Urgence pour la planète et ceux qui y vivent
06/11/2016
PATRICK LE HYARIC, député Européen PCF, directeur de l'Humanité
Notre planète est-elle au bord d’un saut dans l’inconnu ? C’est ce que suggère un rapport sérieux de la Fondation pour la Nature publié ces derniers jours. Les populations mondiales de poissons, d’oiseaux, de mammifères, d’amphibiens, de reptiles ont diminué de plus de 58% depuis 1970. Si rien n’est fait, elles pourraient se voir réduites des deux tiers d’ici 2020, c’est-à-dire demain.
Selon l’Unicef, 300 millions d’enfants dans le monde respirent un air toxique. Une enquête du ministère de l’Environnement montre que plus de 80% de nos cours d’eau douce contiennent des pesticides. D’autres études montrent que la rapide diminution des abeilles, sous l’effet de ces mêmes produits chimiques, menace la reproduction des végétaux, nous privant ainsi des légumes et fruits dont nous avons besoin.
Ce qui est appelé l’empreinte écologique, qui mesure la consommation totale des biens et services générés par la nature, de la nourriture à l’énergie ou au bâti, montre que la population mondiale consomme autant que ce que pourrait fournir une planète et demie dans l’année. Nous rejetons plus de carbone dans l’atmosphère que les forêts et les océans ne peuvent désormais en recycler. On coupe plus d’arbres qu’il n’en pousse. On pêche plus de poissons que les océans peuvent en reproduire chaque année. Autrement dit, nous creusons une dette écologique. Les bio-capacités de la terre et de la mer sont autant surexploitées que les capacités humaines. Les inquiétants reculs de biodiversité, les modifications climatiques, l’érosion ou la perte de fertilité des sols sont devenus des signes précurseurs de grands bouleversements planétaires qui pourraient nous faire glisser sur le chemin d’une nouvelle ère géologique. On parle même de la probabilité d’entrer dans la sixième extinction des espèces, c’est-à-dire à une disparition de la vie sur la planète. C’est dire le niveau de l’alarme en cours !
Voici une question majeure – avec celle de la nécessité du désarmement nucléaire – qui devrait faire l’objet de présentations, d’informations et de confrontations publiques sur les causes d’une telle situation et les moyens d’y remédier. Car il est possible d’inverser cette inquiétante trajectoire, à condition de ne plus perdre de temps. Evidemment, un tel débat n’a vraiment rien à voir avec la petitesse de primaires pour élire un monarque pour cinq petites années. C’est d’un projet mondial, d’une visée mondiale de long terme dont il faudrait discuter pour agir et changer radicalement notre mode de développement. Le capitalisme financier et productiviste, organisant la compétitivité et les concurrences débridées, est l’ennemi d’une planète vivante et du bien-être humain à l’usine, au bureau comme dans la ville et le village.
L’heure est venue de s’atteler à un vaste travail d’élaboration et d’expérimentation des moyens de dépasser ce système d’exploitation et de prédation. Ceci demanderait de commencer par modifier les systèmes agricoles et alimentaires, de sortir des énergies carbonées et d’agir pour un nouveau système monétaire et financier mondial, mis au service de la coopération pour la recherche, l’innovation, l’éducation et la formation permanente. Ainsi pourraient être combinées transitions environnementales, sécurité du travail et des activités pour chacune et chacun, dans un mouvement global de progrès pour la planète et celles et ceux qui y vivent, appelés à être plus nombreux.
Ceci ne s’obtiendra pas sans luttes tenaces et unitaires de l’immense majorité qui a intérêt à un tel changement. On vient encore de le voir avec la manière dont les puissantes multinationales poussent pour obtenir les nouveaux traités de « libre-échanges » de l’Union européenne avec le Canada et les Etats-Unis. Ils sont à l’exact inverse de ce qu’il conviendrait de faire puisqu’ils visent à amplifier l’actuel modèle de développement capitaliste et la guerre économique que se livrent les grandes sociétés transnationales, mettant en concurrence les êtres humains et leurs territoires. Pour ce faire, ils ne peuvent que renforcer la surexploitation des hommes et de la nature. On voit bien qu’il ne s’agit pas ici de simples accords commerciaux mais de projets visant à remodeler le monde dans de nouvelles normes antisociales, anti-environnementales, antidémocratiques détruisant les sécurités alimentaires et sanitaires.
L’exemple de l’insertion toujours plus grande de la production agricole et alimentaire dans l’économie capitaliste que sous-tendent ces traités de libre-échange est mortifère. Déjà, en Amazonie et dans le Sud-est asiatique, sont détruites des forêts qui absorbent le carbone, pour y cultiver du soja ou du manioc exporté en Europe par cargos très polluants. Tout cela pour rentabiliser au maximum des usines de production de lait, de porcs ou de volailles, en détruisant l’emploi paysan, en portant préjudice aux écosystèmes tout en dégradant les qualités alimentaires.
Cette folle logique est une course vers l’abîme. Il faut en sortir en relocalisant les productions. Ceci nécessite de rémunérer convenablement le travail. L’innovation et la recherche pourraient répondre aux défis énergétiques, à la construction d’un habitat et d’un système productif économe en énergie, d’un système de transport valorisant le rail tout en étant créateur d’emplois. Changer nécessitera de valoriser le projet de biens communs humains gérés démocratiquement et non privatisables. Au contraire, c’est vers plus d’appropriation sociale et démocratique qu’il faut se diriger. C’est donc à une métamorphose politique, économique, écologique, sociale, culturelle de long terme de notre monde qu’il conviendrait de s’attacher pour une planète vivante et durable. A mille lieues des petits débats politiciens qui eux aussi empoisonnent l’atmosphère.
Il est plus que temps de se hisser à la hauteur de ces enjeux ! Chacune, chacun peut y contribuer afin d’imposer ensemble d’être parties prenantes des transformations profondes qu’appelle notre époque.
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