Libres d’être comme elles le souhaitent
09/03/2015
La chronique de Barbara Romagnan dans l'Humanité « Derrière la prescription ou la proscription d’un vêtement, il y a aussi l’assignation à une certaine identité, à une place à laquelle on devrait se tenir.»
Autour du voile se posent des questions d’ordres très différents sur le plan des principes, mais qui sont souvent mêlées dans les débats. Par exemple, ce qui interdit à un agent public de porter le voile dans l’exercice de ses fonctions, c’est le principe de la neutralité de l’État. Bien comprise, la laïcité permet d’accepter à la fois que les religions n’interviennent pas dans la sphère politique mais que les manifestations de croyance religieuse soient libres dans l’espace civil, notamment sur la voie publique, autrement dit dans la rue.
On invoque souvent aussi l’émancipation des femmes comme argument contre le voile. Porter un voile, cacher son corps, ce serait une marque de soumission de la femme à l’homme – à son mari, à son père, à son frère… J’avais spontanément tendance à le penser également. Sans être totalement revenue sur cette idée, je vois les choses un peu différemment aujourd’hui. Jusqu’où montrer son corps est-il une manifestation de liberté ?
Le port de vêtements moulants, courts ou transparents est-il toujours un signe de liberté ou parfois de soumission aux souhaits de certains hommes, ou à certains codes vestimentaires ?
Imposer à une femme de porter le voile, c’est certes porter atteinte à sa liberté, mais lui interdire de le faire, cela me gêne aussi. Pourquoi serait-on obligée de montrer ses cheveux ?
Qui peut décider ce qu’une femme doit ou peut donner à voir à tous dans la rue ?
Derrière la prescription ou la proscription d’un vêtement, il y a aussi l’assignation à une certaine identité, à une place à laquelle on devrait se tenir.
Il me semble qu’on défend mieux les femmes en défendant leur liberté de s’habiller comme elles le souhaitent, qu’en les obligeant à enlever un voile. Une étudiante française, musulmane, mère de deux enfants, m’a dit porter un foulard parce que c’est une des dimensions de sa façon de vivre sa croyance. Mais ce foulard, elle le porte pour elle pas contre les autres, elle le porte sur elle, elle ne le jette à la figure de personne.
Elle m’a dit aussi apprécier son foulard qui lui épargnait des regards trop appuyés ou des commentaires sur son physique qu’elle avait subi adolescente. Je crois que reconnaître la liberté des femmes suppose de les voir comme des sujets capables de donner le sens de leurs choix, et non comme les objets d’un discours, venu de l’extérieur, qui dirait ce qu’elles doivent faire ou être.
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