L’idéal libéral : se tuer au travail
03/07/2007
Que Guy Roux ne puisse entraîner Lens pour cause de limite d’âge est sans doute imbécile. À plus de quatre-vingt ans, des chefs d’orchestre dirigent, des pianistes donnent des concerts, des peintres peignent. Qui aurait eu la crétinerie de contraindre Picasso ou Matisse à cesser de peindre au-delà de 65 ans ? Voilà du même coup l’un de nos plus sympathiques entraîneurs appelé par l’équipe gouvernementale à jouer à ses côtés, qu’il le veuille ou non. “ Cela m’émeut, déclare aussitôt Christine Lagarde, la ministre de l’Économie, car je trouve cela stupide de dire à quelqu’un de bon et de compétent : vous ne pouvez pas travailler parce que vous êtes trop vieux.
Ces limites d’âge, ces barres fatidiques, il faut réfléchir pour les supprimer ”. Et de chevaucher dans la presse le même thème : “ Le gouvernement va défendre une série de mesures fiscales justement pour encourager le travail tout au long de la vie. Pourquoi s’arrêter à 60 ans voire 65 ans, Il y a une réflexion à mener dans le cadre de la réforme des retraites prévue en 2008 ”.
En voilà une idée neuve, pour mener une nouvelle attaque contre le Code du travail et la notion même de retraite. Mais le cheval de Troie de Christine Lagarde et de Nicolas Sarkozy fait l’âne pour avoir du son. D’abord, parce que ce n’est pas la législation sociale qui refuse à Guy Roux d’entraîner Lens, mais la Ligue de football professionnel, au nom de sa charte.
Ensuite, parce que la ministre feint délibérément de confondre la mise en œuvre du talent, le travail de création qu’on exerce par passion avec le labeur à la chaîne, les travaux les plus pénibles, les horaires en trois huit… Tous les métiers qui font que l’espérance de vie d’un ouvrier est en moyenne inférieure de sept ans à celle d’un cadre. L’utilisation assez éhontée et tout à fait fallacieuse du cas de Guy Roux est un tour de passe passe. Comme en Allemagne, comme en Angleterre, il s’agit de repousser toujours plus l’âge du droit à la retraite comme “ le travailler plus pour gagner plus ” fétiche du président n’a d’autre but que de faire sauter la notion même de durée légale du travail. C’est un enjeu majeur de l’ultralibéralisme et c’est une régression de la pensée tout aussi majeure.
Le travail humain a du sens lorsqu’il est partage, mise en commun des compétences de tous et du talent de chacun. Il est civilisateur quand il porte du progrès social, quand il permet l’accès à la culture, au sport, aux loisirs, à la liberté du temps. Ce n’est pas le modèle de Sarkozy et de Lagarde.
Cette vie-là, c’est aux plus riches qu’ils la réservent. N’est-ce pas bizarre que l’on trouve dans les banlieues huppées tant de terrains de tennis et de gens en pleine forme ? Le travail toute la vie, le travail jusqu’au bout, sans même avoir le temps de vivre, ce n’est pas pour les actionnaires mais pour tous les salariés et d’abord les plus modestes. Ce n’est pas considérer l’homme, mais uniquement le producteur, les mains et le cerveau exploitables par ceux qui détiennent les richesses. Jamais, depuis des décennies, un gouvernement n’a engagé sans vergogne une telle politique qui s’appelle tout simplement une politique de classe n
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