RENE ANDRIEU : TEMOIN DE SON SIECLE
16/08/2009
L’Humanité de René Andrieu. Espace Zadkine-Prax à Caylus dans le Tarn et Garonne, jusqu’au 30 août. Exposition témoignage sur un homme qui a marqué son siècle.
« Dans mon enfance, mon père avait été blessé deux fois à la guerre de 14 et j’avais fait ce rêve que la guerre n’existe plus. Puis l’arrivée de Hitler en 33, de Mussolini. Du pacifisme intégral j’ai compris l’absolu nécessité de lutter. Ce qui m’a amené à rejoindre la lutte armée dans le Lot ».
Lutteur infatigable, journaliste talentueux, polémiste redoutable (les archives de l’INA sont là pour le démonter), écrivain marquant, et dirigeant communiste dévoué, fidèle et lucide René Andrieu a sans doute marqué son siècle comme témoin et aussi acteur. Oublié dans cette période trouble de recomposition politique et historique, lui rendre aujourd’hui hommage et honneur n’est que justice, et avec lui tous ses compagnons de lutte et de souffrance.
Licencié en lettres et titulaire d’un diplôme d’enseignement supérieur sur Stendhal et la philosophie au 19 ème siècle, René Andrieu abandonne ses études à khâgne pour rejoindre très jeune la résistance à l’occupation Nazi, dans le Lot. Il devient alors le « Capitaine Alain », un des responsable des FTP.
Après la Résistance il devient journaliste au quotidien Ce Soir dirigé par Louis Aragon, puis est nommé rédacteur en chef et directeur adjoint de l’Humanité de 1958 à 1984.
Témoin privilégié et actif, il a vécu la guerre d’Espagne « Ceux qui ont éveillé mon attention ce sont les espagnols chassés de leur pays par la guerre. Ils étaient réfugiés dans mon village. Malheureux. J’étais devenu ami avec eux. Ce sont les mêmes que j’ai retrouvé dans les maquis ». Il a vécu la Résistance, l’après guerre, la guerre d’Algérie et ses horreurs. « La Guerre d’Algérie n’a pas eu lieu – 8 ans et 600 000 morts », par défi c’est le titre de son livre d’essai historique qu’il a écrit, plus tard en 1992.
Il a vécu la 3 ème, la 4 ème et la 5 ème République et la prise du pouvoir par le Général de Gaule en 1958 suite à un putsch de paras en Algérie, souffert lors des massacres des manifestants à Charonne. Il a participé aux événement de mai 1968, à l’accession de Georges Pompidou à la Présidence de la République en 1969 élu par le tiers des inscrits et (surnommé par René Andrieu Monsieur Tiers en référence au résultat obtenu et à la Commune de Paris), à l’élection de François Mitterrand.
Il a voyagé beaucoup, vu la décolonisation, la défaite américaine au Viêt-Nam, la Palestine, Cuba, le massacre de plusieurs millions de communistes en Indonésie, au Soudan, en Irak…dans l’indifférence générale des médias (déjà), les tragédies et coups d’états successifs en Amérique Latine, en Argentine, au Chili, au Paraguay et ailleurs alimentés par les Etats Unis d’Amériques (les archives aujourd’hui sont sans appels sur ces faits). Avec l’Humanité dès son incarcération il a lutté malgré l’hostilité de toutes les autres forces politiques et médiatiques pour la libération de celui qui est resté longtemps le plus vieux prisonnier politique du monde avant de devenir le premier Président noir d’Afrique du Sud, symbole de la lutte contre l’apartheid : Nelson Mandela.
Les procès de Moscou, l’intervention en Tchécoslovaquie, l’écroulement des pays de l’Est, comme la plupart des communistes l’ont beaucoup affecté sans remettre en cause sa conviction profonde dans ces idées, « Nous pensons que nous avons raison pour l’essentiel et fondamentalement ». Ajoutant, « après il ne faut pas obliger tout le monde à penser comme nous, ni oublier précisément que tout le monde ne pense pas comme nous ».
C’est dans cette logique et cette cohérence que René Andrieu est resté critique et n’a pas hésité à intervenir, avec Louis Aragon pour demander plus de démocratie et de liberté dans les ex pays dits socialiste. Ici aussi ses écrits et ses interventions à la télévision face à Philippe Tesson par exemple, et diffusé par l’INA en témoigne pour l’histoire.
La fin de sa vie a été doublement douloureuse, politiquement avec les doutes, et personnellement avec ce cancer qui l’a dévoré et la mort tragique de sa fille, à l’intelligence vive et qu’il a tant aimé.
Pourtant la flamme est resté allumé jusqu’au dernier moment et dans « Un rêve fou » écrit en 1996, il dit « Alors, ce combat a-t-il été inutile, était-ce un rêve fou de lutter pour un monde plus juste et de sacrifier quelquefois sa propre liberté à celle des autres ?
C’est une tâche immense qui ne pourra être remplie que par une large rencontre de tous ceux, au-delà de leurs différences et même de leurs oppositions actuelles, que révolte la cruauté du monde ».
Jacques Vandewalle, ami personnel des dernières années de René Andrieu, non communiste a été impressionné par sa personnalité hors du commun. C’est lui, qui avec le soutien de Jeanine Andrieu et Eline Rausenberger a organisé cette exposition dans des locaux qui lui appartiennent et en la finançant intégralement. Il envisage pour la suite de mettre en valeur les 2000 documents exceptionnels appartenant à la collection de René Andrieu et de créer un musée en sa mémoire et à tous ceux qui mènent le combat pour la dignité et les droits de l’homme et de la femme.
E-Mosaïque
Documents utilisés : archives de l’INA, l’Humanité, entretien de René Andrieu à Regards, la Dépêche du Midi, exposition de Caylus, témoignage de Jacques Vandewalle, Encyclopédie Wikipédia.
Les commentaires sont fermés.