irak, la France aurait été entraînée malgré elle.
• Concernant le Brexit, faut-il exiger des Britanniques qu’ils sortent de l’Union européenne le plus vite possible, quitte à ne pas trouver d’accord ?
Non. Je n'étais pas favorable au Brexit, mais il est important de respecter la décision démocratique et souveraine du peuple britannique. Certains veulent les punir d'avoir choisi le Brexit en faisant en sorte que ce départ soit le plus brutal possible. Je suis pour ma part favorable à ce que les discussions se poursuivent pour que ce Brexit se passe dans les conditions les moins douloureuses pour eux comme pour nous.
• Faut-il accepter l’adhésion d’autres Etats à l’Union européenne ?
En l'état, non. Dans un contexte de concurrence libre et non faussée, s'élargir à des pays où le SMIC est à 200 ou 300 euros, c'est soumettre nos pays à une concurrence déloyale et donc nous tirer vers le bas.
Les communistes défendent l'idée d’une rupture avec les traités, pour nous affranchir de leurs carcans libéraux.
• Au fait, la France doit-elle rester dans l’Union européenne ?
Oui, je ne suis pas favorable à un Frexit. La France doit peser de toutes ses forces pour transformer l'Union européenne. La réalité, c'est que nos gouvernants n'ont jamais tenté de le faire. L'UE est actuellement foncièrement au service de l'argent et des multinationales. Il faut instaurer une clause de non-régression sociale et changer le statut de la Banque Centrale Européenne pour financer les services publics.
• Faut-il changer les traités européens ?
Oui. Les communistes défendent l'idée d’une rupture avec les traités, pour nous affranchir de leurs carcans libéraux. Cela suppose de construire des coopérations avec tous les peuples qui refusent l'austérité et le démantèlement des services publics.
• Savez-vous dans quel groupe politique vous siégerez au Parlement européen ?
Oui, dans le groupe de la GUE/NGL, que le Parti communiste a contribué à créer il y a plus de trente ans. Nous serons toujours rassembleurs : il est important d’unir nos forces face aux libéraux et à l’extrême-droite.
• Pensez-vous qu’il existe un peuple européen ?
Non, il existe des peuples libres et souverains, et je souhaite qu'ils s'associent le plus possible.
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