Ne devons-nous pas bannir Certaines expressions Lourdes de sens ?
28/09/2011
Excusez-moi, partenaires !
Par Jean Rabaté, journaliste honoraire.
Les « partenaires sociaux » sont de retour, après avoir été mis entre parenthèses durant la période estivale. Forcément, leur rencontre était alors problématique : les uns fréquentant Saint-Trop’ ou les palaces marocains, les autres les terrains de camping ou… Paris Plages. Mais les voilà revenus.
Dans la presse écrite et parlée, président, ministres et dirigeants patronaux, au nom de la nécessaire u-ni-té-na-tio-nale autour d’une rè-gle-d’or-des-ti-née-à-ve-nir-à-bout-de-la-dette, s’adressent de nouveau aux « partenaires sociaux ». Que ceux-ci réapparaissent dans les propos des membres du gouvernement et des représentant(e)s du Medef, rien de plus normal. S’efforcer de faire croire aux salariés que leurs intérêts sont les mêmes que ceux des actionnaires du CAC 40 fait partie de leur stratégie de défense du capital. Mais une fois encore, que les « partenaires sociaux » reviennent aussi dans l’Humanité, même entourés de guillemets, ça m’a fait grincer des dents.
Ancien journaliste, je sais bien que l’expression est plus pratique (surtout dans un titre) car plus courte qu’une énumération du genre : « les représentants du gouvernement, du patronat et des syndicats », mais cela ne suffit pas à me convaincre. Ces fameux « partenaires sociaux » (avec ou sans guillemets) ne passent pas car je suis convaincu que le choix des mots est partie intégrante de la bataille idéologique qu’il nous faut mener dans notre combat anticapitaliste.
Qu’il me soit permis de faire part ici de deux citations. La première est extraite d’un texte simplement signé Françoise, découvert par hasard sur Internet. Après avoir rappelé qu’en clôture du 34e Congrès du PCF, Marie-George Buffet avait déploré que « les forces progressistes ont, ces dernières années, perdu la bataille du langage », l’auteure écrit : « Je dirais plutôt que cette bataille n’a pas été livrée (…) un seul camp (qui n’est pas celui des « forces progressistes ») a fait preuve d’initiatives en ce domaine. » Et Françoise poursuit : « Être désormais attentif au choix des mots, entre autres ceux qui sont prononcés à la télévision ou à la radio, cela peut devenir une habitude instructive et salutaire.
On remarque alors que les Palestiniens “perpètrent” des attentats, mais que les bombardements israéliens, eux, ne sont jamais “perpétrés”, que la “grève générale sévit” à la Guadeloupe, alors qu’elle aurait pu y régner, que la part des salaires différée est appelée “charges sociales” et que le travail a un “coût”, alors qu’il aurait pu avoir un prix ou une rémunération… (liste non limitative). »
La deuxième citation est extraite de l’ouvrage la Langue du IIIe Reich (1), de l’écrivain et philosophe allemand Victor Klemperer, qui fut aussi député de RDA. « Les mots peuvent être comme de minuscules doses d’arsenic : on les avale sans y prendre garde, ils semblent ne faire aucun effet, et voilà qu’après quelque temps l’effet toxique se fait sentir (…) Le nazisme s’insinua dans la chair et le sang du grand nombre à travers des expressions isolées, des tournures, des formes syntaxiques, qui s’imposaient et qui furent adoptées de façon mécanique et inconsciente. »
À méditer… partenaires !
(1) « Pocket Agora », 1996, Albin Michel.
Jean Rabaté
Les commentaires sont fermés.