L'ACTRICE ET REALISATRICE MAHNAZ MOHAMMADI, LA VOIX DES SANS VOIX
19/01/2015
L’actrice et réalisatrice iranienne Mahnaz Mohammadi, incarcérée depuis le 7 juin dernier, fête ses 40 ans ce premier janvier.
Va-t-elle purger une peine de cinq ans de prison pour « complot et propagande contre l’État » ?
C’est contre cette issue sordide que la Société des réalisateurs de films (SRF) a lancé une pétition afin d’obtenir la libération de cette militante du droit des femmes dont ses films – Femmes sans ombres (2003), Travelogue (2006) – ne cessent de faire l’apologie.
Depuis son incarcération, la pétition a été signée par plus de 700 personnes, notamment des réalisateurs français, dont Costa-Gavras, qui avait déjà soutenu la jeune femme lors du 64e Festival de Cannes après sa troisième arrestation, en juin 2011 – la réalisatrice ayant été incarcérée en 2007 et 2009 pour son activisme.
Il avait alors lu une lettre rédigée par cette artiste engagée qui déclarait : « Je suis une femme, et je suis cinéaste, deux raisons suffisantes pour être coupable (en Iran). » Gravement malade, Mahnaz Mohammadi était sortie de prison en juillet 2011 après le paiement d’une caution exorbitante, tout en restant en liberté surveillée, sans passeport, et en attente de jugement.
Mais ce n’était que le début de la traque. Lors d’une perquisition à son domicile, la police trouve alors sur son ordinateur les images d’un documentaire qu’elle était en train de tourner.
En octobre 2013, elle a été condamnée à cinq ans de prison pour « complot et propagande contre l’État », peine qu’elle a commencé à purger la semaine dernière. Dans une interview à l’International Campaign For Human Rights in Iran, elle raconte que le juge lui aurait dit : « Vous ne méritez pas de respirer l’air de la République islamique d’Iran. »
« Elle est en prison pour ses idées »
Pour le cinéaste Christophe Ruggia, coprésident de la Société des réalisateurs de films, contacté par téléphone, les images saisies ne sont qu’un « prétexte » afin de sanctionner une « militante » des droits des femmes. « Elle est en prison pour ses idées », ajoute-t-il.
Dans son appel à signer la pétition, l’association précise que « la collaboration de Mahnaz Mohammadi avec la BBC et la production de documentaires pour cette chaîne seraient, selon elle, les principaux motifs de cette nouvelle condamnation, ainsi que sa collaboration avec Al Djazira et des médias occidentaux tels que Radio France et la Voix de l’Amérique (Voice of America) », la radio publique états-unienne.
Dans une vidéo envoyée à ses proches la veille de son incarcération dans la prison d’Evin, au nord de Téhéran, Mahnaz Mohammadi affirme que plus que jamais ses idées n’ont pas changé. « Je défends toujours les droits des femmes et de tous, les droits sociaux fondamentaux. Je suis toujours persuadée que la femme dans la société iranienne est toujours une citoyenne de seconde zone », insiste-t-elle, dénonçant au passage l’absence de libertés, notamment pour les cinéastes : « Il faut cacher ses idées, pour qu’ils ne les découvrent pas. »
Christophe Ruggia fait la même analyse : « Le climat en Iran est délétère, et le cinéma est très touché par la répression, les cas se multiplient », en référence aux nombreuses arrestations dont ont été la cible d’autres cinéastes iraniens ces dernières années, comme Jafar Panahi, ou encore Mohammad Rasoulof.
« La mobilisation internationale est très forte pour les cinéastes menacés d’être incarcérés. Mais une fois qu’ils sont libérés, ils sortent du radar, on entend plus parler d’eux, alors qu’ils vivent et travaillent souvent dans des conditions toujours compliquées », ajoute-t-il. Ainsi, Jafar Panahi, qui a subi une dernière arrestation en 2010, est officiellement libre, mais sa peine de six mois de prison et les interdictions de quitter le territoire et d’exercer son métier pendant vingt ans n’ont toujours pas été annulées.
Reza Serkanian, cinéaste iranien vivant en France et proche insiste sur le fait que les cinéastes iraniens sont à la merci d’arrestations arbitraires : « Les chefs d’accusation sont toujours vagues. Il y a une part d’aléatoire, du jour au lendemain, on peut se retrouver en prison sans que personne ne soit au courant », précise-t-il.
L’incarcération de Mahnaz Mohammadi prouve que la situation des cinéastes iraniens n’a pas encore changé depuis l’arrivée au pouvoir d’Hassan Rohani, souvent décrit comme « modéré » par les médias internationaux. Mohammad Rasoulof, arrêté à plusieurs reprises et assigné à résidence pendant de longs mois, a dernièrement qualifié le président de « populiste » dans une lettre ouverte. Aux yeux des cinéastes, pas l’ombre d’un changement n’a vu le jour en Iran
En dehors des cinéastes une autre pétition a été lancée exigeant la libération immédiate de Mahnaz Mohammadi et dénonçant les attaques faites à la liberté d’expression et de création dont sont victimes de nombreux cinéastes iraniens. Mosaik Radio s'associe à cette pétition. Elle a déjà été signé par près de 15 000 personnes.
► Pour signer cette pétition, allez sur :
http://www.change.org/…/au-gouvernement-iranien-libérez-l...
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