Le spleen d’Hubert-Félix Thiéfaine sur la grande scène de la Fête de l'Humanité
13/07/2012
Le chanteur poète sacré aux dernières Victoires de la musique fait une halte le dimanche 16 septembre à la Fête de l’Humanité. Quand on entend sa voix, on pense à la solitude des froides forêts du Jura. Hubert-Félix Thiéfaine est né dans cette région, celle que les hivers n’épargnent pas. Il y a dans son chant quelque chose qui vient de loin, qui vient de la terre et des rochers, quelque chose que seul peut faire entendre un type qui a beaucoup contemplé la nature et s’est imprégné de son silence. Quelque chose de puissant et de mystérieux comme une incantation.
Hubert-Félix Thiéfaine habite depuis vingt-cinq ans un corps de ferme, dans son Jura natal, justement. Le choix de ce havre de calme doit sans doute servir d’antidote à la tourmente des concerts à la chaîne qui, il n’y a pas si longtemps, faisaient le quotidien du chanteur. Il y a trois ans, la vie de Thiéfaine n’était en effet qu’agitation frénétique : « 220 chambres d’hôtel différentes par an. Je prenais des tas de trucs pour tenir le coup. J’étais totalement schizophrène, j’avais un pied dans la folie. Je voulais en finir », confiait-il encore récemment. C’est dans un état de convalescence, après un séjour à l’hôpital pour soigner un syndrome d’épuisement professionnel, qu’il écrit son dernier album, Suppléments de mensonge.
Au sein de cet opus, la voix sombre du chanteur, la guitare et les violons éthérés s’entrecroisent. La mélancolie est sans conteste le thème principal, décliné par la musique et le texte. Elle se fait nostalgie de l’enfance dans « La ruelle des morts », rêverie amoureuse et invocation de l’absente dans « Trois poèmes à Annabel Lee »… Le tout est d’une pénétrante intensité. Suppléments de mensonges vaut bien la Victoire de la musique 2012 qu’il a reçue dans la catégorie Album de chansons, prix qui s’est doublé de la Victoire du meilleur artiste masculin.
Thiéfaine n’en est pas à sa première récompense. Ce qui est paradoxal, c’est la reconnaissance dont il bénéficie auprès du public – nombreux sont les jeunes à pouvoir fredonner les chansons de ses albums, récents et anciens – et sa discrétion. Peu présent dans les médias, l’artiste rassemble pourtant beaucoup de monde à ses concerts, dans des petites salles comme dans des Zéniths. Un public nombreux et fidèle, fasciné par le charisme flegmatique du chanteur.
Dans l’art de Thiéfaine, il y a la musique mais aussi le texte. On ne peut pas ne pas penser à Rimbaud lorsqu’on entend cette langue imagée qui joue sans cesse avec le sens, la syntaxe et les sonorités, d’autant plus que, comme le poète, le chanteur est parti de sa campagne tout jeune, seul, sac au dos, pour faire ses preuves à Paris. Rien qu’aux titres de ses albums – Tout corps vivant branché sur le secteur étant appelé à s’émouvoir, sorti en 1978, ou De l’amour, de l’art ou du cochon, sorti en 1980 – on décèle un penchant pour la poésie.
Avec son style qui va du truculent de « La fille du coupeur de joints », au désespoir de « Crépuscule-enfer », et sa musique, tantôt rock, tantôt balade, Thiéfaine est un artiste complet à découvrir ou redécouvrir.
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