"L'hôpital est à l'os, on lui demande encore 3 milliards d'euros"
11/06/2015
Entretien avec Frédéric Pierru, sociologue, chercheur au CNRS et à la chaire santé de Sciences-Po, ANNE-LAURE DE LAVA, L'Humanité Dimanche
La « tarification à l’activité », qui a remplacé en 2008 le budget global, oblige les hôpitaux à s’endetter. Chercher la productivité, avec un budget de plus en plus contraint, conduit à une gestion à la petite semaine.
HD. Quelle est la situation financière des hôpitaux ?
Frédéric Pierru. On entend souvent qu’elle s’est améliorée via la tarification à l’activité (T2A). Mais cette dernière n’a fait que doper l’activité de manière artificielle. Car le cadre budgétaire est plus serré que jamais. L’ONDAM (objectif national des dépenses de l’assurance maladie), qui détermine chaque année l’augmentation des budgets hospitaliers, a été fixé à un niveau historiquement bas. La seule évolution des charges fait augmenter les dépenses hospitalières de 3 % chaque année.
Or, l’augmentation de l’ONDAM est de 1,9 % pour 2017. On s’achemine vers un déficit structurel. L’hôpital est à l’os, et on lui demande encore 3 milliards d’économies. C’est irréaliste! Tout ce qui a pu être gratté en termes logistiques, de restauration, de blanchisserie, voire de personnels administratifs, l’a été. Restent les réductions de personnels, qui représentent 70 % des budgets.
HD.comment est-on arrivé à de tels déficits ?
F. P. Le déficit est une construction purement comptable. Il a été créé par la T2A. Les établissements recevaient avant une enveloppe globale. En fonction des dépenses, on consentait une rallonge en fin d’année si nécessaire. La grande révolution de la T2A a été d’obliger les hôpitaux à fixer ces dépenses en fonction des prévisions de recettes.
Le message est: débrouillez-vous pour couvrir vos dépenses, si vous n’y arrivez pas, recourez à l’emprunt et/ou coupez dans les dépenses, donc le personnel. Comme si ça ne suffisait pas, le gouvernement a récemment décidé d’annuler quelque 429 millions d’euros de crédit destinés à la psychiatrie et aux soins de suite. Comment voulez-vous que les hôpitaux soient, dans ces conditions, à l’équilibre malgré leurs efforts en matière de productivité ? C’est un jeu de dupes.
HD.comment peuvent-ils gérer ?
F. P. Ils vivent d’expédients. Ainsi l’accumulation des comptes épargne-temps (CET) qu’ils ne peuvent plus payer. On est dans une course à la productivité, sans jamais voir le bout du tunnel. La gestion n’est que de court terme. Cela se traduit par un absentéisme et un turnover massifs. Plutôt que de chercher à répondre à cette expression de la souffrance au travail, on colmate les brèches via l’intérim, des « pools » de remplaçants, la multiplication des contrats précaires, ou le rappel sur repos des soignants. Sur le coup, cela permet de faire tourner malgré tous les services, mais c’est au prix de la mise à mal des collectifs soignants dont dépendent la qualité des conditions de travail et la performance des équipes.
JEAN-LUC GIBELIN, RESPONSABLE DE LA COMMISSION SANTÉ DU PCF
« pour commencer, effaçons les intérêts d’emprunts destinés à combler la dette! »
« pour sortir l’hôpital de ses graves difficultés, il faut faire du service public une priorité politique. Développer l’emploi public qualifié, avec un plan de formation soutenu et sur la durée.
Le financement doit être libéré de la t2a et des budgets contraints depuis les ordonnances Juppé de 1996. c’est à l’État de financer les investissements, plus à la sécu.
La dette cumulée des hôpitaux est de 30 milliards. on doit demander l’effacement du montant des intérêts d’emprunts. on ne peut tolérer que les fonds de la sécu aillent consolider les profits de Hsbc, de la société générale ou de bnp paribas. enfin, les regroupements hospitaliers de territoire (rHt) de la loi touraine vont créer une hyperconcentration. nous avons au contraire besoin d’un maillage au plus près de la population, avec une médecine de ville articulée à des centres de santé. »
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