Lettre ouverte à Paul Polman, PDG d’Unilever
02/03/2012
Cher Monsieur Polman, bien que vous ne soyez pas suédois comme le Père Noël mais néerlandais, je voudrais que vous me fassiez un cadeau : l’usine Fralib, de Gémenos, celle qui fabrique le thé Éléphant depuis 119 ans, vous voulez bien nous la laisser ?
Les gens qui y travaillent, ils voudraient bien la garder. Je sais que légalement elle est à vous, que vous l’avez achetée il y a 40 ans… Mais depuis, les ouvriers, avec les bénéfices qu’ils ont fait remonter à vos actionnaires, vous ont largement remboursé…
Objectivement, l’usine, maintenant, elle est à eux et comme vous n’en voulez plus… Mais je connais le proverbe : je ne veux plus de mon os mais je ne veux pas qu’un autre l’ait…
Si Unilever veut délocaliser et faire fabriquer à l’étranger, parfait, mais Unilever devrait alors arrêter aussi de vendre ses produits en France, plus de Lipton ici, ni de Magnum, plus de Skip.
Vous aimez les Français quand ils consomment et vous donnent de l’argent, ils sont assez bons pour acheter vos produits mais plus pour les fabriquer. Je sais que vous voulez délocaliser pour gagner 9 centimes de plus par boîte et parce que soi-disant en Pologne, ils font mieux les sachets pyramides de thé… Entre nous, les meilleurs pour les pyramides, c’est pas les Polonais, c’est les Égyptiens.
Et puis, si vous voulez déplacer les usines en fonction des législations, faites des usines-cirques, avec chapiteaux et caravanes…
Au sujet des salaires que vous leur proposez à Katowice, 5 600 euros par an, c’est trop ou trop peu. Trop peu pour vivre décemment et passer ses vacances en France, mais si l’objectif est de rétablir l’esclavage, alors c’est trop.
Tout ce dont un homme a besoin après tout, c’est d’amour, d’eau fraîche, une paillasse et une écuelle. Là, on arriverait peut-être à vous satisfaire, à faire des marges convenables, plus de frais de main-d’œuvre, que de la matière première ! Le thé à prix coûtant, votre thé idéal, celui qui ne coûterait que les larmes pour le fabriquer et le faire infuser…
Comme dit Olivier Leberquier, le thé Éléphant est né en Provence, il y a 119 ans, en Provence il doit rester, en Provence il va rester, en Provence il est resté.
Audrey Vernon, comédienne, tribune publiée dans le journal l’Humanité
Actuellement au Petit Gymnase, du jeudi au samedi à 21 heures, dans Comment épouser un milliardaire.
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