Marche du 11 janvier 2015 : un peuple dressé contre la haine
12/01/2015
Une vague immense a traversé le pays, s’emparant des rues de Paris comme de centaines de villes de France. Les manifestants se comptent par millions, chacun venu avec sa colère, sa peine mais aussi une envie de fraternité, de République, de liberté.
À l’égal de grands moments de son histoire, le peuple français s’est dressé uni pour crier « Même pas peur ! » aux fanatiques assassins, pour clamer aussi son attachement à la liberté de critiquer, de s’exprimer et de polémiquer.
La dignité et le respect pour ceux qui sont tombés l’ont emporté partout… sauf à Beaucaire. Le 11 janvier restera dans notre histoire pour cela, pas pour la cohorte de dirigeants étrangers – pour certains massacreurs et censeurs à souhait, comme Benjamin Netanyahou, Ali Bongo, Viktor Orban ou le premier ministre turc.
Mais désormais, il faut savoir que faire de cet élan. Déjà, les spécialistes de l’amalgame, les pourfendeurs de l’immigration, les agitateurs de paniques sont à l’oeuvre.
Marine Le Pen ainsi a ouvert l’échoppe de la haine, avec la peine de mort en tête de gondole. Prenant prétexte des mesures de sécurité nécessaires, des ténors de l’UMP veulent mettre en place des lois qui écorneraient les libertés, comme si résister aux terroristes était réaliser leur souhait le plus vif.
Les jours qui viennent mettront aux prises les humanistes, les républicains, aux croisés de la guerre des civilisations. L’usage même du mot guerre mériterait d’être soigneusement soupesé…
Désormais, les grands sujets sont sur la table.
La République doit s’établir sur des faits, des actes et non seulement sur un triptyque gravé sur ses frontons. Elle ne sera solide qu’à la condition que cessent les discriminations, les suspicions, les relégations, les misères, les inégalités. Sans cela, elle court le péril de devenir un songe creux, rejetée par ceux qu’engloutissent les frustrations, les mises à l’écart, les souffrances.
La citoyenneté ne peut être réduite à l’addition de communautés, séparées par des parois étanches. La France doit devenir la promotrice dans le monde d’un nouvel ordre qui bannisse ces interventions impérialistes qui ont semé les germes du terrorisme, celles d’Irak et de Libye notamment.
La liberté d’expression ne doit pas rester une fleur de rhétorique pour ceux qui la découvrent après le massacre, mais étaient prêts à laisser crever ce journal qui, comme tous les titres de la presse rebelle et indépendante, était menacé dans son existence. Le pluralisme ne peut plus rester lettre morte.
Les progressistes ont du pain sur la planche pour que cette vague populaire porte ses fruits. Ainsi, pourra-t-on assurer avec Pablo Neruda : « Ils pourront couper toutes les fl eurs mais ils n’empêcheront pas le printemps. »
L'éditorial de Patrick Apel-Muller dans l'Humanité
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