50 ANS APRES - CHARONNE, LES MORTS QU’ILS VEULENT OUBLIER !
07/02/2012
" Il faut faire parler les silences de l'Histoire " - Michelet
1962 - 2012 : LA TUERIE DU METRO CHARONNE
En 1962, la guerre coloniale en Algérie dure depuis huit ans déjà. L'Organisation armée secrète (O.A.S.), groupuscule fasciste, sème la terreur par des attentats tant à Alger qu'en métropole. Le 7 février, ses militants posent dix charges plastiques dans la capitale, visant des hommes politiques et des écrivains. Les domiciles de R. Guyot, membre du bureau politique du PCF, de l'écrivain Vladimir Pozner, du professeur de droit international R. Pinto, du professeur Vedel, de l'acteur P Meurisse, du journaliste S Bromberger etc... étaient visés.
Attentat aussi contre le domicile d'A. Malraux . Il ne fut pas atteint, mais une fillette de quatre ans est défigurée et grièvement blessée aux yeux.
Le Parti Communiste appelait à une réaction immédiate «pour demander le châtiment des assassins ». La CGT, la CFTC, l'UNEF, la JC, la FEN, le SNI, le PSU se joignaient à l'appel.
Une manifestation est organisée le lendemain à la Bastille, réclamant des mesures contre l'OAS. La préfecture l'interdit, mais les organisations la maintiennent, et le rassemblement commence dans le calme. A 19h30, les soixante mille manifestants commencent à se disperser.
Au moment de la dislocation de la manifestation qui se déroulait pacifiquement, la police donna l'assaut réprimant au niveau du boulevard Voltaire les participants, avec une violence insensée.
Certains militants tentent de se réfugier dans le métro Charonne. Les policiers leur jettent bombes lacrymogènes et grilles d'aération en fonte, pesant près de trente kilos. Sous les coups de matraque et les grilles, huit manifestants perdent la vie. Certaines sont mortes étouffées ; dans d'autres cas, le décès semble dû à des fractures du crâne sous l'effet de coups de matraque administrés par les meurtriers.
Telle sera encore la cause d'un neuvième décès, intervenu, plusieurs mois plus tard, à l'hôpital, des suites de ces blessures.
Toutes les victimes étaient syndiquées à la CGT et, à une exception près, membres du Parti communiste : Jean-Pierre Bernard, 30 ans, dessinateur, Fanny Dewerpe, 31 ans, secrétaire, Daniel Féry, 16 ans, apprenti, Anne-Claude Godeau, 24 ans, employée PTT, Édouard Lemarchand, 41 ans, menuisier, Suzanne Martorell, 36 ans, employée à L'Humanité, Hippolyte Pina, 58 ans, maçon, Raymond Wintgens, 44 ans, typographe
Maurice Pochard (décédé à l'hôpital), 48 ans.
Plusieurs dizaines (centaines ?) de blessés sont par ailleurs dénombrés.
Le lendemain, une grève nationale est lancée contre la répression. Près d'un million de personnes se rendent le 13 février aux obsèques des victimes.
Il apparaît très vite que les assassins n'ont pas agi de leur propre initiative : ils devaient charger pour tuer. Les ordres venaient directement de la préfecture de police, dirigée alors par Maurice Papon, qui s'était rendu célèbre en raflant des juifs durant la guerre.
Le gouvernement du général De Gaulle s'empresse de mentir, attribuant les meurtres à des émeutiers ou à des agents de l'OAS. Longtemps, une rumeur prétendra que les grilles du métro étaient fermées, et que les militants se seraient écrasés dessus.
Naturellement, aucun des policiers assassins ne fut condamné, aucune enquête n'eut lieu.
Le 12 février 1962, le Premier ministre Michel Debré se rend dans les locaux de la police parisienne, pour « apporter le témoignage de sa confiance et de son admiration » ; puis, le 13 avril de la même année, il écrit une lettre à Maurice Papon, rendant « un particulier hommage à [ses] qualités de chef et d’organisateur, ainsi qu’à la façon dont il a su exécuter une mission souvent délicate et difficile ».
Aujourd'hui, les amis de l'OAS sévissent toujours. Dans le Sud de la France, des nostalgiques de l'Algérie française élèvent des stèles à la mémoire de ces terroristes.
Mais l'oubli volontaire des crimes de l'armée française et de l’organisation fascisante l’OAS rassemble hélas bien au-delà de ces groupuscules pour des raisons le plus souvent purement électorales et politiques. Pourtant l’histoire est un bien commun que personne ne peut faire taire et ne fera taire.
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