Seniors : génération sacrifiée
20/11/2010
Campagne de communication et plans gouvernementaux se succèdent pour enrayer la tendance française à écarter les salariés de l’emploi à partir de cinquante ans.
Plan senior, CDD senior… Depuis cinq ans, le gouvernement multiplie les annonces, mais sans amélioration notable. Et rien ne dit que le dernier dispositif du gouvernement qui, depuis le 1er janvier 2010, exige des entreprises de plus de 50 salariés qu’elles soient couvertes par un accord ou un plan d’action « en faveur de l’emploi des salariés âgés » ait les résultats escomptés. Si des pénalités financières existent pour les entreprises sans accord, rien n’est prévu ensuite pour sanctionner l’éventuelle absence de mise en oeuvre des mesures. Ce sera aux syndicats de saisir les tribunaux pour les faire appliquer. Le chômage des seniors explose. « Le report de l’âge légal de départ à la retraite permettra d’augmenter le taux d’activité des seniors. » Le ministre du Travail, Éric Woerth, n’a cessé de marteler cet argument durant le débat sur la réforme des retraites.
Un chiffre d’autant plus préoccupant que les seniors sont plus exposés au chômage de longue durée. Pourquoi les travailleurs de cette classe d’âge deviennent-ils inemployables ?
Usure due aux conditions de travail, formations inadaptées ? Le fond du problème est autrement plus terre à terre : dans notre société, le chômage des « vieux » est simplement plus acceptable. « Cela tient à l’existence à ces âges (plus de cinquante-cinq ans) de conditions d’indemnisation du chômage qui permettent d’attendre l’âge de la retraite du taux plein en situation d’inactivité », expose Jean-Olivier Hairault, professeur d’économie à l’université Paris-I. Les chiffres concordent avec ce raisonnement : cinquante-huit ans, c’est l’âge médian de sortie d’activité en France. Et 40 % des personnes qui font valoir leur droit à la retraite ne sont déjà plus en activité. « L’âge est devenu un critère légal pour dispenser les seniors d’emploi, analyse la sociologue Anne-Marie Guillemard, spécialiste de l’emploi des seniors. Les politiques RH des entreprises se sont calquées sur des dispositifs politiques de segmentation par l’âge, appliquant le système des préretraites comme la panacée. Le résultat a été un jugement négatif, qui a accru la vulnérabilité des plus âgés face à l’emploi. De plus, les seniors sont considérés comme non reclassables, et les entreprises hésitent à les former, à les promouvoir, bien souvent dès quarante-cinq ans. Leur seule issue est alors la marche vers la sortie, laquelle commence de plus en plus tôt. Dès quarante-cinq ans, vous êtes un demi-vieux car les signaux négatifs se font déjà sentir. » Et les choses ne vont pas en s’améliorant. Avec la suppression des préretraites (loi Fillon) et l’abaissement à quarante-cinq ans de l’âge de protection dans l’emploi, liée à l’amendement Delalande, les entreprises contournent la loi, par des licenciements pour faute professionnelle grave, par des congés de maladie longue durée ou encore par des ruptures conventionnelles. Ce mode de séparation « à l’amiable » entre salarié et employeur a d’ailleurs connu une montée en charge spectaculaire en deux ans, avec 400 000 ruptures conclues. Une procédure largement utilisée par les entreprises pour alléger leurs effectifs de seniors, dans un cas sur cinq, reconnaît le gouvernement. IBM illustre cette dérive : douze ruptures conventionnelles y ont été invalidées par l’administration fin 2009 au motif que ce dispositif ne peut contourner un plan social.
Parlons-en, justement, de l’emploi des seniors… ou plutôt du chômage des s En un an, le chômage des quinquas a progressé de 16,3 %, atteignant 6,6 % au premier trimestre 2010. Et début 2008, il n’était que de 4,9 %.
« On voit d’entrée de jeu que le gouvernement tient un double discours », renchérit Maurad Rabhi, secrétaire confédéral de la CGT en charge de l’emploi et du chômage : « On nous dit, d’un côté, qu’il y a un problème autour de l’emploi des seniors mais, dans le même temps, on crée toutes les conditions pour sortir les plus de cinquante ans de l’emploi. »
La CFDT avait reproché au groupe informatique de cibler les salariés « aux environs de la soixantaine, qui bénéficieront du chômage jusqu’à l’âge de la retraite ». Chez Lejaby (lingerie), dans le Rhône, six des dix ruptures conventionnelles en 2009 ont ainsi touché des personnes de plus de cinquante ans, dont des « ouvrières à bout de souffle », indique Nicole Mendez, déléguée CFDT.
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