L’homme rattrapé
05/12/2012
« Le mot normal était sans doute mal choisi. François Hollande, reconnaissent ses proches, aurait dû se contenter de s’engager à rester simple », nous indique un docte commentateur du quinquennat. Sent-on toute la gravité de la chose ? Qui ne voit combien le destin de la France aura été grevé par cette tragique confusion entre normal et simple ?
Or un président de la Ve République ne peut pas être normal, tout le monde sait ça, et voici donc M. Hollande « rattrapé par la fonction » (1). Je voudrais bien un jour percer le secret de cette singulière jouissance des médias à décréter un homme « rattrapé ». Par son passé. Par un scandale. Par les contraintes économiques. On vous annonce ça avec l’excitation de l’aficionado quand se lève l’épée du matador. Ah, mon salaud, tu croyais t’en tirer comme ça, hein ! Ni vu ni connu ! Eh bien te voilà rattrapé, sacripant. Rattrapé par toutes sortes de choses. Par l’impatience des Français. Par le rapport Gallois.
Et par la fonction, donc. M. Hollande s’est jusqu’ici montré trop effacé, jugent ceux-là mêmes qui flétrissaient l’agitation urbi et orbi de son prédécesseur. Toutefois l’on veut bien concéder que l’évolution du comportement présidentiel « semble plutôt tenir d’un réajustement pragmatique que d’un rééquilibrage anticipé ». (Ouf ! Nous voilà rassurés. Nous avons cru un instant qu’il s’agissait d’un rééquilibrage anticipé. Pas d’alarme : ce n’est qu’un réajustement pragmatique. Nuance.)
Moi, j’aurais une autre proposition à faire : ce serait de lui ficher la paix, à ce pauvre Hollande. Car en somme, par quoi est-on jamais « rattrapé », sinon par les médias eux-mêmes (ce qui expliquerait leur goût pour tant de rattrapages) ? Pour le reste, on pouvait bien se douter qu’il ferait, en gros, ce qu’il fait, ni plus ni moins. C’est-à-dire qu’il travaille le vocabulaire, lui aussi : il n’augmente pas la TVA, il la réajuste. Quant au coût du travail, « ce n’est pas tout, mais c’est tout sauf rien ! ». Puis il donne 20 centimes aux smicards et 20 milliards aux entreprises. Cela s’appelle être socialiste, et ça dure à peu près depuis le congrès de Tours, en 1920. C’est peut-être par ça qu’il a été rattrapé, notre président. Mais les Français n’apprennent plus leur histoire, c’est bien regrettable.
(1) Peu importe évidemment dans quel organe de presse j’ai pêché ces citations. On voit bien qu’elles pourraient figurer n’importe où.
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