La future majorité électorale
21/06/2006
Dès 2008 deux mesures parmi les plus régressives instituées par la droite produiront leurs pleins effets.
Les salariés devront valider 160 trimestres et 40 annuités pour acquérir le droit à une retraite à taux plein.
Les pensions du régime général seront calculées sur les « 25 meilleures années » ce qui ampute sérieusement le montant des prestations.
Ajoutons-y l’indexation des retraites sur l’indice des prix INSEE et non plus sur les salaires et le résultat est sans bavure : dès 2003, 40 % des salariés de soixante ans ne pouvaient plus justifier un nombre de trimestres suffisant pour une retraite à taux plein et de fait, l’âge moyen de liquidation du régime général s’établissait à soixante-deux ans.
Quant au pouvoir d’achat, le Comité national des retraités et personnes agées estime à 14% l’écart qui s’est creusé entre les salaires et les retraites entre 1993 et 2005. Même les invalides se voient parfois servir aujourd’hui des retraites de 30 % à 60 % inférieures à leurs pensions d’invalidité.
C’est cette pente qu’amplifie encore la loi Fillon. Les mesures récemment annoncées pour augmenter le taux d’emploi des seniors, outre leur précarisation, ont aussi comme objectif d’« encadrer » la dégradation des conditions de vie des retraités et de dégager la voie à la suppression pure et simple du droit à une retraite à un âge donné.
Le droit à la retraite à soixante ans demeure inscrit dans la loi. Il doit le rester. Il ne s’agit pas d’un archaïsme incompatible avec l’économie moderne mais d’un droit humain, d’une avancée sociale plus moderne que jamais.
Du point de vue démographique, il est rassurant que le nombre de retraités progresse. Mais en conclure que « les actifs ne peuvent plus financer les retraites » est une grossière imposture. Cela ne tient compte ni du chômage, ni des gains de productivité, ni de l’augmentation des dividendes servis aux actionnaires, ni des nouveaux besoins des retraités.
Le financement des retraites représentait, en 2000, 12,6 % du PIB. En 2040, il faudra 6 points de PIB supplémentaires, soit une augmentation de la part consacrée aux retraites de 50 %. Dans le même temps, le volume des richesses créées par le travail aura doublé alors que le nombre des retraités sera passé de 12 à 22 millions. Dit autrement : en 2040, 22 millions de personnes exigeront seulement une demi-part de plus que les 12 millions de l’an 2000 alors que le gâteau sera deux fois plus gros ! Où est le problème ? Comment évolue la répartition des richesses créées par le travail ? Pourquoi les dividendes servis aux actionnaires du CAC 40 - et les autres - sont-ils exemptés de prélèvements sociaux ? À qui profite l’augmentation de la productivité quand la part des salaires diminue dans la valeur ajoutée et avec elle l’assiette de prélèvement des cotisations ?
Aucun parti, aucun gouvernement, aucune majorité demain, aucun et aucune candidat(e) ne devrait échapper à ce questionnement. La loi et les décrets meurtriers pour la retraite sont signés Veil et Balladur (1993), Fillon et Raffarin (2003). Cependant, pendant le gouvernement Jospin, il aurait fallu ouvrir d’urgence le chantier d’une réforme du financement que tout le monde savait inévitable.
Les parlementaires communistes avaient élaboré une proposition de loi. La lecture du projet socialiste sur ce point laisse perplexe. Il prévoit bien l’abrogation des lois et décrets Balladur et Fillon et le maintien du droit à la retraite à soixante ans, mais ne dit rien sur le nombre d’annuités ni sur le taux de remplacement dont il propose curieusement de « modifier les conditions d’évaluation », ajoutant même que « les arbitrages pour définir les règles de partage de l’allongement de l’espérance de vie entre la durée de la vie professionnelle et celle de la retraite pourront être trouvés ». Aucune précision non plus sur les financements si ce n’est la pérennisation du fonds de réserve et des dispositifs d’épargne dont on sait le risque de « cannibalisation » qu’ils font courir au système solidaire de la répartition.
Dans cinq ans les plus de cinquante ans seront la majorité absolue du corps électoral.
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