Les collectivités paient pour les riches
01/11/2007
Le gouvernement pourra-t-il ignorer plus longtemps les doléances des élus locaux, toutes tendances confondues ? Hier, à l’Assemblée nationale, l’examen des crédits de la mission « relations avec les collectivités territoriales » pour 2008 a permis d’entrer dans le vif des inquiétudes sur les dotations d’État, dont la mission ne représente qu’une infime fraction (2,2 milliards sur 46 milliards de dotations sous enveloppe). Au coeur de la colère : la fin du contrat de croissance et de solidarité mis en place par la gauche en 1999, qui indexait la progression des dotations sur l’inflation et sur une fraction du taux de croissance du PIB. Une remise en cause inacceptable pour les associations d’élus locaux, face à des dépenses des collectivités en forte augmentation, du fait notamment des transferts de compétences de l’État non accompagnés de financements à la hauteur ces dernières années. Ainsi la part non financée du RMI transférée aux départements atteint 1,8 milliard depuis 2005.
Au nom de la participation des collectivités à l’effort de désendettement public, la progression de l’enveloppe des dotations devrait désormais se limiter à la seule inflation dès 2008, soit 1,6 %. Une présentation qui est doublement faussée. D’abord par la tricherie sur le périmètre de l’enveloppe, qui comprend des dotations qui y échappaient jusqu’alors. Cela permet ainsi de limiter fortement ces dernières, tout en gonflant artificiellement le volume global de l’enveloppe. À périmètre égal, la progression n’est plus que de 0,7 % sur 2007… Ensuite, la hausse des prix réels subie par les collectivités a atteint « 3,9 % entre les premiers trimestres 2006 et 2007 », selon le député Jean-Pierre Balligand (PS). L’évolution réelle pourrait donc avoisiner les - 3,2 % en 2008…
donner d’une main et reprendre de l’autre
Pour faire passer la pilule, le gouvernement met l’accent sur le maintien, pour la seule dotation globale de fonctionnement aux collectivités (DGF), de l’ancienne indexation. Un trompe-l’oeil, car cela revient « à donner d’une main, via la DGF, tout en reprenant de l’autre, via la réduction de l’enveloppe normée » dont la DGF fait partie, a dénoncé le député Thierry Carcenac (PS). Pour Jacques Desallangre (apparenté PCF), le gouvernement veut faire financer « son cadeau fiscal de 15 milliards aux plus riches » par un « contrat d’austérité » pour les collectivités. Un « contrat » qui n’a de surcroît que le nom, puisque « imposé aux collectivités » et non « librement discuté » !
« L’objectif est de faire supporter aux collectivités les choix désastreux de l’État », a déploré aussi André Chassaigne (PCF). « Le piège se referme : d’une part on fait payer aux contribuables locaux la transformation des collectivités en services déconcentrés » dont l’État ne veut plus assumer la charge, « et d’autre part, on réduit leurs recettes provenant de l’État en enterrant le contrat de solidarité et de croissance », a dénoncé le député du Puy-de-Dôme. Résultat : « si elles veulent réaliser les investissements nécessaires au bien-être de leurs habitants, les collectivités devront recourir à la fiscalité ». Celle des ménages exclusivement, déjà à la limite de la rupture, puisque la taxe professionnelle touchant les entreprises a été plafonnée par le gouvernement à 3,5 % de la valeur ajoutée, et que le MEDEF veut encore réduire à 3 %. Pour André Chassaigne, le gouvernement poursuit un but derrière cette politique : « La délégation au privé de pans entiers du service public local »
Sébastien Crépel, l'Humanité
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