"Le projet de loi de finances 2016 menace-t-il l’égalité des territoires ?"
24/11/2015
Nicolas Sansu Député PCF Front de gauche, membre de la commission des Finances, répond à la question de l’Humanité : "le projet de loi de finances 2016 menace-t-il l’égalité des territoires ?" :
Pour N. Sansu "le projet de loi de finances pour 2016 est le pire budget présenté depuis le début de la législature. En effet, il consacre la politique dite de l’offre, qui consiste à transférer des prélèvements des entreprises sur les ménages, par l’augmentation de la TVA ou par la réduction drastique de pans entiers de service public. En ce sens, personne ne peut nier qu’il soit un budget d’austérité.
D’ailleurs, il suffit de donner quelques chiffres : l’impôt sur les bénéfices des sociétés s’est effondré non pas parce que les bénéfices auraient fondu mais parce que le CICE a été mis en place. Ainsi, de 52 milliards d’euros de rendement en 2012, ce prélèvement sur les entreprises va tomber à moins de 33 milliards en 2016. Dans le même temps, la TVA, qui a déjà été augmentée en 2014 et 2015, voit son produit attendu s’accroître de plus de 4 milliards. Et l’injustice ne s’arrête pas là, puisqu’on assiste avec la suppression progressive de la demi-part des veuves, décidée par le gouvernement Fillon, confirmée par les gouvernements Ayrault et Valls, à un véritable hold-up dans les poches des petits retraités.
Il est assez surprenant – et c’est un euphémisme – de voir le premier ministre annoncer une mesure de correction alors même que le 14 octobre dernier, le gouvernement et sa majorité socialiste refusaient l’amendement du groupe des députés du Front de gauche visant à rétablir cette demi-part des veuves, amendement déposé sans relâche à toutes les discussions budgétaires depuis juillet 2012. Le gouvernement est donc bien pris dans l’étau bruxellois et le chantage du Medef (pour de piètres résultats), au mépris de nos belles valeurs républicaines.
Pour répondre aux exigences de la finance, le duo exécutif Hollande-Valls a décidé d’une contribution très massive des collectivités locales. Entre 2014 et 2017, ce sont 12,5 milliards d’euros de soutien de moins de l’État aux collectivités, ce qui représente 29 milliards d’euros en cumulé. C’est une faute politique et une erreur économique. Dans le cadre de la commission d’enquête parlementaire visant à évaluer les conséquences des baisses de dotations aux communes et intercommunalités sur l’investissement public et les services publics de proximité, commission d’enquête dont je suis le rapporteur, nous avons pu mesurer les dégâts déjà patents causés par de tels choix.
L’investissement public, si utile à la transition écologique, si utile à l’accueil de nos enfants, si utile à la culture, au sport, au respect de notre patrimoine, cet investissement public local s’est effondré de 10 % en 2014, et devrait connaître la même tendance en 2015. Cela a bien sûr des conséquences immédiates sur l’emploi local, où les entreprises de bâtiment et de travaux publics réduisent leurs effectifs. C’est d’autant plus dramatique sur les territoires déjà fragiles, où l’investissement privé ne peut pas compenser une telle hémorragie.
Quand le gouvernement ajoute à cette saignée de 3,67 milliards d’euros par an une réforme de la DGF en dépit du bon sens, ce sont la confusion et l’anxiété qui gagnent les territoires et leurs élus. Cette réforme de la DGF, dans un contexte de forte baisse, ne fera que des perdants, et certains seront victimes de la double peine avec une baisse encore plus forte que celle attendue. Ce serait le cas de nombreuses villes entre 5 000 et 50 000 habitants qui, pourtant, forment le maillage intelligent de notre République décentralisée.
Au total, ce budget 2016 est dangereux pour l’égalité, criminel pour l’égalité territoriale et pour le respect de tous les territoires. Ce qui est sous-jacent, c’est une volonté, non affichée, de faire passer des pans entiers de la sphère publique locale (240 milliards d’euros) vers le privé, qui lorgne sur les secteurs les plus juteux et profitables. C’est bien la République décentralisée qui est attaquée".
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