« Il n’y a pas eu de confrontation claire et nette, projet contre projet »
10/05/2007
Comment appréciez-vous la situation après la victoire de Nicolas Sarkozy ? Marie-George Buffet a parlé de « véritable catastrophe politique ».
Olivier Dartigolles. Les femmes et les hommes de gauche, les progressistes, ressentent la gravité de la situation. On connaît les lourdes conséquences qu’aura la politique de Nicolas Sarkozy pour le monde du travail, les quartiers, la jeunesse, les plus démunis... Il y a des « pourquoi » qui résonnent dans les têtes : Pourquoi pas d’alternance pour la première fois depuis 25 ans ? Pourquoi l’élection d’un homme qui a fait campagne sur des thèmes qui, il y a peu, étaient ceux de la seule extrême droite ? On parle beaucoup d’un virage à droite de la société. Je crois qu’il faut y regarder de plus près...
Cette situation serait surtout le fruit d’un très grave manque à gauche ?
Olivier Dartigolles. Ce n’est pas si simple. C’est la même société qui a voté majoritairement pour Sarkozy, pour le « non » au TCE en mai 2005 et qui a repoussé par son action le CPE. Il y a donc des aspects contradictoires et il faut creuser tout cela. Il est vrai, cela dit, que Nicolas Sarkozy a su profiter du très grave manque à gauche. Durant la campagne, à aucun moment la gauche n’a représenté un espoir. Il n’y a pas eu de confrontation claire et nette, projet contre projet, et par contre il y a eu brouillage sur les valeurs et les idées de la gauche.
C’est pourquoi le candidat du MEDEF a incontestablement marqué des points dans la bataille des idées. Il l’a fait par un discours efficace donnant à chacun le sentiment d’apporter des réponses. Et c’est aussi de cette absence de projet à gauche dont a profité François Bayrou. Dans ce contexte, le Parti communiste n’a pas réussi à relever le gant de la gauche. Nous avons beaucoup alerté, mis en garde, sans pouvoir représenter une force crédible pour changer la donne.
Au lendemain du premier tour, vous avez annoncé un congrès extraordinaire pour tirer enseignement de votre très faible score. Qu’est-ce qui va être sur la table ? La direction ? La campagne ? La stratégie ?
Olivier Dartigolles. Je crois qu’on a besoin de ce congrès extraordinaire. Je mesure qu’il y a une attente très forte d’un débat de fond qui traite de toutes les questions qui viendront. On sent que ce débat doit être construit à partir de l’état du monde, de l’Europe, de la société. Il y a besoin d’un état des lieux qui n’en reste pas à la surface des choses. Il y a des questions que la recomposition politique en cours rend plus vives aujourd’hui.
Comment faire vivre, dans le capitalisme mondialisé, les valeurs d’égalité, de liberté, de justice sociale ? L’état de la gauche et la faiblesse du PCF doivent nous faire réfléchir à un changement de logiciel : celui qui a servi le mouvement ouvrier et progressiste du XXe siècle n’est visiblement plus opérant. Le congrès ne peut pas être au-dessous de ce niveau de réflexion.
Dans un mois, les législatives sont une première échéance. Y a-t-il un risque que le PCF soit absent ou presque du Parlement ?
Olivier Dartigolles. La situation est inédite : après cinq ans aux affaires, la droite très dure s’est requalifiée et les législatives viennent dans le prolongement de la mécanique de la présidentielle. Cela rend indispensable une très grande mobilisation des communistes, pour les législatives et toutes les initiatives de résistance à Sarkozy et à sa politique. L’existence d’un groupe communiste est une question politique : ce serait une mauvaise nouvelle de plus que de perdre cet instrument de résistance parlementaire à Nicolas Sarkozy et ce point d’appui pour les luttes et les mobilisations.
D’autre part, nous avons vu le 22 avril les dégâts que produit un vote soi-disant « utile » en faveur du PS : l’affaiblissement des autres forces de gauche et notamment du PCF a conduit à la fois à la victoire de la droite et à encourager le PS à regarder du côté de la droite et du centre.
Le vote pour les candidats présentés ou soutenus par le PCF sera un vote franchement antidroite, pour une gauche qui veut résister, redonner de l’espoir et pour cela rester elle-même.
Entretien réalisé par Olivier Mayer
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