Des maux pour le dire : « T’ »
24/05/2010
La France sarkozienne par François Taillandier, article publié dans l'Huma
Il y aurait mille choses à dire de « La Grande Consult’ », ce questionnaire-sondage lancé par « les pouvoirs publics », en partenariat avec la radio Skyrock (« free people network ») auprès des « jeunes », histoire de connaître leurs questionnements et leurs problèmes (« Exprime-toi pour que ça bouge ! »).
Mille choses à dire, dès le départ, comme en témoignent les nombreux guillemets ci-dessus. C’est quoi, « les pouvoirs publics » ? L’affaire a quand même coûté deux millions d’euros, d’après mes renseignements, et pour ce prix-là on aimerait savoir quel(le) ministre l’a décidée, et quel est le fichu communicant qui a ramassé l’oseille.
On aimerait savoir aussi le pourquoi de cette bénédiction donnée à Skyrock, « free people network » : le réseau des gens libres, rien que ça ! Enfin, comme cette grande initiative fait suite au débat sur l’identité nationale, on peut aussi se demander pourquoi, soudain, il n’est plus question de ladite dans les questions adressées aux djeunes. C’est bizarre, non ? On ne leur parle plus que de leurs problèmes d’appart’, de job, de « potes » et de planète. Ça ne les regarde pas, alors, cette fameuse identité nationale ?
Mais bon, ces questions ont déjà été abondamment traitées dans les médias, et je ne vais pas insister. Par contre, s’agissant du très démagogique style parlé employé par les enquêteurs, je voudrais m’attarder sur le recours systématique à l’apocope « t’ » à la place de « tu » : « Quand t’es avec tes potes… » « Si t’avais un vœu à faire… » « T’as ton ordi perso ? » « T’as déjà taffé ? » « T’habites chez tes parents ? »
Dans la France sarkozyenne, les jeunes gens n’ont pas droit à « vous », ils n’ont pas droit à « tu », ils ont droit à « t’ ». Je crois que ça suffit, que ça dit tout. Le langage n’a pas été inventé pour les chiens. L’histoire de toute une société nous indique qu’il y a des distinctions à faire. On marque son respect a priori en disant « vous ». Le « tu », en principe, c’est à chacun de nous de l’autoriser (ou d’en demander l’autorisation). Par conséquent, déjà, quelqu’un qui tutoie d’office se comporte de façon abusive. Alors que dire de cette chose, « t’ » ? C’est ce qui reste d’une personne, « t’ », aux yeux de nos pouvoirs publics ? Nous permettons au gouvernement de nous dire « t’ » ?
Moi, je n’ai pas de conseil à donner à la jeunesse pour qu’elle s’exprime et que ça bouge, mais je lui donne quand même celui-là : ne soyez jamais le « t’ » de personne !
1 commentaire
Sur ce sujet il est possible de lire
"Waka, ou le tutoiement au service du commercial ! On a perdu la boussole !"
sur http://blog.educpros.fr/michelabherve/
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