J'ai rencontré Salah Hamouri, ce détenu français que la France a lâché
18/04/2011
Lorsque le Consulat de France m’a annoncé que j’avais reçu l’autorisation de rendre visite à Salah Hamouri, l’émotion l’a disputé à l’excitation. Salah Hamouri ? Ce jeune Français est incarcéré arbitrairement par Israël depuis près de 7 ans au seul motif qu’il aurait eul’intention de commettre un crime, chose que la justice israélienne n’a jamais pu démontrer.
La nouvelle tombée, je me suis empressé de la partager avec les autres Observacteurs. Ma joie était quelque peu assombrie parle fait qu’eux, ne pouvaient le rencontrer car non membres de la famille, et conscient que mon statut d’élu m’avait permis de passer les nombreux obstacles qui séparent Salah de ses nombreux soutiens.
J’ai compté les jours qui me séparaient de ce moment très spécial. Malgré tous mes efforts la fatigue accumulée tout au long de la semaine a eu raison des impondérables horaires, je suis arrivé en retard. La veille au soir, l’angoisse de me lever en retard m’avait gagné, comme un signe.
La prison dans laquelle est enfermée Salah est située à Gilboa, au Nord du pays. Autant dire que faire Ramallah-Gilboarelève d’un challenge étant donné qu’à la distance s’ajoute le passage ducheckpoint pour aller à Jérusalem, le checkpoint de Qalandia.
Je voulais passer le checkpoint en minibus, histoire de gagner du temps, mais c’est sans compter sur l’arbitraire des soldats israéliens.
Si tu n’as pas plus de 65 ans, tu dois passer par la fouille en passant par le scanner à rayons X. ils m’ont donc fait descendre pour passer le contrôle, et m’ont fait perdre un temps précieux. Pendant tout le trajet je me demandais où était le reste de l’équipe qui devait me rejoindre à Haifa.
Arrivé à Jérusalem à 10h alors que je devais être à Haifa à la même heure, le stress me gagnait.
J’attrape le premier taxi pour me rendre à lagare routière de Jérusalem. Là encore, des contrôles poussés sont effectués etune fois entré je constate que le nombre de soldats qui sont venus prendre lecar sont plus nombreux que les civils.
Le car pour Haïfa est direct mais mettra toutde même deux heures. Autant dire que j’ai eu le Consul plusieurs fois afin de lui signifier mon retard et m’excuser.
J’ai voyagé accompagné de la crainte de voirma rencontre avec Salah annulée.
Le Consul, afin de gagner du temps est venu me récupérer à la gare routière. La route vers Gilboa est très longue, nousavons beaucoup échangé dans la voiture. Gilboa se trouve en face de Jenine.
A ce moment précis je comprends qu’Israël fait tout pour séparer Salah de ses parents, et surtout de sa mère qui se bâtsans relâche pour lui.
La preuve : pourquoi ai-je eu le droit d’embrasser Salah quand sa mère ne le peut pas puisqu’elle doit dire à son filsqu’elle l’aime à travers un hygiaphone ? Pourquoi contraindre deux foispar mois ses parents à parcourir de telles distances ?
Arrivés à la prison, le gardien qui contrôle les allers et venues nous dit en anglais qu’il ne faut pas oublier Gilad SHALIT…
Nous avons attendu longtemps. Comme souvent, j’ai relativisé l’attente, cette fois dans la prison, en attendant que les gardes daignent prévenir Salah de mon arrivée, accompagné du Consul.
Quand Salah est entré dans la pièce, ce fut comme si nous nous connaissions déjà. J’ai salué chaleureusement ce jeune homme, aux cheveux courts, aux épaulés larges et au regard clair et sincère, avant de l’embrasser tout en pensant à sa mère.
Plus d’une heure après le début de notre conversation, je suis sorti complètement bluffé par ce jeune homme de 26 ans. Je lui ai parlé des Observacteurs en Palestine.
A aucun moment, Salah ne parle de lui. Il a rendu hommage à toutes celles et ceux qui souffrent de la politique israélienne. Le tout avec une émouvante déclaration d’amour à ses parents.
Salah a beaucoup parlé de la situation des prisonniers palestiniens en Israël,au nombre de 6000 à 7000, et qui appellent ce 17 avril à une grève générale, le17 avril étant le jour des prisonniers.
Les enfants palestiniens prisonniers en Israel constituent aussi un sujet majeur de préoccupation pour Salah. Ils sont au nombre de 400 dont une partie est malade.
Il rappelle avec force que l’enfance de ces enfants enfermés est broyée et donc, leur avenir compromis. Que rien n’est fai pour les accompagner notamment dans le domaine scolaire. L’enfermement est une catastrophe pour des enfants de cet âge.
Je me dis que les Observacteurs auraient adoré être là et dire à quel point Salah force le respect.
Un autre des sujets de préoccupation de Salah concerne les conditions de transfert des prisonniers. Salah explique que cela dure des heures, avec plusieurs fouilles durant le trajet, que ce soit pour rejoindre une autre prison ou plus simplement pour aller se faire soigner.
Les Palestiniens atteints de maladie graves détenus en Israël sont aussi une réalité. Il ne leur reste que quelques moi à vivre et Salah s’indigne que ces derniers ne soient pas autorisés à sortir afin de profiter de leurs familles pendant les derniers jours qu’ils leur restent.
Pendant un moment, nous avons abordé la question politique. Quand on connait Salah on sait que c’est incontournable. Ce qui m’a frappé est la grande détermination de Salah à contribuer une fois sorti à la Libération de son peuple. Ce dernier est convaincu de la nécessite d’unir les différentes familles palestiniennes. C’est incontestablement un fin analyste de la société palestinienne et de la situation politique.
Il ne se satisfait pas de la situation politique actuelle avec la « «confrontation » Hamas-Fatah. Il n’est pas le seul, nous avons assisté à Ramallah à une manifestation. Il pense que la situation est explosive, et qu’une nouvelle guerre des pierres est à venir
Il est en effet convaincu qu’une guerre des pierres un peu particulière, dans le sens où elle intégrerait la révolte des arabes israéliens qui subissent des discriminations notoires de la part d’Israël, verra le jour prochainement.
Finalement, je me dis que tous les Palestiniens sont des Salah Hamouri en puissance. Cette jeunesse est par essence politisée puisque soumise à l’injustice et à l’arbitraire dès leur spremiers jours. Ils sont donc de grands résistants qui comme Salah, ce jeune français, nne renoncera jamais à la lutte contre l’occupation et l’humiliation qu’Israël fait subir au peuple de Palestine..
Article publié par MEDIAPART
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